vendredi 8 août 2014

L’attitude déroutante et inquiétante de John Kerry...


Décidément le secrétaire d’État américain se montre incapable de tirer les leçons de ses échecs. Après avoir été l’un des facteurs majeurs de l’échec des pourparlers entre Israël et l’Autorité palestinienne en avril dernier, le voici devenu, en quelques jours, responsable d’une incroyable bévue diplomatique qui a favorisé le Hamas au détriment d’Israël, de l’Égypte, et de Mahmoud Abbas. Analyse ...



On savait, depuis le début de l’opération « Bordure protectrice » que l’absence d’un médiateur dominant reconnu tant par Israël que par le Hamas risquait de prolonger dangereusement la crise. Mais on était loin de se douter que, par une incroyable et dramatique maladresse, les États-Unis eux-mêmes seraient tenus pour responsables, en partie, de cette impasse. C’est pourtant ce qui s’est passé au cours du dernier week-end à l’initiative de l’incontournable John Kerry. Pour son premier retour dans la région depuis son échec cuisant dans les pourparlers entre Israël et l’Autorité palestinienne, le secrétaire d’État américain se devait de réussir à enclencher une démarche de cessez-le-feu. Or il a lamentablement échoué et sur toute la ligne.
La logique aurait voulu que Kerry mette en exergue la proposition égyptienne, déjà acceptée par Israël, mais repoussée par le Hamas, qu’il la travaille et la façonne avec le concours des alliés traditionnels et modérés que sont Israël, Mahmoud Abbas et même l’Arabie Saoudite et enfin qu’il la soumette au Hamas. Au lieu de cela, Kerry a préféré remettre en selle la Turquie islamiste dont le Premier ministre Erdogan compare Israël aux nazis, et le Qatar, qui est, on le sait, le principal bailleur de fonds du terrorisme intégriste. De facto, il a fait sienne la proposition de cessez-le-feu initiée par ces deux pays radicaux en coordination avec le Hamas. Le cabinet restreint pour la sécurité nationale qui s’est réuni vendredi après-midi à Tel-Aviv a failli tomber à la renverse en consultant la proposition de cessez-le-feu de Kerry : y figuraient toutes les exigences du Hamas en matière d’ouverture des postes de passage, d’entrées des marchandises et des hommes dans la bande de Gaza, mais pas une seule des demandes israéliennes comme celle élémentaire d’un désarmement du Hamas ! « C’est comme si Kerry avait préparé la proposition américaine en faisant un copié-collé avec celle du Hamas » a déclaré furieux l’un des dirigeants israéliens. Inutile de préciser que les huit membres du cabinet restreint, de Livni à gauche à Lieberman à droite, ont repoussé la proposition du Secrétaire d’État américain. Première grossière erreur de Kerry.
La seconde erreur, Kerry l’a commise le lendemain à Paris en réunissant à ses côtés et aux côtés de Laurent Fabius, à nouveau la Turquie et le Qatar, mais surtout en « oubliant » d’inviter à ce sommet important l’Autorité Palestinienne et l’Égypte, sans parler d’Israël. Là encore il s’est positionné aux côtés des radicaux, écartant les plus modérés. Cette fois, c’est Mahmoud Abbas qui s’est fâché. En aparté, Abbas aurait exprimé sa profonde déception envers Kerry qui lui a préféré les émissaires du Hamas.
En agissant de la sorte, le secrétaire d’État américain a non seulement considérablement affaibli l’Autorité Palestinienne, mais il a également contribué à rompre le fragile canal de discussion instauré, quelques jours auparavant entre Abbas et Khaled Mashaal, ce dernier comprenant de l’attitude américaine que le rais palestinien n’était pas un intermédiaire puissant.
Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius aurait fait les frais de la colère d’Abbas.

À l’issue du sommet de Paris, Fabius a téléphoné au président palestinien : « Pourquoi m’appelez-vous ? » lui a lancé Abbas « avez-vous réussi à obtenir un cessez-le-feu ? Non, a répondu Fabius. « Alors pourquoi m’appelez-vous ? » aurait-il répété furieux ! Enfin au Caire, les Égyptiens ont exprimé leur stupéfaction face au comportement de Kerry.
Eux aussi n’ont pas compris pourquoi les Américains avaient cru bon de ne pas les inviter au sommet parisien au cours duquel il a été question de l’ouverture de leur propre frontière à Rafiah ! Mais il convient de rappeler que l’administration d’A-Sissi a déjà fait l’expérience au cours de l’année écoulée de l’incohérence de la politique américaine à son égard. D’ailleurs, il semble que les Égyptiens ne s’embarrassent pas pour exprimer leur mépris envers un secrétaire d’État américain qui avait critiqué la destitution de Morsi : selon une indiscrétion parue en Israël, les services secrets égyptiens auraient soumis John Kerry à une fouille avant de le laisser entrer dans le bureau du général A Sissi….
Au bout du compte : après cinq jours de tractations infructueuses, John Kerry s’est envolé vers Washington bredouille, comme au cours des innombrables virées proche-orientales effectuées au cours des douze derniers mois.
Reste une question de taille : pourquoi Kerry a-t-il agi de la sorte ? À cette question deux réponses possibles : la première est que le secrétaire d’État américain a tendance à croire qu’il patronne l’État d’Israël. Un rappel : au début des pourparlers israélo-palestiniens, l’an dernier, Kerry a promis à Abbas qu’il obtiendrait d’Israël la libération de terroristes arabes israéliens: « J’en fais mon affaire », aurait-il dit avec un trop plein d’assurance. On connait la suite.

Le week-end dernier, Kerry a récidivé : s’il n’a pas invité Abbas, l’Égypte ou Israël à Paris, c’est probablement parce qu’il pensait que ces trois partenaires modérés étaient « dans sa poche ». Nouvelle erreur de lecture de la carte proche-orientale… Seconde réponse plus intéressante : Obama et Kerry aspirent par-dessus tout à un rapprochement stratégique avec l’Iran et espèrent parvenir à un accord avec Rouhani.
Ils craindraient donc que le renforcement d’un axe modéré Israël-AP-Égypte-Arabie Saoudite dans le cadre du conflit à Gaza ne torpille, par la suite, toute réconciliation avec Téhéran. Pas impossible… Quoi qu’il en soit, il n’est pas certain que cet échec fasse prendre conscience au tandem Obama-Kerry de la fragilité et du danger de leur approche diplomatique dans notre région. À peine John Kerry parti d’Israël, que le président Obama téléphonait, dimanche soir, à Binyamin Nétanyaou pour le sommer d’accepter un cessez-le-feu immédiat et sans conditions. Comme si Israël était responsable de l’escalade de la violence.
Comme si le Hamas était la victime qu’il fallait épargner. Comme s’il fallait absolument maintenir une sacro-sainte parité entre l’agresseur et l’agressé. Comme si soudain, les garanties américaines de veiller à la sécurité d’Israël, si maintes fois répétées, s’étaient évanouies. Et enfin comme si le président américain était incapable de tirer la moindre leçon des camouflets répétés de son malheureux secrétaire d’État. En un mot : regrettable. Et en deux : très inquiétant !
Source Hamodia