vendredi 7 novembre 2014

Varsovie : du ghetto émerge un musée hymne à la vie


Varsovie, ville-histoire, s’est dotée d’un remarquable musée de l’histoire des Juifs de Pologne, qu’il conviendrait d’appeler «musée de la vie des Juifs en Pologne». Construit en plein quartier de Muranow, sur les lieux même des ténèbres du ghetto, son architecture diffuse la lumière de la vie et tente de faire la jonction entre le passé et le futur...
 


Certains musées transforment une ville. Qui sait comment Varsovie sera ou non influencée par Polin (qui se prononce Poline), le nouveau musée d’Histoire des Juifs de Pologne inauguré conjointement le 28 octobre 2014 par le président polonais Bronislav Komorovski et le président israélien Reuven Rivlin. Etrange et bouleversante Varsovie, sur laquelle ont déferlé successivement le nazisme et le communisme. Ce n’est certes pas une ville romantique, mais une capitale qui  s’éveille à la liberté et à l’Europe, et qui vit avec ses fantômes.
Ceux des milliers de morts sans sépulture du ghetto, enfouis sous nos pas, et des 300 000 assassinés en trois mois dans les camps d’extermination. Ceux aussi des milliers de victimes de l’insurrection de Varsovie et des victimes de l’invasion soviétique.

Dans un pays où jusqu’à la génération des 20/30 ans, l’Histoire était enseignée dans le moule de la propagande, le musée Polin veut réveiller les consciences, rétablir la vérité historique, quitte à poser les doigts sur ce qui fait mal. Mais aussi à rappeler les apports réciproques juifs et chrétiens qui ont constitué pendant des siècles la société polonaise.
Détruite au sortir de la guerre à plus de 80 %, Varsovie a été reconstruite plus ou moins à l’identique. La charmante vieille ville où tout est reconstitution laisse le visiteur troublé. Derrière ces petites maisons des 17ème et 18ème siècles reconstituées, on cherche la vie.

On n’y croise que des groupes scolaires et des touristes attablés, le temps d’une pause, aux quelques cafés de la place. Les Varsoviens de l’après communisme donnent la faveur, pour les plus aisés, aux nouveaux immeubles flambant neufs ou à ceux, cossus, de la Voie Royale. Cette longue avenue très animée qui aboutit au château royal, lui aussi entièrement reconstruit, est bordée de commerces et de restaurants. Les moins aisés vivent dans les constructions de type soviétique dont la tristesse grise des façades se teinte désormais de couleurs.
Du monde juif présent pendant mille ans en Pologne, et dont l’histoire est admirablement contée dans le cheminement choisi par le musée Polin à travers huit galeries, rien ne subsiste qu’une unique synagogue qui a échappé à la destruction, et quelques rares fragments du haut mur du ghetto, ainsi que des plaques commémoratives et un poignant cimetière de plus de cent mille tombes. 

Soixante-dix ans après la seconde guerre mondiale, il était temps que la Pologne, membre de l’Union européenne se penche sur l’histoire de 3,3 millions des siens, qui formaient la communauté juive avant-guerre et 30 % de la population de Varsovie.
Conçu par le gouvernement polonais, la ville de Varsovie et avec l’aide de fonds privés, ce magnifique musée s’adresse avant tout au peuple polonais. De très nombreuses initiatives pédagogiques en direction des écoles et des universités en émanent.

Des spectacles, des conférences, des projections de films et l’exposition elle-même, favoriseront le dialogue et la prise de conscience. Comme l’exprimait le président israélien lors de l’inauguration « même si les Juifs ont été arrachés à la Pologne, il est difficile, voire impossible, d’arracher la Pologne aux Juifs. On ne peut effacer une histoire aussi riche et aussi douloureuse à la fois.»
 
Evelyne Dreyfus
Source JewPop