jeudi 10 juillet 2014

A Ashkelon, le désir " d'en finir avec le problème Gaza "


Sirènes d'alerte aux roquettes et vol des hélicoptères vers le territoire palestinien à quelques kilomètres au sud rythme la vie des habitants "depuis trop longtemps". "Quand ça a recommencé ? Mais ça n'a jamais arrêté. " Yossi, qui est venu jouer dans la petite salle de paris rue Ben Gourion dans le centre d'Ashkelon où il habite, à quelques kilomètres de Gaza, commente le dernier passage de missile dans le ciel. Le panache blanc laissé dans le ciel bleu est encore visible lorsqu'il pointe son nez en dehors de la boutique à la fin de la sirène. "C'est bon, celui-la on l'a arrêté", dit-il...
 

En effet, la traînée, stoppée net dans sa course, se termine par un petit nuage plus intense. Iron Dome, comme on appelle le système anti-missile israélien, a fait son boulot. Ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Le système n'est pas infaillible. Au deuxième jour de l'opération "bordure protectrice", c'est une large part du pays qui a été visée par les activistes palestiniens : non seulement le sud mais aussi Tel Aviv ou quelques villes plus au nord comme Hadera où Zikhron Yaacov où un missile s'est abattu mercredi midi à près de 130 kilomètres de là.

"J'ai pas peur. Et puis j'en ai marre"

Mais ce soir, le sud, première cible des terroristes, subit une nouvelle série de tirs. Chaque sirène entraîne les mêmes réactions en chaine. Tout le monde se met à courir vers un abri. S'il n'y en a pas, ou si les gens ne veulent pas perdre de temps à en chercher, ils s'allongent parterre. Rue Ben Gurion, beaucoup se précipitent vers le centre commercial Guiron et investissent les arrières-boutiques. Au café Aroma, malgré deux sirènes à vingt minutes d'intervalle, une jeune ado ne bouge pas. "J'ai pas peur. Et puis j'en ai marre". La lycéenne a connu ça toute sa vie ou presque. "Elle ne veut pas, c'est comme ça", renchérit sa mère de retour à la table qu'elles occupent. Il y a comme une lassitude, une habitude.
Pourtant le danger est bien réel. La télévision passait en boucle dans l'après-midi les images d'un missile tombé sur une route qui mène à la ville. "Il est plus grand que moi", explique la mère de famille. "Il faut ça sans doute pour atteindre Tel Aviv ou Hadera. Peut-être qu'avec ces nouvelles prouesses du Hamas, les politiques vont enfin essayer de régler le problème", veut-elle espérer.

Faire cesser les tirs

"Régler le problème", une expression qui revient en boucle ici et qui, des plus modérés aux plus vindicatifs est toujours un euphémisme pour "lancer une opération armée d'envergure".
À la terrasse d'un petit restaurant tout proche, trois étudiantes sont affalées sur leurs chaises, cendrier plein sur la table et ennui flagrant au programme. "C'est triste à dire mais c'est la même chose depuis dix ans", souligne Heli, 23 ans, qui étudie pour être puéricultrice. "Pour tous les jeunes ici c'est exaspérant. Ça nous pourrit la vie. Les examens sont finis et nous ne pouvons rien faire sauf rester cloîtrer chez nous..." Cela fait alors trois heures que les jeunes femmes sont là. "On n'a plus vraiment peur", explique Efrat, 23 ans également. "Mais chaque alerte vient quand même rappeler le danger, nous piquer à vif. Il faut courir, se mettre à l'abri, se cacher...", dénonce la jolie brunette qui appelle, elle aussi, à faire cesser les tirs en provenance de Gaza "une bonne fois pour toutes".
Pourtant, les trois jeunes filles, qui ont déjà toutes fait leur service militaire de deux ans - c'est trois ans pour les garçons - craignent toutefois pour les soldats israéliens. "En 2012 nous avons eu des pertes. Et la plupart de nos amis sont soldats, soit parce qu'ils font leur service, soit parce qu'ils font partie des 40.000 réservistes qui ont été appelés dans les casernes en prévision d'une nouvelle opération terrestre", explique Heli. "Si on envoie des hommes là-bas, j'espère que ce sera pour la dernière fois".

"Faire la guerre, nous n'avons pas le choix"

"Nous voyons bien qu'il n'y a aucun dialogue possible avec le camp d'en face", souligne Aviwa, 25 ans, plus discrète. "Nous ne voulons pas la guerre", explique la jeune femme qui vient de terminer ses études de laborantine. "Et la majorité de la population à Gaza veut peut-être la paix aussi. Mais pas ceux qui les gouvernent et nous tirent dessus. Nous n'avons simplement pas le choix".
Une opinion partagée par ces deux camarades. "Nous ne pouvons avoir que de la compassion pour les gens qui vivent la-bas", explique Heli. "Mais que peut-on faire d'autre ? Tsahal avertit avant de frapper les maisons qui abritent les rampes de lancement de missiles. Mais que fait le Hamas? Il envoie les gens sur les toits de bâtiments comme bouclier humain", croit savoir la jeune femme faisant référence à une vidéo postée par les forces armées israéliennes. "Il y a deux ans, les journalistes ont décrit comment les responsables du Hamas se cachaient dans les écoles, les hôpitaux, les maisons d'innocents... Ils s'en fichent que leur population meure quand on les cibles eux. Alors quoi faire?" questionne la jeune femme.
Bientôt 23h, une autre alerte arrive sur les portables : des Palestiniens se sont infiltrés près d'Ashkelon en venant de la mer, les habitants sont invités à se cloîtrer chez eux. "Il manquait plus que ça!", soupire Heli, une pointe d'inquiétude dans le regard. Au loin, mais tout à fait distinctement, les passages d'hélicoptères israéliens et les impacts des bombardements à Gaza rythment la nuit.
Source Le Nouvel Observateur