jeudi 11 septembre 2014

Analyse : la flotte sous-marine visionnaire d'Israël


Il y a quelques jours, le sous-marin INS Tanin ("Crocodile") a commencé son long voyage de 8.000 km du port allemand de Kiel où il a été construit dans la mer du Nord, vers le port de Haïfa dans la Méditerranée. Tanin est le 4ème sous-marin de la marine israélienne et rejoint ses trois autres frères appelés "Dolphin". D'ici 4 ans, deux sous-marins supplémentaires entreront en service, faisant de la flotte sous-marine israélienne l'une des plus grandes et la plus puissante de toute la région, depuis l'océan Indien via les Golfes persique et arabe jusqu’à l'Europe...



Israël a commencé à étendre sa flotte de sous-marins datant du début des années 90 qui ne comprenait à l'époque que deux navires de fabrication britannique. C'est en partie une décision stratégique mais aussi une exploitation de circonstances. En 1991, lors des attaques de missiles Scud irakiens sur Israël, durant la première guerre du Golfe, le ministre allemand des Affaires étrangères d'alors, Hans-Dietrich Genscher s'est rendu en Israël, dans un geste de solidarité.
Il a été confronté à des révélations indiquant que les entreprises allemandes ont vendu à l'Irak l'équipement, les matériaux et la technologie du programme chimique de Saddam Hussein. Dans un sentiment de culpabilité du fait de la participation des entreprises allemandes à un programme qui aurait menacé par le gaz l'existence de l'Etat juif, Genscher a accepté la demande d'Israël de financer deux premiers sous-marins modernes pour sa marine.
Stratégiquement, il s'agissait d'une approche visionnaire en avance sur son temps. Réalisant que l'Irak avait déjà aspiré à un programme nucléaire, observant que d'autres pays tels que l'Iran suivraient cet exemple pour construire des bombes nucléaires, les dirigeants israéliens, selon des analystes étrangers, sont arrivés à la conclusion que le pays - qui avait toujours essayé de garder un avantage stratégique sur ses ennemis - jugeait nécessaire d’avoir une seconde capacité de frappe nucléaire.
Bien que la politique nucléaire israélienne est définie comme ambiguë - ni nier ni confirmer les informations selon lesquelles Israël possède de telles armes - il est largement admis par tous les rapports étrangers, qu’Israël possède bien un arsenal nucléaire.
À la fin de cette décennie, l'Allemagne remettra deux sous-marins de plus à la marine israélienne. Le coût des six navires est estimé à 2,5 milliards d'euros.
Cette puissante flotte de sous-marins permettra d'améliorer les capacités militaires israéliennes dans deux domaines. Tout d'abord, l'amélioration de ses efforts de collecte de renseignements : un sous-marin équivaut à une rampe de lancement invisible à proximité des côtes ennemies capable d'écouter et intercepter des communications ou l'envoi de commandos de marine.
Plus important encore, cependant, les sous-marins modernes peuvent stocker et lancer des missiles, conventionnels ou nucléaires, même si l'arsenal nucléaire du pays sur terre est détruit par une première frappe de l'ennemi.
L'achèvement et la livraison du sous-marin Tanin a ramené dans le discours public une vieille réalité.
Malgré la panique et l'hystérie récentes sur l'émergence de l'Etat islamique en tant que menace terroriste supplémentaire pour Israël, et ses voisins pro-occidentaux, ainsi que pour les États-Unis et l’Europe, les dirigeants israéliens comme le Premier ministre Benyamin Netanyahou, sont encore essentiellement tournés vers la menace d’un Iran nucléaire.
Cette possibilité est encore plus d’actualité en raison de l’avancée de l’EI en Irak et en Syrie. Les succès militaires de l’EI serviraient à l’Iran chiite de justification supplémentaire pour prétendre avoir en effet besoin d'une arme stratégique de dissuasion contre ses ennemis - pas nécessairement Israël, mais les barbares islamistes sunnites.
Dans la dernière décennie, quand il a commencé à être évident que l'Iran se précipitait vers le seuil nucléaire, il y avait des voix à la fois en Israël et à l'extérieur qui plaidaient pour qu’Israël repense sa propre capacité nucléaire présumée. Des chercheurs - mais aussi des fonctionnaires de la défense - se sont interrogés sur la causalité de la séquence des événements. Ils ont évoqué la possibilité que le désir iranien de posséder des armes nucléaires visait à briser le monopole nucléaire israélien.
Certains d'entre eux ont même suggéré qu'Israël négocie la création d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient, et donc finalement accepte de démanteler son arsenal nucléaire présumé.
Heureusement, ce conseil a été rejeté par les décideurs israélien. Avec les bouleversements et les incertitudes d'aujourd'hui au Moyen-Orient, qui semble être en train de redéfinir ses frontières et ses entités nationales, il est clair une fois de plus que les pères fondateurs d'Israël ont montré une vision d’ensemble quand ils ont décidé que la seule façon de survivre dans cet environnement rude et hostile était de disposer d'outils stratégiques à la pointe de la technologie.
La politique nucléaire ambiguë adoptée par Israël doit rester en place. Elle fournira à Israël non seulement la police d'assurance ultime de son existence, mais donnera aussi le leadership - probablement pas avec le gouvernement actuel - et la confiance en soi nécessaires pour prendre des risques dans les négociations de paix, les accords de sécurité régionaux et les concessions territoriales.

Source I24News