dimanche 13 avril 2014

Décès de Pundak, un homme de valeur et de valeurs


Ron Pundak est décédé vendredi. C'était un homme d'une rare qualité. On se demande souvent"qu'est-ce que cette personne devant moi veut vraiment?" Habituellement, on obtient des réponses telles que la gloire personnelle, l'influence, le pouvoir politique ou la richesse. Ce n'était pas le cas avec Pundak. C'était un vrai sioniste qui croyait de tout son coeur et de toute son âme que la réalisation de la vision sioniste d'un Etat d'Israël juif et démocratique exigeait un accord de paix avec les Palestiniens. Pour lui, la frontière était appelée à non seulement séparer les deux peuples, mais à aussi permettre une collaboration accrue entre eux...



Il croyait que le vrai sionisme signifiait un Etat d'Israël vivant en paix avec tous ses voisins, lui permettant de coopérer avec eux dans les divers aspects de la vie, en particulier dans le domaine économique. Il était un homme axé sur les valeurs, et n'a pas hésité à se battre pour la vérité, même lorsque les circonstances ne s'y prêtaient guère.
Au cours des dernières années, je ne fréquentais plus le même Ron. Il était conscient d'être atteint d'une grave maladie, mais refusait de croire qu'elle était incurable. Cependant, à certains moments lors de l’administration de traitements désagréables qu'il devait subir, le désespoir s'emparait de son discours. Il voulait croire qu'il pouvait vaincre la maladie, mais a cependant agi comme s'il savait que ses jours étaient comptés. Se préparant à mourir, il a publié deux livres au cours de la dernière année, a donné des conférences et participé à des débats, refusant toujours de renoncer à la paix, ce qui équivalait pour lui à renoncer au sionisme.
Alors qu'on le plaçait un coma artificiel jeudi soir, juste avant son décès le lendemain matin, il a pu se dire qu'il avait rempli sa mission. Malgré que sa vie ait été tragiquement trop courte, il a réussi à laisser une marque que peu d'autres ayant vécu plus longuement ont laissé.
Il s'agit d'un second deuil pour ses parents. La première fois fut lorsque le frère de Ron perdit la vie pendant la guerre du Kippour. Son père, Nahum (Herbert) est un journaliste chevronné qui a immigré du Danemark en 1948 et servi dans l'armée israélienne. Il était cependant resté pendant de nombreuses années le rédacteur en chef du prestigieux journal danois Politiken et, partageant son temps entre Israël et le Danemark, écrivait aussi pour le journal israélien Davar Shavua. Lorsque j'ai commencé à travailler pour le journal, il était une légende et ses articles étaient un réel enseignement en journalisme.
Un quart de siècle plus tard, alors que l'universitaire et militant pacifiste Yair Hirschfeld se préparait à faire un voyage à Oslo en mon nom, il est venu dans mon bureau accompagné de Ron, qu'il a présenté comme son protégé. Nous ne nous connaissions pas, mais lorsqu'il a dit qu'il était le fils d'Herbert, j'ai compris que nous venions de former un cercle parfait.
C'est seulement en 2013, après avoir publié son livre "Secret channel: Oslo – the full story" (Le couloir secret: Oslo, l'histoire complète, ndlr), que j'ai appris beaucoup de choses que j'ignorais au sujet du processus difficile que je menais à partir de Jérusalem, sans prendre part aux négociations en Norvège. J'ai pris connaissance de comment il s'est senti au cours de cette année, des choses qu'il ne m'a jamais dites et qui m'ont profondément touché.
Ron a été impliqué dans toutes les négociations que je menais, de manière formelle comme informelle. Il a tenu un rôle majeur dans les accords d'Oslo, aux côtés de Yair Hirschfeld, qui était en charge des négociations en Suède avec les représentants de Mahmoud Abbas, qui était alors le secrétaire général du Comité exécutif de l'OLP. Les négociations ont produit un document baptisé "L'accord Beilin-Abbas", qui constituait un projet d'accord permanent israélo-palestinien, approuvé mais pas signé par les responsables des deux côtés.
Lorsque j'ai eu à organiser des négociation avec le ministre palestinien de la Culture de l'époque, Yasser Abed Rabbo, dans le cadre des efforts diplomatiques qui ont abouti à l'Initiative de Genève, il ne m'est jamais venu à l'idée de mener ce projet sans lui. Il a joué un rôle crucial au cours de ces deux ans et demi, en se concentrant sur les questions de Jérusalem et des frontières du futur Etat palestinien, jusqu'à ce que l'accord soit signé fin 2003. Il était aussi un membre clé du "Groupe X", dont le travail était consacré aux aspects économiques d'un accord permanent avec les Palestiniens.
Ron était est parmi les gens qui ont façonné Israël au cours des 20 dernières années, sans porter de titres officiels. Les larmes que nous versons sur sa mort sont personnelles. La profonde gratitude que nous éprouvons pour ses réalisations est une affaire publique.
Le Dr. Yossi Beilin est le président de Beilink Consulting Business. Il a été trois fois ministre. Il fut député de la Knesset pour les partis Avoda et Meretz. Il a été l'un des pionniers des accords d'Oslo, de l'Initiative de Genève et de Birthright (Taglit).

Source I24News