mercredi 10 septembre 2014

Deauville : "The Go-Go Boys" : un doc passionnant sur l'épopée Golan et Globus


Dans sa catégorie "Les docs de l'Oncle Sam", le festival du film américain de Deauville programme "The Go-Go Boys" d'Hilla Medalia. Le titre reprend le surnom donné à Menahem Golan, et Yoram Globus, deux cousins israéliens devenu producteurs à Hollywood et patrons de la "Cannon Films". Ils ont plus de 300 films à leur actif : de nombreux nanars et quelques oeuvres signées de grands noms du 7eme art....



Leurs premiers films professionnels sont tournés chez eux, en Israël, où ils finissent par rencontrer le public et remporter des prix.
Mais rapidement les deux cousins, l'aîné Menahem Golan et son cadet Yoram Globus, regardent vers l'Amérique. Ils créent alors la Cannon Films, une société indépendante qui part à l'assaut d'Hollywood. C'est à elle que l'on doit la découverte de monuments du cinéma tels que Jean-Claude Van Damme, Michael Dudikoff et Chuck Norris. Leurs films sont alors des récits d'aventures pleins de bagarres, de cascades, de coups de feu et de jeune filles pas trop frileuses. Ils réalisent certains des films.




 Un extrait de "The Go-Go boys"

Golan et Globus ne chôment pas. Le premier transforme en productions ce que le second apporte en financement. Golan dépense les sommes ce que le second réunit. Ils ne sont pas exigeants d'ailleurs : chacun de leurs films coûte un dixième des productions d'alors et les leurs s'enchaînent, par dizaines. Evidemment, la qualité s'en ressent. Et même si Menahem Golan refuse de parler de ses échecs, la piètre qualité, par exemple, d'un Superman IV aux effets spéciaux dignes d'un Ed Wood,  et son échec financier doivent beaucoup à ces budgets étriqués. Dans une interview à l'humour spontané Golan explique d'ailleurs qu'avec un budget "normal", il se ferait l'impression d'un voleur et d'un escroc. "Je ne saurais pas quoi faire d'un si gros budget!".




 Extrait de "Revenge of a Ninja"

La "Cannon Films" tient le coup malgré tout, les deux cousins israéliens se mettent à rêver de reconnaissance. Et ils l'obtiennent. Ils décrochent des récompenses et produisent les films de vrais créateurs tels que Jean-Luc Godard (pour un "Roi Lear" qui ne sortira jamais en France), Robert Altman, Andreï Konchalovski et John Cassavetes. Dans un autre extrait d'interview hilarant, Golan explique qu'aux Taiwanais qui voulaient lui acheter un film de série avec un Bronson vieillissant dans ses rôles de justicier, il imposait d'abord ses films d'auteurs. Bronson, oui, mais d'abord Altman !




 La bande annonce de "Love Streams" de John Cassavetes 1977

La Cannon s'est si bien implantée aux Etats-Unis qu'elle finit par racheter la Metro-Goldwin-Mayer. Les Go-Go boys sont devenus, à leur tour et avec un décalage dans le temps, deux de ces nababs qui ont fait Hollywood. La consécration pour les deux petits gars qui ont démarré avec rien en poche en Israël. Les patrons de la Cannon sont à cette époque accueillis en rois du monde sur la Croisette. Golan, encore lui, affirme alors qu'il compte les années d'un festival de Cannes à l'autre.
Mais la Cannon, et Menahem Golan, finiront par avoir les yeux plus grands que le ventre et signeront leur fin en tentant d'ajouter EMI à leur empire. Ils ne pourront jamais payer les engagements signés pour le rachat de la célèbre forme phonographique britannique.
La Cannon explose, les deux cousins "divorcent", le prodigue Golan reste seul quand Globus, plus sage en apparence, convole avec un producteur italien. Mais l'Israélien tombe de haut quand ce financier, aux fonds apparemment illimités, est arrêté pour blanchiment d'argent de la mafia…

Le documentaire d'Hilla Medalia ne laisse rien de côté. On y suit bien sûr l'aventure entrepreneuriale des deux Go-Go boys, on y lit en parallèle un pan de l'histoire relativement méconnu du cinéma des années 70 et 80, mais l'intime n'est pas oublié. Et la famille des deux associés est là pour dire ce que la Cannon a coûté à ces femmes, ces enfants qui se sont sentis délaissés. On saisit par petites touches l'intensité des liens qui unissaient les cousins. Le terme de divorce, qu'ils utilisent eux-mêmes, n'est pas trop fort. Le duo qu'ils formaient a vécu les drames et les enchantements d'un couple. les projets, les réussites et les échecs d'une union. Et si la séparation a été une vraie souffrance pour les deux, les retrouvailles en toute fin de film, quand ils sont réunis par la documentariste dans une salle de cinéma fait plaisir à voir. Un espèce de happy end où les deux hommes âgés évoquent de nouveaux projets à mener ensemble.

Menahem Golan ne verra pas la sortie du documentaire. Il est mort le 8 août 2014 à Jaffa.

S'il n'existait déjà, Hilla Medalia a inventé le documentaire burlesque. En réalisant "The Go-Go Boys, The inside story of Cannon Films", ce portrait de Menahem Globus et Yoram Golan à partir de documents d'archives et d'interviews accordées spécialement pour ce film, elle illustre le destin tout à fait hors du commun de ces deux cousins israéliens armés du fameux humour juif qui fonctionne si bien au cinéma.

Source CultureBox FranceTVInfo