jeudi 24 janvier 2013

« Nous contrôlons champs et vergers d'Israël et prélevons la dime »

 

Le rav Mordé'haï Biderman a été investi d'une mission d'une importance capitale : c'est lui qui, au sein du grand rabbinat d'Israël, orchestre la mise en application de la mitsva du prélèvement du maasser, de la dîme pour l'ensemble de la production agricole israélienne. À l'occasion de Tou biChevat, il nous explique en détail en quoi consiste l'action de son département, ainsi que les problèmes inhérents à ces mitsvot qui dépendent de la Terre d'Israël.


- Hamodia : En quoi consiste le travail de votre département ?
- Rav Mordé’haï Biderman : Nous contrôlons principalement le respect de deux mitsvot : l'interdit de manger des fruits de 'Orla (provenant d'un arbre, durant les trois années suivant sa plantation) et la mitsva de prélever les différentes dîmes telles que « téroumot » et « maasserot », afin de rendre les fruits permis à la consommation.

- Hamodia : Comment vous assurez-vous que les fruits commercialisés ne sont pas sous le coup de l'interdit de 'Orla ?
- R. M. B : Ce sont les agriculteurs qui s'adressent au grand rabbinat pour obtenir l'attestation certifiant que leurs arbres sont plantés depuis plus de trois ans, et que les fruits de leurs plantations n'entrent pas dans la catégorie de 'Orla. Ils ont besoin de cette attestation pour pouvoir commercialiser leurs fruits dans tous les marchés grossistes et dans les chaînes de supermarché du pays.
Le grand rabbinat travaille avec une équipe d'agronomes spécialisés, qui parcourent les champs une fois par an, afin de vérifier s'il y a de nouvelles plantations. Lorsqu'un agriculteur possède à la fois des vergers dont les fruits sont permis et d'autres qui sont sous le coup de la ‘Orla, nous exigeons qu'un fonctionnaire du grand rabbinat se trouve sur place au moment de la cueillette. L'agriculteur reçoit alors une attestation de la rabbanout, qu'il doit joindre à son envoi. Le machguia’h qui se trouve dans le supermarché ou dans le marché en gros, demande à consulter cette attestation.

- Hamodia : Les fruits interdits de la ‘Orla ne constituent-ils pas une minorité infime ?
- R. M. B : La modernisation de l'agriculture permet de faire pousser des fruits rapidement, et la proportion de fruits interdits a augmenté. Ceci dit, il arrive souvent que les agriculteurs préfèrent empêcher les fruits de pousser pendant les trois premières années, afin que l'arbre lui-même grandisse plus et soit par la suite plus productif. Les fruits sont donc retirés bien avant d'être mûrs. Le problème, c'est que souvent, les agriculteurs préfèrent acheter de jeunes arbres qui ont poussé pendant un ou deux ans en pépinière. Lorsque ces arbres sont plantés dans leurs champs, il faut recommencer le compte des années à zéro. Pour éviter cette situation, nous proposons depuis quelques années de surveiller les pépinières. Nous surveillons aussi la plantation des arbres, pour qu'elle soit faite de façon à ce qu'on ne doive pas recommencer le compte des années. Cela permet d'accorder un niveau de cacherout " normal " à ces fruits, mais pas un niveau de cacherout « Méhadrin », car l'avis des décisionnaires est partagé sur la question de la légitimité de cette façon de faire.

- Hamodia : Comment savoir si des fruits exportés d'Israël en France sont des fruits permis, ou des fruits qui tombent sous l'interdit de 'Orla ?
- R. M. B : La plupart des fruits exportés sont emballés dans des usines d'emballage qui sont surveillées par le grand rabbinat d'Israël. Il suffit donc de vérifier le nom de l'usine sur la caisse de fruits. Nous avons, par ailleurs, publié une liste de fruits qui ne posent pas problème : les oranges, les pamplemousses, les mandarines, les citrons, les avocats, les mangues et les plaqueminiers (kakis). En cas de doute, on peut appeler les bureaux de mon département au grand rabbinat.

- Hamodia : Vous devez aussi vous assurer que tous les fruits et légumes soient « surveillés », afin qu'on y prélève les « téroumot oumaasserot ». Comment le grand rabbinat s'organise pour cela ?
- Dans les marchés de gros, les contrôleurs religieux (machgui'him) reçoivent chaque livraison. Ils vérifient que le bulletin de livraison correspond au contenu de l'envoi et passent d'un produit à l'autre, afin de prélever la dîme nécessaire. Lorsque les fruits arrivent d'une usine d'emballage, ils ont déjà été « prélevés », et le machguia’h se contente de vérifier que le bulletin de livraison a bien été certifié par le machguia’h de l'usine. Les petits magasins, et les marchés ouverts achètent parfois leurs produits directement de l'agriculteur. C'est pourquoi, il faut absolument vérifier qu'ils ont un certificat de cacherout. Dans ce cas, le machguia’h est censé passer dans le magasin deux fois par jour, il vérifie que le contenu du magasin correspond au bulletin de livraison et que celui-ci a bien été certifié par le machguia’h du marché en gros. Il prélève aussi les fruits et légumes qui n'ont pas encore été " prélevés ". Il peut arriver que le machguia’h prélève les maasserot " de loin ", quelques heures avant de rentrer dans le magasin et de prélever les fruits réellement. Cela n'est pas optimal et ne se fait que là où on accorde un niveau de cacherout normale.

- Hamodia : Que doit-on faire avec les fruits qui sont importés d'Israël en France ?
- Les usines d'emballages sont surveillées du point de vue de la ‘Orla, mais elles refusent de prélever les maasserot sur les fruits destinés à l'exportation (et donc généralement à la consommation de non-juifs), car cela est très couteux. Il faut donc prélever soi-même les téroumot oumaasserot des fruits en provenance d'Israël et qui sont commercialisés en France.

- Hamodia : Quelles recommandations pouvez-vous donner au consommateur moyen ?
- Je recommande fortement de n'acheter des fruits et des légumes que dans des magasins qui sont surveillés par la rabbanout. Vous comptez peut-être sur le fait que les fruits de la 'Orla constituent une part minime du marché (c'est le cas de nombreux fruits), mais cela n'est permis que dans le cas où on n'a pas d'autres possibilités. Et même si vous prélevez vous-même les téroumot oumaasserot, vous risquez d'induire en erreur d'autres familles traditionalistes, qui croient qu'il est permis de consommer ces fruits, vu qu'une famille religieuse les consomme. Ces familles ne savent pas forcement que vous prenez la peine de prélever les téroumot oumaasserot, ou ne savent comment s'y prendre pour le faire elle-même, selon les règles de la Hala’ha.

Plus de renseignements : rav Mordé’haï Biderman: 02 531 31 26 ou 050 411 82 09
matav@rabbinate.gov.il ; fax : 02 591 31 70

Source Hamodia