vendredi 4 juillet 2014

A propos de la prophétie de Bilaam…


Bilaam est considéré par nos Sages comme « le plus grand prophète des nations ». Effectivement, la Torah précise à son propos qu’il était capable de déceler « l’infime instant quotidien de la Colère divine ». Bilaam avait assez de dons pour savoir que dans la fraction de seconde où D.ieu se met chaque jour en colère, la crête du coq devient blanche. Il avait donc attaché un coq aux pieds de son lit pour être prêt à maudire Israël dès que ce phénomène se produirait. On sait que pendant tout ce temps-là, la Miséricorde divine a protégé Israël puisque cette Colère divine ne s’est pas manifestée, si bien que Bilaam n’a pas pu mener à bien son funeste dessein...



 Or la question qui se pose aujourd’hui est de savoir comment est-il possible qu’un homme comme Bilaam, qui avait une moralité désastreuse (amour du luxe et du vice, une puissante haine et de la jalousie…) était en même temps capable de connaître lui-même cet instant précis de la Colère divine. Mais cela n’est pas pour nous surprendre, car pour nos maîtres, l’ombre et la lumière peuvent effectivement cohabiter chez un même homme.
Nous voyons ainsi qu’à propos de la traversée « à pied sec » de la mer Rouge, les Sages expliquent que la plus humble des servantes a pu alors voir de ses propres yeux ce que même le grand prophète Ezéchiel n’a pu saisir lors de sa fameuse vision du « Char céleste » qui est elle-même considérée comme la plus grande révélation prophétique jamais communiquée à un être humain.…
Ce qui nous amène à une autre question : pourquoi cette femme reste-t-elle une servante, malgré cette vision exceptionnelle qu’elle a pu percevoir au moment de la traversée de la mer ? Eh bien tout simplement parce qu’elle n’a pas cherché ensuite à progresser en s’inspirant de cette « vision » si élevée mais momentanée ! Car ce qui fait qu’un homme atteint des sommets dans sa vie, c’est le sens permanent du progrès et le combat contre ses propres défauts qui nécessitent de sa part une mobilisation de chaque instant susceptible alors de la faire arriver très loin.
Ainsi, lorsque ‘Hanna a prié Hachem pour avoir un enfant, elle Lui a demandé un enfant tout à fait « ordinaire » : elle ne voulait ni d’un surdoué ni d’un être d’exception mais un enfant simple comme les autres. Or, cet enfant va devenir plus tard le prophète Samuel. Alors comment s’est opérée cette « mutation » ? Eh bien par les efforts permanents et personnels de Samuel lui-même pour progresser ! Ainsi a-t-il étudié, travaillé ses qualités et éliminé ses défauts au point d’être considéré dans notre tradition comme l’équivalent de Moché et de Aharon réunis !
Nous voyons donc là que pour le judaïsme, la règle de base de la vie, c’est de progresser sans cesse.
Alors quels sont les obstacles qui peuvent nous faire trébucher ? Le premier consiste tout d’abord à ne pas réaliser dans notre existence ce que nous sommes en essence.
Si Pharaon était un homme si averti et intelligent, comment se fait-il que les plaies successives ne lui aient pas fait entendre raison alors qu’il savait très bien que Moché ne plaisantait pas et que lorsqu’il annonçait une plaie, elle allait de façon certaine survenir ? La réponse est très simple : Pharaon ne faisait pas la relation entre ce qu’il savait et ce qu’il était.
Dans la vie, nous recevons à ce propos de nombreuses informations tout au long de notre vie – surtout aujourd’hui -, mais nous n’y prêtons pas toujours garde et nous ne nous sentons pas concernés en croyant sans cesse que cela ne s’adresse qu’aux autres et pas à nous-mêmes. De fait, celui qui résonne ainsi ne progressera jamais dans sa vie et restera comme Pharaon !
Le deuxième obstacle paralysant notre prise de conscience en direction du progrès, c’est de chercher uniquement à entendre… ce que l’on a envie d’entendre.
Ainsi, dans le Traité talmudique Guittin (page 45a), on raconte l’histoire du rav Ilich qui avait été emprisonné injustement par des non-Juifs. Et voilà que durant son incarcération, un corbeau vient se poser sur la fenêtre de sa cellule et se met à croasser pendant un moment. Or, se trouvait dans cette même cellule un spécialiste du langage des oiseaux à qui le rav demande ce que le corbeau avait dit. Et cet « interprète » d’expliquer les paroles du volatile : « Rav Ilich, sauve-toi ! ». Mais le rav n’a pas voulu en tenir compte. Voilà qu’un peu plus tard arrive une colombe qui vient roucouler sur sa fenêtre. Le rav demande à nouveau ce qu’elle dit et l’homme lui répond : « Rav Ilich, sauve-toi ! ». Si bien qu’enfin persuadé par ces deux messages de ce qui pouvait l’attendre, le rav a tenu compte de ce double conseil en tentant une évasion qui a finalement réussi.
La question que posent nos sages (dont le Maharcha) sur cette Guémara est la suivante : puisque le rav Ilich savait parfaitement décoder lui-même le langage des oiseaux, pourquoi a-t-il demandé à quelqu’un d’autre de le faire ? Parce qu’en entendant ce qu’il avait entendu, il avait tout simplement peur d’avoir « mal entendu » et il craignait précisément le fait d’avoir justement envie d’entendre cela…
Trop souvent dans la vie, il y a des choses que nous avons envie d’entendre et nous les prenons alors pour la réalité pure et simple. Voilà pourquoi il faut toujours s’entourer de l’avis d’un « homme averti » et cet objectif pour nous guider et nous assurer que les « événements » que nous vivons et les « leçons » que nous écoutons, sont bien ceux qui nous sont envoyés par Hachem pour pouvoir mener cette vie de progrès permanents, seule voie menant à la pleine réalisation de toutes nos potentialités !

 
Par Harav Sitruk, avec l'accord exceptionnel d'Hamodia-Edition Française

Source Chiourim