dimanche 16 novembre 2014

Retrait de députation ou de citoyenneté : compréhensible, mais anti-démocratique ?

 
Si vous détestez tant l’Etat d’Israël, que vous appelez à sa destruction ou que vous exprimez votre soutien aux terroristes qui assassinent son peuple, vous ne méritez pas d’avoir le privilège de détenir la citoyenneté israélienne, avec tous les avantages qu’elle comporte. Vous ne devriez pas non plus être autorisé à siéger au Parlement aux frais du contribuable ni à manifester contre l’Etat que vous êtes censés représentez...

Cette argumentation apparemment logique étaye les efforts récents des législateurs d’extrême-droite, et même du Premier ministre, afin d’endiguer la marée anti-Israël de législateurs arabes israéliens et de manifestants pro-palestiniens dans les rues de Jérusalem et à travers le pays. Pourtant, cela reste une problématique complexe au niveau éthique et légal.Ce qui n’empêche apparemment pas le gouvernement d’essayer : « Je demanderai au ministre de l’Intérieur d’évaluer la révocation de la citoyenneté de ceux qui appellent à la destruction de l’Etat d’Israël », a déclaré le Premier ministre Benjamin Netanyahu cette semaine, faisant apparemment référence aux Arabes israéliens qui ont protesté contre la mort vendredi soir d’un jeune homme de 22 ans dans la ville de Kafr Kanna, en Galilée.
Dimanche, la commission des Lois s’est réunie pour débattre d’un projet de loi qui priverait de siège parlementaire un député qui exprime son soutien pour une campagne armée d’un Etat ennemi ou d’un groupe terroriste à l’encontre d’Israël, lors d’une guerre ou d’une action militaire. Des politiciens de droite espèrent l’éviction rapide, notamment, de Hanin Zoabi (Balad), qui a fait preuve d’empathie pour la résistance armée contre Israël.
« Elle fait des déclarations virulentes sur les sites web du Hamas. Nous ne pensons pas qu’il soit approprié pour un membre de la Knesset, censé représenter son public à la Knesset, d’appeler clairement à la lutte contre Israël, et il est temps que cette députée se retire », a déclaré Faina Kirschenbaum (Israël Beitenou) cette semaine.
Zoabi est un personnage controversé, qui a participé à la flottille du Mavi Marmara de 2010, qui souhaitait briser le blocus de Gaza et s’est conclue par la mort de neuf militants pro-palestiniens turcs. En juin, elle a déclaré que les kidnappeurs de Naftali Fraenkel, Gil-ad Shaar, et Eyal Yifrach – les trois adolescents israéliens qui ont ensuite été retrouvés assassinés – « ne sont pas des terroristes ».
Alors que la colère et le ressentiment de beaucoup d’Israéliens devant de telles positions seraient compréhensibles, démettre de son mandat un parlementaire élu n’est pas si simple dans un pays qui valorise la liberté d’expression et respecte la primauté du droit.
« Aujourd’hui, la Knesset est incapable de faire une telle chose », déclare Amir Fuchs, chercheur à l’Institut de démocratie israélienne et dirigeant de son projet de défense des valeurs démocratiques. « Si un député exprime son soutien au terrorisme, il peut être condamné. Et après une condamnation, qui signifie une turpitude morale, il arrêterait ses fonctions. »
Cependant, démettre de ses fonctions un député par un vote du parlement, sans condamnation pénale, « n’est vraiment pas acceptable dans une démocratie », ajoute-t-il.
Cela ne signifie pas que cela ne peut pas arriver. Mais avant que le projet de loi ne devienne obligatoire, la Loi fondamentale « La Knesset » devrait être ratifiée. Le paragraphe 6 stipule clairement que « chaque citoyen israélien qui, le jour de l’admission d’une liste de candidats contenant son nom, est âgé de vingt et un ans ou plus, a le droit d’être élu à la Knesset à moins qu’un tribunal ne le prive de cet droit en vertu d’une loi. » En d’autres termes, soutenir le terrorisme est en effet illégal, mais un député devrait être condamné avant qu’il ou elle soit dépossédé(e) de son mandat.
Il n’en faut pas beaucoup pour changer la Loi fondamentale. Après le feu vert de la commission des Lois, le projet de loi doit être examiné à deux reprises par la commission de la Constitution, de la Loi et et de la Justice et peut alors être adopté en trois lectures à la Knesset avec une simple majorité.

La punition par le passeport

Qu’en est-il l’idée de Netanyahu de punir les Israéliens qui appellent à la destruction d’Israël en les privant de leur citoyenneté ? Apparemment, il n’a pas l’air de plaisanter. Il a répété la menace à deux reprises au début de cette semaine, et lundi, au début de la réunion hebdomadaire du Likud, il a déclaré à « tous ceux qui vocifèrent et manifestent contre Israël, vous êtes invités à déménager à l’Autorité palestinienne ou à Gaza, Israël ne vous en empêchera pas. "
L’idée n’est pas vraiment nouvelle. En 2011, la Knesset a adopté une loi, proposée par David Rotem (Yisrael Beitenou), permettant à la Cour suprême de révoquer la citoyenneté des Israéliens reconnus coupables de terrorisme ou d’espionnage.
Mais le plan de Netanyahu franchit une nouvelle étape importante. Il veut punir les Israéliens qui appellent simplement à la destruction d’Israël, même s’ils ne font rien pour poursuivre cet objectif. Pourtant, l’intention du Premier ministre reste problématique.
Les deux initiatives – démettre un député de ses fonctions et retirer sa nationalité à un citoyen – menacent la liberté d’expression de façon radicale, déclare Debbie Gild-Hayo, responsable de l’Association pour les droits civils en Israël. « Comme on le sait, l’importance de la liberté d’expression est testée précisément dans la protection d’expressions extrêmes et controversées. »
Ces dernières années, la Knesset a vu défiler une série de projets de loi antidémocratiques qui entravent considérablement la liberté d’expression de diverses manières, déplore-t-elle. « Ces deux dernières initiatives suivent la même voie, mais menacent d’aggraver considérablement les dommages, parce que les sanctions qu’elles proposent sont particulièrement dures et bafouent les droits fondamentaux de l’Homme, comme le droit de voter et d’être élu à la Knesset, ou le droit à la citoyenneté. »

Certains tribunaux peuvent révoquer la citoyenneté ; Les ministres non

La citoyenneté est considérée comme un droit fondamental dans le monde entier. « Tout le monde a le droit à une nationalité », conformément à l’article 15 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Par conséquent, les États comme le Canada, la Croatie, la Roumanie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque et les États nordiques ne disposent d’aucun mécanisme qui permettrait au gouvernement de retirer la citoyenneté à leurs ressortissants.
La France, l’Allemagne, l’Autriche, l’Italie, l’Australie et d’autres permettent la révocation de la citoyenneté si les sujets rejoignent des armées étrangères.
La citoyenneté américaine peut être abrogée dans des cas rares comme la trahison ou une tentative de renversement du gouvernement, mais seulement si une personne est naturalisée. Cela n’est pas arrivé depuis plus de 40 ans. Les citoyens américains nés aux Etats-Unis ne peuvent pas voir leur nationalité déchue de force.
Dans le contexte des récentes tensions à Jérusalem et en Galilée, de telles initiatives législatives sont particulièrement préoccupantes, « parce qu’elles véhiculent un message problématique aux citoyens arabes du pays, selon lequel leurs droits sont toujours ‘sous condition’ », selon Gild-Hayo.
Les déclarations de Netanyahu cette semaine devraient être davantage comprises comme un avertissement d’une nouvelle politique du gouvernement, selon Menachem Hofnung de l’Université hébraïque politologue et expert des libertés civiles et politiques constitutionnelles. Si les attaques terroristes et les manifestations anti-israéliennes ne prennent pas fin, met en garde le Premier ministre, le gouvernement poursuivra son plan. « Netanyahu dit qu’il y a une limite. »
Hofnung ajoute : « Si la tendance [d’actes violents] continue et qu’il devient impossible de marcher ou de conduire en toute sécurité dans les rues d’Israël, [une telle loi] deviendra réalité. »

Source Times Of Israel