mardi 7 octobre 2014

Carte Postale d’Israël : La mer Morte et ses mystères...


 
 
En dépit de sa petite taille, Israël offre une grande variété de paysages. Au nord, il y a les verts jardins bahaïs de Haïfa et les fleurs du plateau du Golan ; au sud, le brûlant et lunaire désert du Néguev jusqu’à Eilat et la mer Rouge. Un autre désert, le désert de Judée, s’étend également à l’est de Jérusalem jusqu’au Jourdain, fleuve marquant la frontière naturelle entre la Palestine et la Jordanie. Ce fleuve biblique se jette, après avoir traversé la Syrie et le lac de Tibériade, au nord, dans la mer Morte, ou « mer salée » en hébreu...


Point le plus bas de la Terre (427 mètres en-deçà du niveau de la mer) et étendue d’eau la plus salée du monde, la mer Morte était sur ma liste de choses à visiter pendant mon année d’échange en Israël. J’ai donc sauté sur l’occasion lorsque l’université nous a proposé d’y passer le week-end.  


Comme un goût de fin des temps

Les reflets bleu pâle de la petite mer intérieure, à peine troublés par un vent quasi-inexistant, se laissent apercevoir au bout d’une petite demi-heure de route et huit cent mètres de dénivelé depuis Jérusalem dans les montagnes arides du désert de Judée.
 



Parc naturel d’Ein Gedi. Au loin, la mer Morte et les montagnes de Jordanie.
 

Des roches rouges et poussiéreuses nous entourent, et le paysage n’a rien à envier aux canyons californiens ; la route goudronnée ne cesse de descendre, sans jamais croiser d’embranchements.
Petit à petit, le silence se fait dans le car tandis que les rivages blanchis par le sel se font plus visibles : c’est une vision saugrenue que toute cette eau au milieu du désert et aucune habitation aux alentours. Après un premier arrêt infructueux – ce n’était pas la bonne plage – nous reprenons la route et j’aperçois au loin de hautes tours.
Je songe alors à un complexe de désalinisation, mais je comprends avec horreur qu’il s’agit en réalité de grands hôtels surgis de nulle part, placés là par une main ignorant tout de l’esthétisme et de la pureté naturelle pour accueillir des touristes venus bénéficier des propriétés curatives de la mer Morte.
Le car nous largue ici, sur une plage bondée, et nous n’avons que 45 minutes pour profiter de la mer : il faut être à l’auberge de jeunesse nous accueillant pour la nuit avant le début du shabbat. Qu’importe, un tour dans les vestiaires (gratuits et remarquablement propres) et je me lance à l’eau… ou, tout du moins, essaie.
Car évidemment, dans une eau aussi salée, il est impossible de nager ! L’eau translucide porte ma masse et j’ai l’impression d’être en apesanteur. Cependant, dès que je perds pied, cette sensation m’effraie quelque peu : alors que mes camarades font la planche et s’assoient en tailleur, je répugne à me laisser aller, ayant peur de me retourner et de me retrouver la tête dans l’eau – à éviter absolument, comme le répètent régulièrement les surveillants de la plage.
De plus, l’eau est brûlante : j’apprécie la chaleur, je me suis déjà baignée dans la mer Rouge en Égypte en plein mois de juillet, mais ces vapeurs m’étouffent et je préfère regagner le rivage, pataugeant inélégamment comme un chien apprenant à nager, les brûlures à l’entrejambe me rappelant douloureusement le rasage de la veille.
C’est donc quelque peu déçue par l’expérience que je me précipite sous les douches gracieusement mises à disposition et tente d’éteindre le feu allumé dans mon maillot de bain – à en juger les contorsions de mes voisines, je ne suis pas la seule à souffrir de ces désagréments.
Mais une fois le sel parti, la sensation de pureté vantée par les brochures et les étudiants israéliens qui nous accompagnent est bien présente : ma peau est plus douce, les boutons moins nombreux (ils sont revenus depuis, malheureusement).
Certains achètent de la boue verdâtre et se l’appliquent sur le corps, mais je préfère prendre le soleil pendant les quelques minutes qui nous restent. La chaleur est lourde et l’air manque : à quelques kilomètres en face de nous, les montagnes vierges de Jordanie sont voilées par la brume.
L’irréalité du paysage, les positions étranges adoptées par les baigneurs (quelques-uns parvenant à tenir un livre ouvert tout en flottant tranquillement), les hauteurs se dressant tout autour de nous et la blancheur éclatante du sel me donnent l’impression d’être dans un lieu hors du temps, précédant la création du monde ou suivant l’Apocalypse, et je comprends d’autant mieux l’attrait que le pays peut avoir pour les mystiques et prophètes en tous genres.
 



La mer Morte, vers 19 heures.
 
La sensation se renforce alors que débute la cérémonie d’accueil du shabbat, une fois à l’auberge de jeunesse, à quelques kilomètres de là. Les prières dans une langue qui m’est encore largement inconnue sont portées par un vent chaud et salutaire qui fait claquer le châle de prière d’Ira, le coordinateur de l’Office of Student Activities qui a organisé ce week-end — et accessoirement clone de Wolverine. Je note qu’il ne porte plus son pistolet dans sa ceinture.
 
« Je flotte » et « ça brûle » : l’explication scientifique
Après le mystique, le scientifique ! Plus qu’une frontière entre deux pays, le Jourdain marque aussi une délimitation entre deux plaques tectoniques : celle de l’Afrique (dont fait partie Israël) et celle de l’Asie (dont fait partie la Jordanie).
La faille se prolonge ensuite au fond de la mer Rouge et forme le grand rift africain. Le lac de Tibériade et la mer Morte sont deux élargissements de la faille (ce qui explique leur profondeur) qui se sont petit à petit remplis d’eau grâce aux apports de la pluie et du Jourdain.
Cependant, par un phénomène naturel renforcé depuis une centaine d’années par les prélèvements incessants qui sont effectués afin de permettre à Israël de se développer, le débit du Jourdain diminue et la superficie du lac de Tibériade et de la mer Morte diminue dramatiquement.
Ce faible apport d’eau, combiné à la chaleur du désert, explique également la très haute salinité de la mer Morte – d’où elle tire son nom : aucun organisme, animal ou plante, ne peut y vivre : en effet, la mer agit comme une « cuvette jalouse » (expression de notre guide) qui garde tous les minéraux charriés par la pluie et le Jourdain, la forte évaporation et l’absence de voie de sortie empêchant le volume d’eau de trop augmenter (et donc de diluer ces minéraux).
Ainsi, si vous souhaitez profiter des mystères de la mer Morte, évitez tout rasage dans les jours précédents la baignade, et préférez les mois d’hiver (février ou mars) : la température reste clémente et celle de l’eau agréable. C’est aussi l’occasion de profiter du parc naturel d’Ein Gedi, de sa verdure et de ses sources !
 
L’oasis d’Ein Gedi : un paradis terrestre au milieu du désert

Cité plusieurs fois dans l’Ancien Testament comme lieu de refuge, il n’est pas compliqué d’imaginer le jeune roi David arpentant les sentiers d’Ein Gedi – littéralement, la source des chèvres, car il s’agit du seul point d’eau douce à des kilomètres – une fois l’entrée du parc passée.
Des collines rocheuses, des oliviers, des pins et des cascades d’eau fraîche s’offrent à nos yeux émerveillés tandis que nous commençons la rapide ascension d’escaliers de pierre parfaitement aménagés. Ce contraste n’est pas rare dans le pays : j’ai déjà randonné dans le Wadi Qelt, entre Jéricho et Jérusalem, où quelques minutes suffisent pour passer du désert à des sources de vie.
Nous découvrons une magnifique vue sur la mer Morte et la Jordanie avant de faire trempette dans l’une des nombreuses sources du parc, approvisionnées par de puissantes cascades. L’eau, d’une pureté saisissante, est d’une fraîcheur bienvenue dans la chaleur environnante (plus de 25° alors qu’il est à peine neuf heures du matin).
Une alerte à la canicule a même été émise par le gouvernement, ce qui nous empêche de faire une plus longue randonnée. La guide se contente alors de nous lire les passages de la Bible citant Ein Gedi alors que nous nous séchons au soleil et écoutons le jeu de l’eau sur les mousses des pierres.
 



Cascade dans le parc naturel d’Ein Gedi.
 

L’expédition s’achève par la visite d’une synagogue antique remarquablement bien conservée, et l’après-midi est consacré à une sieste bien méritée — bien que j’aurais préféré me rendre à Massada, haut lieu de l’histoire juive (un millier de croyants s’y sont suicidés plutôt que de se convertir comme l’ordonnaient les Romains).
Nous quittons la mer Morte vers vingt heures, la pleine lune nous accompagnant dans notre remontée vers Jérusalem et la civilisation…


Source Mademoizelle