jeudi 25 juillet 2013

Quand la science se met au service de l'archéologie israélienne

 
Mathilde Forget, post-doctorante à l’Institut Weizmann, réalise, avec l’aide de l’Institut français de Tel-Aviv, des fouilles archéologiques sur le site de Tel Megiddo, en Israël. Elle nous livre le fruit de ses premières semaines de recherche et explique l’importance des outils technologiques et scientifiques pour le travail archéologique.

 Appareils d’analyse de précision requis
L’archéologie est une science qui vise à étudier le comportement humain passé. Cette étude se fait principalement à partir d’observations macroscopiques, à l’oeil nu, mais aussi d’observations microscopiques, qui nécessitent l’utilisation de microscopes, spectromètres et autres appareils d’analyse de précision. On parle alors de microarchéologie. A l’Institut Weizmann de Rehovot (Israël) existe un laboratoire spécialement dédié à la microarchéologie : le Kimmel Center for Archaeological Science. Dans ce centre, parmi les principaux outils utilisés, il y a la datation au carbone 14, la microscopie pétrographique, la microscopie électronique à balayage, différentes spectroscopies (FTIR et XRF) ou encore les analyses thermiques (ATG / DSC). En parallèle des différentes analyses, des essais et des simulations peuvent permettre une meilleure interprétation des résultats.
 
Qu’est-ce qu’un tell ?
Dans le cadre de mon post-doctorat au Kimmel Center, je fais partie d’un projet visant à étudier les matériaux mis au jour sur le site archéologique de Tel Megiddo, sous la coordination du Dr Ruth Shahack-Gross et du Pr Steve Weiner. Situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Nazareth, Tel Megiddo est l’une des plus importantes cités de l’ancien Proche-Orient, mentionnée dans des écrits égyptiens et d’autres écrits historiques, ainsi que dans le Bible (ville associée à Armageddon). Comme tous les tells (ou tels) du Proche-Orient, le site est riche d’une longue histoire, depuis sa fondation il y a environ 9.000 ans, jusqu’à la dernière occupation datant d’il y a 2 500 ans. Mais qu’est-ce qu’un tell ? C’est une colline artificielle résultant de la construction de différentes cités les unes sur les ruines des autres, probablement due au fait que les premières constructions étaient situées dans des emplacements stratégiques. Le résultat final est que le tell est composé de plusieurs couches, chacune renfermant des informations historiques pouvant servir de matière première aux archéologues.
 
Comprendre l’origine d’un incendie
Les premières excavations ayant eu lieu à Tel Megiddo datent du début des années 1900, suivies par de nombreuses autres, menées par différentes équipes, jusqu’à aujourd’hui. Mes recherches se focalisent sur une zone particulière de Tel Megiddo, appelée zone Q. Cette zone d’excavation est fouillée conjointement par une équipe de l’Université de Tel Aviv et une équipe du Kimmel Center. Dans la zone Q, une couche en particulier est concernée par mes recherches, la septième en partant de la surface (appelée Q7). La couche Q7 date du 11ème siècle av. J.-C. ; elle correspond aux débuts de l’Age de Fer. Les excavations précédentes ont montré que la cité correspondant à cette période a été dévastée par un violent événement, probablement un grand incendie. Toutefois, l’origine de cet incendie n’est pas encore connue : il pourrait être la conséquence d’un tremblement de terre ou d’une conquête. Mon travail est donc d’obtenir des informations sur cet incendie, son origine, sa propagation et son intensité, à partir de l’étude de briques d’argiles extraites de cette couche (cf. photo d’excavation et de l’une des briques étudiées).
 
De la composition des briques aux essais de cycle thermique
Mes résultats préliminaires ont montré que les briques d’argile extraites de Q7 ont subi une chauffe homogène dans l’épaisseur allant jusqu’à 700°C. Néanmoins il est important de déterminer si ces briques ont été chauffées dans un four avant de construire la maison, ou bien durant l’épisode de destruction de la cité. Une bonne compréhension de la façon dont ces briques ont été chauffées permettra ainsi d’avoir des indices sur le type et l’origine de l’incendie.
Mon étude a commencé par la caractérisation des briques afin d’en déterminer la composition. Une fois la composition globale établie, je peux me lancer dans la préparation expérimentale de mes propres briques pour ensuite conduire des essais de cycle thermique à différentes températures et différents temps de chauffe, tout en suivant la température à l’intérieur des briques. L’objectif est d’évaluer la diffusion de la chaleur dans les briques. Ces essais devraient permettre de déterminer comment ces briques d’argile antiques peuvent présenter une telle homogénéité de chauffe dans leur épaisseur. Les résultats obtenus permettront, je l’espère, de faire la lumière sur cet événement qui a détruit la cité de Tel Megiddo, il y a maintenant 3 100 ans.

Source bulletins-electroniques