mercredi 24 avril 2013

Israël : les Samaritains fêtent Pâques



Les Samaritains (autoethnonyme : Shamerim, qui signifie « les observants » ou « ceux qui gardent » ; en hébreu moderne : Shomronim - שומרונים, c'est-à-dire « de Shomron », la Samarie ; ou « Israélites-Samaritains » sont un peuple peu nombreux se définissant comme descendant des anciens Israélites, et vivant en Israël et en Cisjordanie. On appelle parfois leur religion le samaritanisme. Leur nom apparait dans la Bible. les Samaritains ne sont aujourd'hui plus qu’une minuscule communauté de quelques centaines de membres, qui vivent essentiellement dans les Territoires palestiniens et en Israël.
Hier, mardi 23 avril 2013, les Samaritains célébraient la fête de Pâques en sacrifiant des agneaux selon un rite extrêmement précis
.

Les Samaritains offrent le paradoxe d'être à la fois une des plus petites populations du monde, puisqu'ils sont 712 en 2007, et une des plus anciennes dotées d'une histoire écrite, puisque leur existence est attestée au Ier millénaire av. J.-C. en Samarie. Ils ont dominé cette région jusqu'au VIe siècle, dans le nord de l'actuel Israël.
Leur religion est fondée sur le Pentateuque, comme le judaïsme. Cependant, contrairement à celui-ci, ils refusent la centralité religieuse de Jérusalem. Bien qu'ils soient apparus avant le développement du judaïsme rabbinique et que cette différence ne soit donc pas à l'origine de leur divergence, ils n'ont pas de rabbins et n'acceptent pas le Talmud du judaïsme orthodoxe. Les Samaritains refusent également les livres de la Bible hébraïque postérieurs au Pentateuque (Livres des prophètes et livres hagiographes).
Ils ne se considèrent pas comme Juifs, mais comme des descendants des anciens Israélites du royaume antique de Samarie. À l'inverse, les Juifs orthodoxes les considèrent comme des descendants de populations étrangères (des colons Assyriens de l'Antiquité) ayant adopté une version illégitime de la religion hébraïque, et à ce titre refusent de les considérer comme Juifs, ou même comme des descendants des anciens Israélites. Ils sont reconnus comme Juifs par l'État d'Israël.
D'après leur livre des Chroniques (Sefer ha-Yamim), les Samaritains se considèrent comme les descendants des tribus d'Ephraïm et de Manassé (deux tribus issues de la Tribu de Joseph) vivant dans le royaume de Samarie avant sa destruction en -722. La famille sacerdotale affirme descendre de la tribu de Lévi. La vision les faisant descendre des anciens Israélites du Nord est assez proche de celle de la majorité des historiens.
Ils ajoutent que « ce sont les Juifs qui se sont séparés d'eux au moment du transfert de l'Arche au XIe siècle » avant notre ère. Selon la deuxième de leurs sept chroniques, « c'est Élie qui causa le schisme en établissant à Silo un sanctuaire dans le but de remplacer le sanctuaire du mont Garizim ».
La centralité du Mont Garizim n'est pas la seule spécificité des Samaritains. Outre la question de leur origine supposée non israélite par les Juifs, il existe également des différences importantes en matière de textes sacrés, les Samaritains n'acceptant que le Pentateuque. Mais le Mont Garizim comme principal lieu saint, en lieu et place de Jérusalem, est un marqueur fondamental de la différence avec les Juifs.
Les Samaritains considèrent que de tout temps, c'est le mont Garizim qui fut désigné par Dieu pour être le centre du culte. Ils citent pour cela les passages du Deutéronome : « Lorsque vous aurez passé le Jourdain, Siméon, Lévi, Juda, Issacar, Joseph et Benjamin, se tiendront sur le mont Garizim, pour bénir le peuple » et plus encore « Et lorsque l’Éternel, ton Dieu, t’aura fait entrer dans le pays dont tu vas prendre possession, tu prononceras la bénédiction sur la montagne de Garizim, et la malédiction sur la montagne d’Ebal ». On trouve d'autres citations, comme dans le livre des Juges ou dans celui de Josué.
Pour les Samaritains, Jérusalem aurait donc été imposée par les Israélites du sud, ceux du royaume de Juda, les Judéens (les Juifs à partir de l'époque perse) à l'encontre de cette ancienne sanctification.

Certains éléments factuels semblent s'écarter de la vision samaritaine sur la place prééminente du Mont Garizim dans le culte des anciens Israélites. La construction du temple sur le mont Garizim est en effet en rupture avec la diversité cultuelle ancienne de la Samarie : les lieux de culte de Béthel et de Dan qui dominaient le royaume de Samarie disparaissent. Il est possible qu’il s'agisse d'une influence judéenne, une volonté de répondre à l'exclusion par une autre légitimité.
À l'inverse, il est notable que le Mont Garizim soit connu du Pentateuque (les cinq premiers livres), tandis que la centralité de Jérusalem n'apparaît que dans les Livres de Samuel et des Rois, décrivant les règnes de David et Salomon (mais rédigés plusieurs siècles après).
Ainsi, si le Mont Garizim apparaît bien comme un ancien lieu sacré israélite, plus ancien peut-être que Jérusalem (au moins cité avant cette ville dans les sources textuelles), il n'était en tout cas pas, à l'époque de l'ancien royaume de Samarie le centre du culte, ni même le lieu de culte le plus important.
Des divergences religieuses et politiques croissantes ont d'abord éloigné Israélites du Nord et du Sud, comme les accusations bibliques contre les pratiques religieuses du Nord en témoignent. On ne sait pas exactement de quand date la rupture définitive entre Juifs et Samaritains. Au plus tôt, elle se produit vers 520 av. J.-C., lors de la construction du second temple de Jérusalem par certains des anciens exilés juifs à Babylone. Au plus tard, elle est attestée vers 330 av. J.-C..
Quelles que soient les raisons de la rupture entre les communautés, et sa date exacte, les Samaritains et les Judéens (qui donnèrent les Juifs) ne se considèrent plus comme un seul peuple, alors même qu'ils se réclament tous deux de la descendance des Hébreux et qu'ils suivent le Pentateuque.
Les Samaritains semblent être restés une population assez nombreuse dans le nord de l'actuel territoire israélo-palestinien : au moins quelques centaines de milliers de personnes jusqu'au VIe siècle, certains auteurs allant jusqu'à 1,2 million aux IVe et Ve siècles. Mais ils n'ont jamais plus été un peuple indépendant.
Comme les Juifs, ils sont passés sous le contrôle des empires qui ont succédé à l'Empire assyrien, puis sous la souveraineté de la dynastie Séleucide, du royaume juif des hasmonéens, de l'Empire romain, de l'Empire byzantin, de l'Empire omeyyade et de l'Empire ottoman.



Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les Samaritains ne sont plus qu'environ 120, puis 146 en 1917. Leur avenir semble menacé par la consanguinité (il y a un nombre anormalement élevé de handicaps héréditaires au sein de la communauté), la pauvreté et les conversions. Les observateurs de l'époque prédisent souvent leur disparition rapprochée.
Après la fondation en 1920 du foyer national juif en Palestine, les relations avec les sionistes sont bonnes. Ces derniers, largement laïcs, ne s'intéressent pas aux disputes religieuses, et reconnaissent sans grande difficulté les Samaritains comme juifs.
Les Samaritains n'acceptent que l'autorité de l’Hexateuque (pentateuque mosaïque et Livre de Josué). Ils refusent les autres livres de la Bible juive et sa tradition orale (telle qu'exprimée dans la Mishna et les Talmuds). Leur pentateuque est en substance identique à celui des Juifs, mais il s'écrit en hébreu samaritain avec l'alphabet samaritain, une variante de l'ancien alphabet paléo-hébraïque abandonné par les Juifs.
Au-delà de la langue, il existe des différences entre les deux versions du pentateuque. Les plus importantes portent sur la situation du Mont Garizim comme principal lieu saint en lieu et place de Jérusalem. Les dix commandements de la Torah samaritaine intègrent ainsi en dixième commandement le respect du Mont Garizim comme centre du culte.



Les deux versions des dix commandements existant dans le Tanakh juif (celle du livre de l'Exode et celle du Deutéronome) ont été également uniformisées. Afin de conserver le nombre des commandements (dix), le 1er commandement juif (« Je suis l'Éternel (YHWH), ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude ») est considéré comme une simple présentation, le premier commandement samaritain étant donc le second commandement juif : « Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face ». Pour les Samaritains, « les sages juifs ont fait de la présentation un commandement pour maintenir le nombre de ceux-ci à dix (le nombre de commandements est mentionné dans l'Exode, 34.28), après avoir corrigé leur version en en retirant le dixième » relatif au mont Garizim.
Au-delà de ces différences fondamentales, il existe d'assez nombreuses différences portant sur des détails de rédaction entre la Torah samaritaine et la Torah Juive. Exception faite des divergences portant sur le mont Garizim, ces différences rendent le pentateuque samaritain plus proche de la Septante que du texte massorétique.
« Quant à leurs croyances, les Samaritains pratiquent une religion qui se veut strictement mosaïque. Leur « credo » est fondé sur les cinq données suivantes :
1. L'unité et l'unicité de Dieu.
2. Moïse est le seul prophète.
3. Les Livres de l’Hexateuque sont les seuls inspirés, ce qui peut expliquer le rejet de l'ensemble de la littérature biblique et l'attachement au seul Hexateuque écrit en caractères samaritains, dérivant directement de l'écriture phénicienne.
4. Le mont Garizim est le seul lieu choisi par Dieu pour y recevoir un sanctuaire, siège de sa sainteté, selon Dt 11, 9 et 27, 4 où les Samaritains lisent Garizim au lieu d'Ebal.
5. La résurrection des morts pour le Jugement dernier.




Les Samaritains attendent l'avènement du Taheb, le messie semblable à Moïse. Il vivra cent dix ou cent vingt ans et fondera un second royaume, qui durera des siècles. Ce sera le retour de la Rahouta [la période de la faveur divine]. »
Les Samaritains ont également leur propre corpus de traditions et de livres saints pour interpréter le Pentateuque. On y trouve ainsi un livre de prière et de chants, le Defter, qui joue un rôle important dans la liturgie. On y trouve surtout le Memar (enseignement) « qui est plus proche qu'aucun autre livre excepté le pentateuque du cœur du samaritanisme ». Ce dernier livre a été écrit en araméen samaritain par Marqah (Marcus), un philosophe samaritain du IVe siècle de l'ère chrétienne, et montre une forte influence de la philosophie grecque. Le livre est très divers et comprend une exégèse biblique, des chants et des prières, une approche philosophique des questions religieuses et enfin une théologie.
On peut enfin rajouter le livre des chroniques (Sefer ha-Yamim), œuvre historique mais avec un certain contenu religieux.
Les Samaritains ne célèbrent pas bon nombre de fêtes religieuses juives, qui ne sont pas prescrites par le pentateuque. Leur fête religieuse principale est la fête de pâque. Contrairement aux Juifs qui l'ont abandonné, les Samaritains ont conservé le sacrifice de l'agneau pascal, normalement effectué la veille de pâque, sur le mont Garizim.



La pâque n'est cependant pas leur seule fête, puisque « trois fois par an, les pèlerins Israélites-Samaritains visitent leur lieu saint sur le sommet du mont Garizim. Le septième jour de la pâque, qui est appelé le “festival des pains sans levain”, pour Chavouot (pentecôte) et le premier jour de la fête des tabernacles (Souccot) ». Ces trois pèlerinages correspondent étroitement aux trois principaux pèlerinages juifs, les Sheloshet Haregalim.
Au-delà des divergences sur les fêtes, il y a aussi des divergences sur le calendrier religieux. Celui-ci « remonte à la première année de l'entrée du peuple d'Israël en terre sainte […] [alors que] le calendrier hébreu juif […] a commencé la première année de la création. […] [ainsi par exemple, l']année […] 3641 dans le calendrier samaritain, […] [est] parallèle à l'année 5763 dans le calendrier juif et aux années 2002-2003 dans le calendrier civil ». De plus, les calculs de dates du calendrier samaritain se font sur la base d'un calendrier lunaire assez similaire au calendrier juif (alternance d'années de 12 ou 13 mois lunaires), mais dont les règles d'alternances sont différentes. Les célébrations samaritaines tombent donc parfois aux mêmes dates que les célébrations juives équivalentes, mais peuvent aussi en être décalées de quelques jours ou d'un mois. Les mois sont numérotés, et n'ont pas de nom, contrairement au calendrier juif.
Au-delà de leurs croyances, de leurs fêtes et de leurs modalités de culte, les Samaritains insistent particulièrement sur 4 pratiques :
1.Vivre près du mont Garizim (ce qui est remis en cause par l'installation d'une partie de la communauté en Israël).
2.La participation obligatoire de toute la communauté au sacrifice de pâque, sur le mont Garizim. Cette obligation posa de nombreux problèmes aux Samaritains d'Israël entre 1949 et 1967, lorsque la Cisjordanie était sous autorité Jordanienne et que les frontières étaient fermées. Le roi Hussein et Israël autorisaient normalement la traversée de la « ligne verte » à pâque.
3.La célébration du shabbat (y compris l'interdiction d'allumer la lumière pendant le shabbat).
4.Le respect des règles de pureté prescrite par la Torah, pour lesquelles les Samaritains ont une interprétation souvent plus stricte. Ainsi, par exemple, les Samaritains interprètent les règles du Lévitique 12 comme imposant l'isolement de la femme lors de ses règles ou après une naissance. Le judaïsme demande plus simplement à la femme de s'isoler de son époux.

Les Samaritains utilisent des mezouzot d'un type particulier, beaucoup plus grosses que les mezouzot juives, mais refusent l'utilisation des phylactères, à la manière des anciens Sadducéens.
La Menorah est considérée par les Samaritains comme leur symbole national. L'étoile de David, par contre, n'est pas utilisée, car c'est un symbole spécifiquement juif dont il n'est pas fait mention dans la Bible. Il est semble-t-il apparu bien après la rupture entre Juifs et Samaritains.



La circoncision des enfants mâles est faite le huitième jour après la naissance, conformément au Lévitique.
Contrairement aux Juifs, pour lesquels le statut de Juif se transmet par les femmes, le statut de Samaritain se transmet par l'homme, ce qui a permis le développement récent et limité de mariages d'hommes samaritains avec des femmes extérieures à la communauté. « Il n'y a aucun rite samaritain de conversion. Ce qui est exigé, c'est seulement l'acceptation de la foi de la communauté et de son mode de vie ». Cette absence de rite de conversion semble d'ailleurs plus due à une totale absence de conversion aux époques historiques qu'à un quelconque « libéralisme ». Au contraire, le judaïsme admet les conversions dans certaines conditions précises, et à donc développé des procédures spécifiques. L'absence totale de conversions historiquement prouvées chez les Samaritains est confirmée par l'absence de procédure spécifique, par les graves problèmes de consanguinité que connaît la communauté et par la génétique : « la basse diversité […] suggère que le flux de gènes maternels dans la communauté samaritaine n'a pas été très élevé » (peu d'entrées de femmes dans la communauté). L'ouverture actuelle vers l'intégration de femmes « étrangères » au sein du groupe est donc une innovation religieuse remarquable, encore qu'elle ait peut-être aussi été pratiquée au premier millénaire avant l'ère chrétienne, selon une étude génétique de 2004.

Source Wikipedia