vendredi 7 novembre 2014

" Beit Kfarout " à Errachidia: Musulmans et juifs reposent en paix, côte à côte



En plein cœur de la ville d'Errachidia, deux cimetières, l'un musulman, l'autre juif (Beit Kfarout), où reposent en paix les âmes de juifs et musulmans, racontent chaque jour un pan de l'histoire d'une coexistence authentiquement marocaine. Pourtant, peu de gens y prêtent attention. C'est là un symbole de tolérance religieuse que représente la ville d'Errachidia qui a su, des décennies durant, veiller à cette cohabitation entre Marocains, qu'ils soient de confession musulmane, chrétienne ou juive, et au respect de leurs pratiques religieuses...

 
A quelques mètres du marché principal de la ville, les deux cimetières, même séparés par un mur, restent liés par une identité commune, par l'appartenance à cette terre.
En poussant la porte de "Beit Kfarout", inauguré dans les années 40 du siècle dernier et qui veut dire en hébreu "maison de l'éternité", l'on ne peut passer outre ce patrimoine, cette histoire, ces pratiques funéraires des juifs qui se sont installés, au courant du 14è siècle, dans la région de Tafilelt, où ils ont exercé des activités de commerce et d'artisanat. Une présence décrite d'ailleurs par Al Hassan ben Mohamed Al Ouezzane, dit Léon l'Africain.
Mohamed Bouryalen, dont le père s'occupait des tombes des juifs, raconte comment les membres de la communauté juive veillaient à respecter les traditions funéraires héritées de leurs ancêtres.
"Nous étions une famille de sept membres habitant dans une maison à l'entrée du cimetière, dont les tombes étaient devenues une partie de notre quotidien", se rappelle-t-il, notant que tout ce qui se raconte sur les fantômes et les esprits dans les cimetières n'est qu'une "représentation de l'imaginaire".
Bouryalen, qui a hérité "le poste" de son père à "Beit Kfarout", ne cache pas son étonnement du regard peu flatteur que portent les gens sur ce métier. "Celui qui croit en le destin ne doit pas craindre la mort".
Chaque tombe raconte une histoire, explique Bouryalen à la MAP. Car, selon lui, les juifs s'intéressent beaucoup à l'après-mort et veulent ainsi se conformer aux préceptes de leur religion.
Parmi les tombes de ce cimetière, qui a fermé ses portes après le départ des derniers juifs, l'un porte le nom du rabbin "Aich ben Abraham Abitou", qui faisait partie des premiers à être enterré à "Beit Kfarout". Sur d'autres, l'on peut lire "Massouda Atia" et plein d'autres noms arabes et amazighes.
En harmonie avec l'environnement socioculturel de la région, la plupart des tombes sont très simples, à l'exceptions de quelques-unes décorées par du zellige. Elles portent seulement les noms et les dates de décès des défunts en français et en hébreu.
Bouryalen raconte que des juifs venaient de Frances et d'Amérique pour visiter les tombes de leurs proches, allumaient des bougies et élever des prières conformément à leur religion.
Sur les significations de l'existence de deux cimetières, musulman et juif, côté à côte, l'anthropologue Lahcen Ait Lfqih, voit qu'il n'y a rien qui empêche cette coexistence étant donné la nature de la société locale imprégnée par l'esprit de tolérance et les valeurs de l'islam.
En 1997, le cimetière a fermé ses portes et les gardiens ont quitté les lieux, laissant derrière eux des souvenirs d'un passé glorieux écrit par la population de la ville.

Source Le Mag