lundi 15 décembre 2014

Dieudonné : sa nouvelle manipulation médiatique...


Dieudonné banni des médias ? Etrange légende dont la diffusion croît parallèlement à son audience dans les mêmes médias. Existe-­­t­-il aujourd'hui beaucoup d'hommes politiques, beaucoup de partis qui ont la possibilité d'avoir leur communiqué de presse intégralement repris, sur un sujet qu'ils ont eux­ même choisi, et le jour où ils ont choisi d'en parler ? Dieudonné jouit de ce privilège...
 


Ainsi il proclame aujourd'hui, par l'intermédiaire de ses avocats qu'il a décidé de « faire la paix » avec un ennemi qu'il a lui même constitué et circonscrit : « certains représentants de la communauté juive » et certaines « associations antiracistes ». Il entend convoquer une séance de négociations sous l'égide du Ministre de l'Intérieur, rien de moins. 
Que font les médias face à cette grossière manoeuvre ? Ils publient la nouvelle, et pour certains, comme I­Télé, produisent l'intégralité du texte de propagande du politicien.
Non contents de lui avoir gracieusement offert une tribune, ils s'en vont benoîtement jouer les émissaires : puisque Dieudonné avait notamment initié une pétition pour la dissolution de la LICRA, ils  somment la LICRA de répondre sur la « proposition de paix » de Dieudonné. 
Dans cette affaire, ce n'est pas l'attitude de Dieudonné qui est surprenante. Sur le fond, le courrier présenté par ses avocats est la reprise de son discours halluciné habituel : il serait une victime, les Juifs et les antiracistes seraient les bourreaux tout puissants qui s'acharnent sur sa personne et à travers lui, sur la pauvre France.
L'antisémitisme explose en France, le racisme également, l'homophobie tout autant, et la mouvance dieudonniste compte parmi les responsables premiers de cette explosion. Mais renverser la réalité est une des caractéristiques premières de la rhétorique raciste et antisémite. 
Quant à la raison objective de ce courrier, elle est évidente : Dieudonné lance une nouvelle tournée de spectacles.
Or depuis au moins dix ans, jamais sa promotion n'a reposé sur autre chose que le scandale médiatique orchestré par des initiatives immondes mais stratégiquement adaptées au fonctionnement de ces mêmes médias. Après avoir sciemment déclaré souhaiter l'envoi de personnalités publiques dans les chambres à gaz lors des premières représentations de son dernier spectacle, le néo­nazi pouvait difficilement aller plus loin dans l'ignominie au premier degré, d'autant qu'il avait déjà utilisé l'invitation d'un négationniste connu sur scène lors de sa tournée en 2009.
De plus, l'appel au meurtre et l'apologie ouverte du génocide commis par les nazis avaient pour une fois déclenché une réaction des pouvoirs publics, l'interdiction de quelques uns de ces spectacles, qu'il avait d'ailleurs très vite contourné en en changeant l'intitulé et en se cantonnant ensuite à un antisémitisme violent, mais banalisé. 
Parce qu'il est sans nul doute, un des meilleurs communicants du moment, et sans nul doute aussi aidé et soutenu par d'autres talentueux propagateurs de haine, il joue donc une autre carte, celle du retournement victimaire. Il appelle ça une « quenelle ».
Contrairement à ce que disent certains, la quenelle n'est pas un salut nazi inversé : c'est un salut néo­nazi tout court, et la différence avec le salut nazi classique réside avant tout dans le regard de la société qui le reçoit. Or aujourd'hui, une partie de notre société ne reçoit plus l'antisémitisme comme tel : il lui faut une croix gammée, un appel ouvert à mettre les gens dans les chambres à gaz, une référence appuyée au nazisme historique, pour avoir encore un minimum de réaction. 
Il suffit donc au néo­nazi moderne de se déclarer non ­antisémite, pour que les médias s'interrogent et en fassent même un événement. Il y a quelques mois à peine, Dieudonné, dans une vidéo , proposait à la mère d'Ilan Halimi, une « rencontre » pour « faire la paix » et dans cette même vidéo, il parlait en riant du cadavre d'Ilan Halimi et de son exhumation éventuelle.
Il y a quelques semaines, à peine, Dieudonné diffusait  une autre vidéo de quelques dizaines de secondes, tenant des propos négationnistes en présence de son plus jeune fils, un gamin qui n'a même pas dix ans, en comparant la non-existence du père Noël et celle des chambres à gaz. Il y a quinze jours, avec Alain Soral, il prenait prétexte de la création d'un potentiel parti politique pour étaler sa haine antisémite pendant plus d'une heure. 
Mais peu importe, il lui suffit de déclarer aujourd'hui vouloir faire la paix avec « la communauté Juive » et les « antiracistes » pour éveiller l'intérêt des journalistes, qui trouvent parfaitement normal, dans ces conditions d'aller chercher quelques « représentants Juifs » et des « antiracistes » pour les sommer de répondre. 
Ce faisant, ils dessinent en filigrane la représentation du monde que Dieudonné souhaite imposer. Celui­ci serait un problème uniquement pour les Juifs et « certains antiracistes», il s'agirait là d'une « guerre » entre deux parties bien identifiées, bien circonscrites, et les médias, chargés d'informer l'ensemble de la société, devraient simplement rendre compte de ce « conflit » entre deux entités. 
Et comme chacun le sait, dans les guerres, les deux camps sont toujours un peu responsables, et chacun doit faire des efforts à la table des « négociations ». Monsieur Dieudonné a fait le premier pas, les « Juifs » et les « antiracistes » ne se devraient­ils pas de faire le second ? 
L'on voit la puissance de cette représentation du monde proposée par Dieudonné à la réaction hallucinante de la LICRA : sur la défensive, son président déclare attendre de voir "quelle va être la démarche volontariste de Dieudonné pour reconstruire ce qui a été déconstruit" et comment l'humoriste controversé "compte panser les plaies".
Il s’interroge sur la sincérité de cette "proposition de paix" de la part du comédien . 
Il n'y avait qu'une chose à répondre aux journalistes : libre à eux de reproduire les provocations de ce néo­nazi, libre à nous de n'avoir rien à répondre aux néo­nazis, seulement à les combattre. 
Mais la montée des idéologues fascistes se voit aussi aux signes de peur grandissante qui envahissent ses cibles, persuadées qu'elles sont de ne pas être soutenues par le reste de la population, obsédées par l'idée de déjouer les préjugés à leur égard.
L'année dernière, l'interdiction des spectacles de Dieudonné a été combattue comme un remède bien plus mauvais que le mal, même par une partie du camp progressiste. Presque aucune organisation antiraciste n'a osé dire que les déboires d'un néo­nazi ne la dérangeaient pas, bien au contraire, il s'est trouvé beaucoup de voix pour dire qu'empêcher l'appel au meurtre des Juifs était un énorme problème. 
Aujourd'hui, quand Dieudonné agresse et provoque, certaines de ces cibles directes ont donc peur... de passer pour les agresseurs en se défendant et creusent leurs tombes en entrant dans le jeu pervers d'un fasciste. En réalité, il n'y a pour le moment, pas de guerre contre Dieudonné.
Il y a des restes de résistance passive au pire, comme l'interdiction de quelques uns de ses meetings, après qu'il ait volontairement franchi les bornes au delà desquelles le pouvoir politique était bien obligé d'intervenir.
Il y a aussi, le simple respect des lois, notamment en matière de paiement des impôts ou d'amendes prononcées par des juges : celles­ci passent pour une action offensive et concertée uniquement, parce qu'auparavant le pouvoir politique n'a pas agi à son égard comme il l'aurait fait vis à vis de n'importe quel contribuable ordinaire.
Il y a ça et là, quelques condamnations pour un propos raciste ou antisémite sur 100 prononcés, alors qu'en réalité, la quasi­totalité des productions de sa mouvance pourraient tomber sous le coup des lois antiracistes.
 En réalité, il est grand temps de mener la guerre contre Dieudonné et ses troupes.
Il est grand temps que se forme un camp adverse, celui d'un antiracisme universaliste, unitaire, déterminé, face à un politicien promu par les médias, soutenu par un nombre croissant de personnalités artistiques ou sportives, accueilli par tous les grands réseaux de salles de spectacles privés mais aussi publics (1), dont les produits sont vendus à la FNAC et dans tous les grands magasins.

(1) Dans le Douaisis, son spectacle se tiendra dans une salle dont le propriétaire est la communauté d'agglomération
Par Albert Herszkowicz

Source Blogs.mediapart