mercredi 27 novembre 2013

Nucléaire iranien : pour Israël, "si la diplomatie échoue, l'option militaire existe"


Emmanuel Navon est professeur de relations internationales à l'Université de Tel Aviv. Il est également membre du Comité central du Likoud, le parti du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Il explique pourquoi cet accord est "mauvais" pour l'Etat hébreu et revient sur l'hypothèse d'une riposte militaire.


Benjamin Netanyahou affirme qu'Israël n'est pas lié par l'accord conclu à Genève sur la question nucléaire iranienne. Pourquoi cet accord est mauvais pour l'Etat hébreu ?
- Tout d'abord, nous ne sommes pas liés à cet accord parce qu'Israël n'était pas présent à la table des négociations. Ensuite, il est particulièrement problématique pour plusieurs raisons.
En premier lieu, c'est un accord temporaire. La question est de savoir, dans la période de ces six mois, quelle sera la réaction des Américains si les Iraniens ne respectent pas les termes de l'accord.
En second lieu, pour la première fois, la communauté internationale reconnaît à l'Iran le droit d'enrichir de l'uranium. Certes, à 5%. Mais l'uranium qui a déjà été enrichi à 20% est mis de côté, or cet uranium peut servir à fabriquer une arme nucléaire. Et il y a continuation de l'enrichissement par les turbines. La moitié des 18.000 turbines vont continuer à être utilisées.
Enfin, la centrale d'Arak est toujours là. Certes, la construction est arrêtée mais il n'est pas prévu de la démanteler.
En fait, tout va dans le sens d'un ralentissement provisoire du programme nucléaire iranien dont tout le monde sait qu'il est à vocation militaire. Donc la vraie question est : si l'Iran ne respecte pas les clauses de l'accord, quelle sera la réaction américaine ? Quelle sera la réaction de Paris, si ferme dans les négociations sur la question d'Arak ? Si l'AIEA attrape l'Iran la main dans le sac en train de tromper l'Occident, les Etats-Unis réagiront-ils par une opération militaire ? Ce n'est écrit nulle part. Les Iraniens ne sont pas aujourd'hui sous une menace.

Le Premier ministre assure qu'Israël "ne laissera pas l'Iran se doter de capacités militaires nucléaires". Fait-il référence à de possibles frappes militaires ?
- La réponse est très clairement oui. Si la diplomatie échoue, étant donné que la politique d'Israël – qui est celle d'ailleurs officiellement des Etats-Unis – est d'empêcher l'Iran par tous les moyens d'avoir l'arme nucléaire, cela signifie que l'option militaire existe. La menace militaire américaine est de moins en moins crédible. Elle l'était dans le passé et a été une des raisons de la venue des Iraniens autour de la table des négociations.
Si la communauté internationale échoue à empêcher l'Iran de se doter de l'arme nucléaire, cela signifie que l'option militaire est plus d'actualité que jamais.
L'accord est signé pour six mois. Tout dépend de la façon dont l'Iran l'appliquera. S'il le viole de façon éhontée et qu'Américains et Européens ne font rien, alors l'option sera immédiatement ouverte. S'il y a une réaction ferme, cela rendrait l'opération militaire israélienne peu probable.

Cet accord semble isoler encore un peu plus Israël sur l'échiquier international. Est-ce une réalité ?
- Je ne vois pas du tout en quoi Israël serait isolé. Nous avons des relations stratégiques étroites, diplomatiques et économiques avec la plupart des Etats dans le monde. Cet accord ne satisfait pas les exigences israéliennes, c'est très clair. Mais d'un autre côté, il est moins mauvais que ce qui était négocié il y a deux semaines et entre autre grâce à la diplomatie israélienne. Le fait même que la communauté internationale se soit penché d'aussi prêt sur la question iranienne est le résultat d'une diplomatie israélienne très active ces cinq à six dernières années. C'est parce qu'Israël n'a cessé de faire pression sur les Etats-Unis, la Russie ou la France que l'accord est moins mauvais que ce qu'il pouvait être. La diplomatie israélienne proactive a été efficace. Après, bien sûr, on ne peut pas penser qu'Israël peut dicter ses volontés au reste du monde ! Il aurait été irréaliste de penser que les négociateurs signeraient un accord suivant les volontés israéliennes…

Source Le Nouvel Observateur