mardi 21 octobre 2014

Le fils de Yitzhak Rabin promeut un plan de paix alternatif

 
Pour la première fois en 19 ans, deux rassemblements commémoratifs distincts auront lieu en Israël pour marquer les 19 ans de l'assassinat de l'ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin. Les deux événements auront lieu à Tel Aviv deux samedi soir consécutifs, à l'endroit où il a été assassiné, mais porteront pourtant un message complètement différent...



Le second rassemblement, le 8 novembre, organisé par un mouvement de jeunesse soutenu par le Président de l'Etat d'Israël, Reuven Rivlin, est celui de la "conciliation", qui tente désespérément de placer la mémoire de Rabin dans un carcan apolitique, accessible à tous - à gauche comme à droite, religieux et laïque. Cette initiative s'inscrit dans le cadre d'une série d'efforts, dont l'efficacité est discutable, pendant de nombreuses années après l'assassinat. La mémoire de Rabin n'en reste pas moins controversée que l’homme ne le fut de son vivant.
Le premier rassemblement, qui se tiendra le 1e novembre, a pour sa part renoncé ouvertement à toute tentative de réconciliation. Au contraire, il s'affiche politique et promeut l'"Initiative de Paix arabe". Cet événement est organisé par l'"Initiative de paix israélienne", une association co-fondée par le fils de Rabin, l'homme d'affaire Yuval Rabin, 59 ans, qui définit l'ONG comme la réponse positive d'Israël à l'initiative arabe. Rabin junior est aussi le principal orateur de la manifestation, aux côtés de Shimon Peres, le partenaire d'Yitzhak Rabin lors des accords de paix d'Oslo.
À cet égard, ce rassemblement, très différent du second, rend hommage au Rabin artisan de la paix et envoie un message clair: son assassinat était politique donc sa commémoration sera politique. "Le moment est propice", affirme Yuval Rabin à i24news.
"Après la dernière guerre à Gaza, presque tous les dirigeants israéliens reconnaissent le fait qu'une fenêtre s'est ouverte" poursuit-il.
"Nous avons vu le rôle crucial et positif que l'Egypte et l'Arabie Saoudite ont joué tout au long de l'opération Bordure protectrice.
Désormais, ils comprennent tous que toute tentative de paix exige la coopération de tous les partenaires régionaux pour lutter ensemble contre ceux que mon père avait l'habitude d'appeler les "tueurs de la paix". Ainsi, le rassemblement doit être politique et refléter entièrement la position de mon père - l'activisme politique et militaire".
L'Initiative de paix arabe est une initiative de paix globale proposée pour la première fois lors du Sommet de Beyrouth de la Ligue arabe en 2002 par le prince héritier, le roi Abdallah d'Arabie Saoudite. L'initiative promet une fin au conflit et à la normalisation des relations avec le monde arabe et musulman en échange du retour aux frontières de 1967, y compris le retrait du plateau du Golan et de Jérusalem-Est.
La question du retour des réfugiés palestiniens est laissée aux délibérations futures entre Israéliens et Palestiniens. Au fil des ans, la demande stricte d'un retour total aux frontières d'avant 1967 a été remplacée par une formule plus souple permettant des échanges de terres sur la base d'un commun accord entre Israéliens et Palestiniens.
Plus de 12 ans après sa première publication, Israël n'a pas répondu officiellement à l'Initiative arabe et ne l'a pas sérieusement examinée. Jusqu'à aujourd'hui. Il est quasiment impossible d'écouter les nouvelles sans qu'il y soit fait référence ou que l’on assiste à un autre débat houleux à ce sujet.
Le ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman l'a ouvertement présentée comme faisant partie de son plan de paix globale, le ministre des Finances Yair Lapid fait maintenant référence à une "conférence régionale" sur la base de ce texte; le Premier ministre Netanyahou insiste sur la nécessité de l'aide de partenaires régionaux plutôt que d'un processus bilatéral pour mettre fin au conflit.
La récente guerre à Gaza, l'échec de l'effort américain pour relancer un dialogue de paix bilatéral et l'hostilité internationale envers ce qui est perçu comme une réticence israélienne à s'engager sérieusement dans un processus de résolution du conflit soulèvent un intérêt soudain pour la vieille initiative. Par ailleurs, les nouvelles menaces régionales, telle que l'émergence de l'Etat islamique, ont créé une nouvelle réalité qui appelle à des alliances régionales.
Pourtant, interrogé sur des mesures concrètes prises dans ce sens, Yuval Rabin déclare: "A ma connaissance, de la part de ceux qui sont actuellement au pouvoir, il n'y en a pas.
C'est pourquoi nous appelons les gens à faire preuve d'initiative et à prendre en charge notre destin. Nous n'appelons pas aux urnes, nous ne préconisons pas de renverser le gouvernement. Nous appelons à une action et une réponse à la fois à gauche et à droite. Malheureusement, la gauche israélienne a renoncé, aussi. La plupart des lamentations sur le soi-disant 'échec' des accords d'Oslo, provient de la gauche".
Certains affirment que l'adoption d'un plan de paix régional signifiera le rejet de l'accord bilatéral d'Oslo, élaboré par son père. Ce qui irrite Yuval Rabin au plus haut point.
"Il n'y avait aucune proposition arabe à cette époque et les principes d'Oslo sont encore la meilleure offre obtenue jusqu'à présent", répond-il.
"Pourtant, l'aile droite a très bien réussi à assimiler, à tort, Oslo avec le terrorisme. Beaucoup de facteurs ont contribué aux attaques terroristes, parmi eux le massacre de 29 fidèles musulmans dans le Caveau des Patriarches par Baruch Goldstein en février 1994. Il est temps d'éliminer la rhétorique assimilant les concessions (d'Israël) avec le terrorisme. Ce sont les risques que nous avons pris, qui se sont avérés bons pour Israël."
Koby Huberman, consultant en stratégie sur le commerce international et co-fondateur de l'Initiative de paix israélienne, met l'accent sur les avantages économiques d'un accord à l'échelle régionale.
"Cette initiative met non seulement un terme au conflit et entraîne la normalisation des relations avec la plupart des pays arabes et musulmans ainsi que des avantages économiques. De nouveaux marchés ainsi que de nouveaux touristes. Et je ne veux certainement pas employer le terme proverbial de "villa dans la jungle" pour qualifier Israël. Je veux parler d'un modèle régional de coexistence commune.
Une économie régionale stable peut garantir la paix".
Lorsque l'Initiative de paix israélienne a été publiée pour la première fois en 2011, Rabin junior et Huberman ont rencontré des centaines de responsables et activistes arabes qui font tout pour maintenir cette proposition en vie.
Récemment, les deux hommes ont reçu le message suivant d'un intellectuel arabe de premier plan:
"Je suis tellement heureux que vous organisiez ce rassemblement", écrit-il. "C'est comme si vous déposiez un bouquet de roses sur la tombe d’Yitzhak Rabin tout en nous donnant un peu de force en même temps."
Source I24News