dimanche 6 juillet 2014

À New York, 50.000 juifs ont honoré le rabbi de Loubavitch


Un millier de Français ont célébré à New York les vingt ans de la disparition du Rabbi de Louvabitch, Mena'hem Mendel Schneerson, l'une des personnalités les plus importantes du judaïsme contemporain. Pas moins de 50.000 juifs, dont un millier de Français, se sont donné rendez-vous cette semaine à New York pour honorer la mémoire d'une des personnalités les plus importantes du judaïsme contemporain, Rabbi Mena'hem Mendel Schneerson, décédé il y a vingt ans, le 12 juin 1994, dans le quartier du Queens...



Celui qui était connu sous le nom de «Rebbe» ou «Rabbi» y repose désormais. Ce rabbin au charisme rare est le septième d'une dynastie de rabbins fondée il y a 250 ans en Russie, qui ont généré un mouvement qui a pris le nom de la ville où il a pris son essor, «Loubavitch».
À New York la tombe du «Rabbi», le Ohel, est devenu un haut lieu de pèlerinage. Les gens y défilent jour et nuit toute l'année et particulièrement pour cette fête qui fut célébrée le 1er juillet, troisième jour du mois de Tamouz dans le calendrier hébraïque.
Chacun y dépose une intention de prière, une lettre personnelle. Les Loubavitchs affirment que des «miracles» se produisent là. Certains prennent même l'avion pour venir prier, ne serait-ce que quelques minutes sur cette tombe .Il faut parfois patienter quatre heures avant d'y parvenir.

Massun Ephraim, alsacien: «Cela fait quinze ans que je viens ici»

Ainsi Massun Ephraim, 40 ans, venu spécialement de Strasbourg. Ce chef d'entreprise témoigne: «Cela fait quinze ans que je viens ici. À chaque fois ce que j'ai demandé quelque chose cela s'est réalisé. Mais ce n'est pas le loto! Cette démarche de foi s'accompagne de la décision de vivre en cohérence avec ce que nous demande la Torah. Je suis cartésien et j'étais plutôt sceptique quand on m'a conseillé de venir sur la tombe du Rabbi pour demander quelque chose. Ainsi, ma femme est tombée enceinte alors que nous avions tenté tous les traitements possibles mais sans résultat. Et je pourrais citer tellement d'autres exemples similaires qui se sont produits depuis dans ma vie…»
Cette pratique, si elle y ressemble, n'est toutefois pas une «vénération» comme pour un saint dans le christianisme. La vénération n'est pas tolérée pour une personne dans le judaïsme. Cette religion conçoit toutefois que certains, par leur vie, leur témoignage et leur enseignement, ont été «proches de Dieu». Ils le demeurent après la mort. Elle n'est pas, dans cette religion, la fin de la vie mais un «départ de ce monde». L'humour juif va jusqu'à parler de «déménagement» pour celui qui «nous a quitté»!
Vingt ans après sa mort, l'aura mondiale du Rabbi ne se dément pas parce qu'il a été à l'origine d'une expansion sans précédent du mouvement Loubavitch. Cette dynamique pourrait se comparer, même si cela n'a rien à voir, à l'impact actuel des Évangéliques dans le christianisme.
En France notamment. Car ce rabbin a beaucoup aimé notre pays. Il y a vécu dans les années 1930, après avoir fui la montée du nazisme à Berlin. Ses parents ont d'ailleurs quitté son Ukraine natale pour échapper au communisme. Il doit à nouveau partir et quitter la France en 1941 pour s'établir définitivement à New York. Là, il va donner une forte impulsion au mouvement qui place aujourd'hui les Loubavitchs comme l'une des forces vives du judaïsme mondial.
3.300 institutions dans le monde
Le mouvement coordonne en effet 3.300 institutions partout dans le monde, employant des dizaines de milliers de personnes pour des actions sociales, médicales, éducatives et universitaires. Plus de 4000 familles «d'émissaires» sont ainsi envoyées, à temps plein, pour aider la vie des communautés juives.
Grand érudit, le Rabbi de Loubavitch a beaucoup insisté à la fin de sa vie sur l'avènement «très proche» du Mashiah, le Messie, toujours attendu par les juifs.
Mais son succès repose surtout des principes d'action qu'il a imprimé au mouvement Loubavitch.
Premier principe, la «Habad», c'est-à-dire l'excellence intellectuelle puisque ce concept réunit la notion de «sagesse», de «compréhension» et de «reconnaissance», une vision mystique juive qui s'attache à voir le rôle du «Créateur» en toute chose avec un très haute exigence d'érudition pour les textes de la tradition.
Vient ensuite le concept «d'imitation»: seuls l'exemple et la disponibilité du rabbin vont faire progresser sa communauté et non ses discours. Arrive alors la notion clé, la «sensibilisation»: on envoie en effet des émissaires dans le cadre d'une politique d'expansion revendiquée et assumée afin de diffuser le judaïsme notamment là où il s'est endormi.
Un développement qui ne va pas sans la «constance», autre marque des Loubavitchs. Le rabbin et son épouse, envoyés quelque part, ne vont pas seulement passer quelques années mais fondent une communauté «à vie». L'idée force étant de tisser des liens humains, profonds et durables, par une action sociale et éducative marquée.

Irréprochables sur le plan de la doctrine et de la pratique

Autre trait caractéristique: l'exigence d'orthodoxie. Sans être des ultras-orthodoxes, les Loubavitchs doivent être irréprochables sur le plan de la doctrine et de la pratique. On pourrait parler d'une stricte observance, sans concession, mais harmonisée avec la vie moderne. Et non en opposition permanente comme le sont souvent les mouvements intégristes.
L'idée toutefois la plus décisive du Rabbi qui a en quelque sorte refondé ce mouvement à une échelle mondiale, a été de sortir littéralement cette religion des murs de la synagogue. Non par esprit séculier car les synagogues Loubavitchs sont pleines à craquer et rencontrent de facto un grand succès. Mais ce rabbin si vénéré a compris que les communautés juives ne devaient plus se cacher derrière leurs murs mais s'exprimer et rayonner dans la société, sans aucun complexe.
De même a-t-il saisi, avant l'heure, l'importance de créer pour son mouvement un réseau international très bien organisé et accueillant. Ce qui permet à tout juif de trouver, dans n'importe quelle ville du globe ou presque, une communauté et des offices où il puisse se retrouver et ne pas se sentir seul. Un réseau qui fonctionne à plein à l'heure de la globalisation.
Source Le Figaro