mercredi 6 août 2014

L’alliance de fait de 3 pays arabes avec Israel...


Dans la guerre qui vient de s’engager entre Israël et le Hamas, Benjamin Netanyahou n’a rien entrepris sur le plan diplomatique et militaire sans en référer au préalable à ses trois alliés, ou soutiens, dans la région : la Jordanie, l’Égypte et l’Arabie saoudite. Il n’a pas voulu gâcher les liens étroits qu’il a mis du temps à nouer avec ces pays arabes dits «modérés». Il a immédiatement accepté la proposition de cessez-le-feu qui lui a été suggérée par l’Égypte, certes plus par intérêt diplomatique plutôt que par intérêt sécuritaire sachant que l’armée préférait d’abord «finir le travail.» ...

 
Ces trois pays arabes ont trouvé le plus petit dénominateur commun qui les unissait à Israël. Chacun, après avoir soulevé ses propres raisons, a écarté de ses priorités le litigieux conflit israélo-palestinien pour trouver un consensus sur les autres sujets. On en veut pour preuve l’annulation de la visite que devait effectuer Mahmoud Abbas le 23 juillet en Arabie saoudite parce qu’il avait compris que son cas était passé au second plan des préoccupations. Les  trois pays ont en effet décidé d’axer leur politique sur les nouveaux dangers qui les guettent : l’ennemi iranien, le terrorisme international et l’islamisme radical.
Les Saoudiens redoutent l’influence croissante des chiites dans plusieurs pays  jusqu’alors épargnés. Pour eux l’ennemi reste l’Iran avec sa politique de nuisance qui les a poussés à prendre fait et cause pour la rébellion syrienne afin de faire tomber le régime d’Assad soutenu par le Hezbollah. Les Saoudiens n’ont pas apprécié la retenue des Américains face aux Iraniens. Wikileaks avait d’ailleurs révélé que l’ancien chef des renseignements, le prince ben Abdelaziz al Saud Moukrine, avait ouvertement exprimé ses craintes à propos de l’Iran mais il n’a pas été entendu par les États-Unis qui ont continué leur politique d’approche avec les Iraniens.

Les princes sunnites saoudiens ont rejoint l’analyse d’Israël tendant à considérer les mollahs iraniens comme des activistes dont les visées expansionnistes sont une menace pour toute la région et pour le Royaume en particulier. Face à l’implication de l’Iran en Syrie,  l’Arabie a accru ses livraisons de missiles portatifs sol-air aux rebelles. Les dirigeants saoudiens qui gèrent la politique sécuritaire du royaume, ont ainsi pris langue avec les Israéliens pour obtenir conseils et assistance.
L’Arabie a facilité l’infiltration en Syrie d’agents arabisants du Mossad chargés de recueillir des informations sur l’évolution et l’état des forces en présence. Israël s’intéresse moins aux Syriens qu’aux miliciens libanais du Hezbollah et à la brigade Abou Fadl el-Abbas, venue d’Irak pour se rapprocher des frontières juives. L’ancien chef des services secrets saoudiens, le prince Turki al-Faïçal, avait estimé que cette brigade représentait les «mâchoires d’acier» de l’Iran et il craignait une répétition de ce qui s’était passé en Irak et en Afghanistan, totalement vassalisés par les mollahs.
Les Israéliens voient d’un bon œil une coopération militaire avec l’Arabie dans le cadre d’une complémentarité des moyens. Les Saoudiens ont accru leurs dépenses militaires de manière significative, 67 milliards de dollars en 2013, le quatrième plus gros budget militaire dans le monde. Par intérêt, Israël élude les critiques concernant sa collaboration avec un régime autocratique. Il souligne que les pays qui s’arment le mieux sont ceux qui résistent le plus au danger islamiste.

Mais un nouveau danger menace la région en pleine déstabilisation. Les pays arabes modérés se trouvent donc contraints de se liguer contre l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL) qui vient d’émerger, bousculant tout sur son passage avec ses méthodes criminelles et sa cruauté sanguinaire. Le roi Abdallah a demandé aux forces armées de se tenir prêtes pour une confrontation. Il a ordonné de prendre «toutes les mesures nécessaires pour protéger le royaume contre les menaces terroristes. Cela signifie une mobilisation générale des unités militaires pour un haut niveau de préparation». Mais il sait qu’il ne pourra pas s’opposer à eux tout seul.

Sachant que ses soldats, manquant d’expérience, risquent d’être débordés, il a souhaité que les troupes égyptiennes volent à son secours en cas de besoin. L’Égypte a immédiatement mis sur pied un commando expéditionnaire  pour aider l’Arabie à renforcer ses défenses frontalières. Ces mesures font suite aux renseignements fournis aux Saoudiens faisant état de combattants d’Al-Qaeda se dirigeant vers la frontière saoudienne pour prendre le contrôle du point de passage Arar à la frontière irakienne. Les Saoudiens ont aussi appris que deux avions cargos, au départ d’Iran, déversaient tous les jours 150 tonnes de matériel militaire à l’aéroport militaire de Bagdad démontrant ainsi la synchronisation opérationnelle étroite entre le commandement iranien à Damas et à Bagdad.
Sous couvert de guerre contre le terrorisme, l’Arabie saoudite a opéré un rapprochement avec Israël tout en renouant avec Mahmoud Abbas, l’oublié du «printemps arabe». Elle est à présent prête à accepter le schéma américano-israélien pour la création d’un État palestinien croupion. Mais malgré le dialogue engagé par les Américains, l’Iran reste la bête noire de la dynastie wahhabite, rejoignant en cela le sentiment d’Israël, tout en  diabolisant les Frères musulmans, soutiens indéfectibles du Hamas. Ce retournement brutal à l’égard d’une organisation jadis portée au pinacle fait les affaires d’Israël qui voit soudain les deux plus grands pays arabes, l’Égypte et l’Arabie, s’associer pour s’opposer ouvertement aux maîtres de Gaza.
En fait ce revirement spectaculaire est le fait du nouveau chef des renseignements saoudiens, le prince Mohamad Ben Nayef, ministre de l’intérieur, qui a adopté une politique de poigne de fer contre le terrorisme : «le terrorisme doit être considéré comme une forme de crime et combattu avec des méthodes policières impitoyables». Il a été félicité par les agences de renseignement occidentales pour son programme de lutte contre le terrorisme. C’est lui qui a favorisé l’inscription du Hamas sur la liste des organisations terroristes avec le Front Al-Nosra de Syrie et l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), avec deux organisations chiites, les rebelles Houthis du Yémen, et naturellement le Hezbollah libanais déguisé en diable iranien.
Le prince de sang royal Walid Ben Talal n’a pas caché la connivence de fait entre l’Arabie et Israël.  Il s’est rendu en visite publique en Cisjordanie pour rencontrer Mahmoud Abbas, après avoir reçu un blanc-seing d’Israël ce qui formalise de facto ses rapports avec l’État juif. Cette visite avait été précédée par les rencontres publiques de Monaco et de Davos. Le 10 décembre 2013 Turki Ben Faysal avait dialogué avec Tsipi Livni ministre israélienne de la justice ainsi que le président israélien Shimon Pérès à Davos en février 2014. On parle même d’une visite secrète aux Israéliens faite par l’ancien chef du renseignement saoudien, le Prince Bandar Ben Sultan.
Ces visites représentaient des signes officiels prémonitoires d’une évolution des rapports avec Israël. Concrètement d’ailleurs une société israélienne G4S a obtenu le contrat de la sécurité du pèlerinage de la Mecque. Il est évident que contrairement au Qatar, l’Arabie a fait le choix d’Israël contre l’Iran dans le cadre d’une croisade conjointe. Le prince saoudien Al Walid Ben Talal Ben Abdelaziz, avait mis les pieds dans le plat dans une interview accordée à la chaîne Bloomberg : «L’Arabie Saoudite, les Arabes et les musulmans sunnites approuvent une attaque israélienne contre l’Iran pour détruire son programme nucléaire. Les sunnites appuieraient une telle attaque car ils sont hostiles aux chiites et à l’Iran».
C’est suffisamment clair pour qu’Israël considère à présent les Saoudiens comme des amis dans le cadre des recompositions géopolitiques dans la région. Et pourtant les Iraniens font tout pour être conciliants avec les Saoudiens. Le ministre iranien des affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, avait essayé de rassurer : «Le règlement de la question du nucléaire iranien est dans l’intérêt de tous les pays de la région et ne se fait aux dépens d’aucun pays de cette région. Soyez rassurés, cet accord sert la stabilité et la sécurité de la région»

La Jordanie a aussi mesuré le danger qui menace ses frontières bien qu’elle ait montré une certaine neutralité dans le conflit syrien. Elle avait même tenté, en vain, une médiation avec Bachar Al-Assad. La nouvelle donne l’a engagée à mettre deux couloirs aériens à la disposition de l’aviation israélienne. À tout moment, les drones israéliens peuvent donc pénétrer librement dans l’espace aérien jordanien pour observer la situation au nord de la Syrie. Elle a été informée par les Israéliens de la détérioration de la situation à ses frontières en raison de la progression des djihadistes qui se rapprochent du plateau du Golan.
Deux couloirs aériens ont été ouverts, l’un depuis le sud de la Jordanie à partir du désert du Néguev et l’autre au nord d’Amman, permettant aux Israéliens d’éviter de survoler le sud-Liban. C’est un grand privilège qu’a octroyé le roi Abdallah II qui craint une déstabilisation de son pays suite à l’afflux de centaines de milliers de réfugiés syriens. Les Israéliens l’ont assuré qu’ils lui prêteraient main forte en cas d’attaque car ils sont convaincus que la chute de la Jordanie serait un risque mortel pour eux.
Benjamin Netanyahou s’était rendu, le 16 janvier 2014, en visite surprise auprès du roi Abdallah II. Cette réunion n’était pas la première puisque le premier ministre avait déjà effectué trois visites à Amman durant l’année 2013. Il tenait à lui proposer un accord pour la résolution du problème palestinien à travers la création d’une confédération entre la Jordanie et une entité évaluée à maximum 50% de la Cisjordanie. Cela réglerait ainsi la création d’un État croupion qui n’aurait de viabilité qu’adossé au royaume de Jordanie. Par ailleurs, en attribuant la garde des Lieux Saints musulmans au roi de Jordanie, le problème de Jérusalem, pierre d’achoppement de toute négociation, serait en partie résolu. La Jordanie entérinerait ainsi la souveraineté d’Israël sur toute sa capitale, exceptés les Lieux Saints musulmans et peut-être quelques quartiers totalement arabes qui seraient cédés aux palestiniens via la Jordanie.

Israël a connu une paix froide avec le régime de Mohamed Morsi. Les accords de Camp David de 1979 n’ont pas été rompus et aucun incident n’est venu perturber les relations israélo-égyptiennes. Ce traité de paix, le premier signé par Israël avec un pays arabe, a été la pierre angulaire de la sécurité régionale depuis trois décennies. Mais le régime de Morsi fut à tout point néfaste pour la sécurité d’Israël en raison des liens étroits qu’entretenaient les Frères musulmans avec le Hamas, leur allié idéologique. Les centaines de tunnels de contrebande ont été utilisés pour transférer des produits alimentaires et de l’essence mais surtout du ciment, de la ferraille, des armes de toute nature prélevées dans les stocks libyens et des fusées et roquettes en provenance directe d’Iran. Un stock de 10.000 missiles a ainsi été constitué aux yeux et à la barbe d’Israël.
L’arrivée des militaires au pouvoir a mis fin à l’euphorie des tunnels. La maladresse des Frères musulmans, qui ont cherché à utiliser Gaza comme base arrière pour la reconquête du pouvoir, a incité Al-Sissi à détruire la presque totalité des tunnels et à fermer le terminal de Rafah pour maintenir un bouclage sévère de Gaza afin d’interdire la traversée de combattants vers le Sinaï.
 L’Égypte qui respectait à la lettre les accords de 1979 a été autorisée par Israël à transférer au Sinaï des troupes combattantes, des tanks supplémentaires, des avions et des hélicoptères pour s’opposer aux djihadistes d’Al Qaeda qui semaient la terreur au nord du Sinaï et qui organisaient des attentats contre les civils israéliens frontaliers. La coopération fut alors totale entre les services de renseignements. Cela explique pourquoi les Israéliens tiennent aujourd’hui à la médiation égyptienne pour la conclusion d’un cessez-le-feu rejeté en bloc par le Hamas.

En fait les Égyptiens traînent des pieds car ils rejoignent la stratégie israélienne consistant à affaiblir le Hamas pour donner plus de poids à l’Autorité palestinienne encore conciliante. Affaiblir certes, mais non pas détruire le Hamas car il s’agit de maîtriser la montée des islamismes radicaux qui lorgnent vers le pouvoir à Gaza. La détérioration des relations du Caire avec Gaza a entraîné une approche égyptienne qui diffère de celle de 2012, lorsque le président égyptien d’alors, Mohamed Morsi, avait tout fait pour négocier un cessez-le-feu  après seulement huit jours de combats.

Les relations sécuritaires avec Israël tendent à se consolider car une augmentation des attentats a été constatée depuis le départ de Morsi. Les images des 25 corps des policiers égyptiens froidement abattus le 19 août 2013 suite à une embuscade près de la frontière avec Gaza, ont particulièrement choqué.  Signe des temps, Israël a alors utilisé ses drones pour aider l’armée égyptienne dans une frappe qui a éliminé cinq militants islamistes.
L’Égypte est la première à attendre d’Israël qu’il élimine le danger terroriste car elle est souvent l’objet d’attaques sanglantes. Vingt et un soldats de l’armée égyptienne ont été tués le 19 juillet dans une attaque perpétrée par des hommes armés contre un point de contrôle militaire à 630 km à l’ouest du Caire. Il s’agit de l’une des attaques les plus meurtrières enregistrées en Égypte depuis la destitution en juillet 2013 du président Mohamed Morsi.
Les militaires israéliens sont très inquiets de la récente montée en puissance de certains groupes terroristes opérant à quelques kilomètres de sa frontière. Le pouvoir égyptien a donc aujourd’hui tout intérêt à coopérer avec l’État hébreu dans sa lutte contre ces activistes. La coordination de la sécurité israélo-égyptienne a été développée pour contrer la menace commune des djihadistes dans le Sinaï. Selon des sources militaires, «la coopération des deux pays dépasse tout ce dont on a pu rêver sous Moubarak». Dans une interview au quotidien Haaretz, le général israélien Nadav Padan, commandant la division Edom, attribuait les attaques dans le Sinaï à des groupuscules djihadistes «affiliés au réseau terroriste international d’Al-Qaïda  et recevant de l’aide logistique et matérielle de la part des Comités de Résistance Populaire à Gaza». Il expliquait ainsi le nécessaire combat du régime installé à Gaza. Israël ne pouvait qu’approuver.


Source Benillouche.blogspot.co.il