mercredi 3 septembre 2014

Pourquoi la surreprésentation du vote de droite chez les Juifs en France est logique


Recrudescence des actes antisémites, question israélo-palestinienne, etc. autant de thématiques vis-à-vis desquelles Nicolas Sarkozy s'est engagé favorablement aux yeux de l'électorat juif, expliquant en partie la surreprésentation du vote de droite chez les Juifs. Or, depuis l'élection présidentielle de 2012, une partie de ce vote est redirigée vers le FN, suivant un processus général de normalisation du parti...Interview...


 
Atlantico : Les personnes se déclarant de confession juive dans l'étude réalisée par l'Ifop ont voté à 45% au premier tour de l'élection présidentielle de 2012 pour Nicolas Sarkozy (63% au 2e tour). Même si tous les candidats de droite n'ont pas toujours eu le même succès, peut-on dire que l'électorat juif est "plus à droite" que le reste du corps électoral ?
Gil Mihaely : Chaque fois que l'on isole un groupe, il faut se poser quelques questions. Les quelques centaines de milliers d'individus que représentent les Juifs ont aussi comme caractéristique d'habiter majoritairement en Ile-de-France et dans quelques grandes villes, et ils en partagent la sociologie.

Il y a très peu de Juifs dans les zones périurbaines, les petits villages ou les villes de moins de 10 000 habitants. Ils sont aussi sous-représentés dans certains quartiers de Paris ou des banlieues. Ces Juifs votent-ils finalement avec leur identité ou avec leur adresse et leur porte-feuille ? Sociologiquement, les Juifs sont sous-représentés dans la classe moyenne et dans la classe ouvrière. Il faur donc comparer le comparable. Plus de 40% au premier tour pour Nicolas Sarkozy,  n'est-ce pas plutôt un vote sociologique "normal" ? S'il y avait 80% au premier tour, là oui il y aurait quelque chose de flagrant, mais ce n'est pas le cas.

Au-delà du clivage droite-gauche, le sondage semble indiquer un rapprochement plus fort envers les candidats "atlantistes". Le positionnement des candidats sur les questions internationales, et notamment le problème israélo-palestinien, vous semble-t-il clivant dans cette population ?
Pour certains Juifs, en effet, la question du rapport à Israël est plus importante que pour d'autres électeurs français. A cet égard, certains Juifs ont pu être davantage rassurés avec Nicolas Sarkozy, surtout après cinq ans de présidence, qu'avec le Parti socialiste. Globalement, cette droite-là  – la droite sarkozyste – rassurait plus certains Juifs que la gauche. 
 

Alors que Jean-Marie Le Pen était quasiment inexistant, Marine Le Pen a collecté 13,5% des suffrages en 2012 (18% dans l'ensemble de la population). Comment expliquer cette popularité croissante ? Quels cordes sensibles Marine Le Pen a-t-elle su faire jouer ?
Il y a un processus général dans la société française de normalisation du Front national qui devient un parti comme les autres. Mais je crois que dans la communauté juive, il y a plus de prudence et les gens attendent de voir si le virage pris par Marine Le Pen s'inscrit dans la durée. Il n'empêche qu'il existe une évolution, mais elle se fait dans le même sens que l'intégralité du corps électoral français.

Dans les communes où la densité de la population se déclarant de confession juive est importante (Sarcelles, Créteil, Villeurbanne, certains arrondissements de Marseille...), les tendances sont encore plus marquées. Peut-il y avoir, dans certaines communes – le plus souvent assez cosmopolites – une tendance à la communautarisation du vote et un détachement du sentiment d'appartenance au corps électoral français ?
Je pense qu'il y a, chez certains Juifs, depuis l'année 2000, et l'Intifada, le sentiment d'avoir été abandonnés par la communauté nationale, notamment vis-à-vis de certaines populations musulmanes et l'émergence d'un nouvel antisémitisme de banlieue. Les Juifs qui y sont confrontés sont directement en première ligne face à ces discours, qui ont aussi comme caractéristique de venir principalement de la gauche...


Source Atlantico