jeudi 11 décembre 2014

Les Palestiniens bluffent avec la Cour pénale internationale !


La Cour pénale internationale (CPI) a annoncé cette semaine avoir octroyé le statut d’observateur à la "Palestine", ce qu’il ne faut pas confondre avec le statut d’État membre. Le représentant de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à New York, Riyad Mansour, a réagi à ce geste symbolique en déclarant que la prochaine étape sera l’adhésion de la "Palestine" comme État membre...Analyse...

Mansour se porte ainsi en porte-à-faux de son collègue Ibrahim Khraishi, le représentant de l'OLP au Conseil des droits de l'homme des Nations unies à Genève. En effet, le 9 juillet dernier, Khraishi a déclaré à la télévision palestinienne que, si l'"État de Palestine" rejoignait la CPI, il s’exposerait à des poursuites pénales pour crimes de guerre.
Se référant à la guerre qui faisait alors rage entre Israël et le Hamas, Khraishi déclara que "chaque missile tiré par le Hamas contre Israël constitue un crime de guerre, qu’il atteigne ou pas sa cible, car le Hamas vise des cibles civiles (...) Beaucoup de nos gens à Gaza sont apparus à la télévision et ont déclaré que les Israéliens les avaient avertis d'évacuer leurs maisons avant les bombardements. Dans un tel cas, si quelqu'un est tué, le droit international considère cela comme un accident et non comme un crime parce [les Israéliens] ont suivi les règles du droit de la guerre (...) Par conséquent, nous n’avons pas intérêt à devenir membres de la CPI, et les gens feraient bien de réfléchir avant de parler".
Le message de Khraishi est clair : le Hamas (qui contrôle la bande de Gaza et qui fait partie du gouvernement de l'Autorité palestinienne) est coupable de crimes de guerre et, par conséquent, "l'État de la Palestine" sera passible de poursuites pour crimes de guerre dès qu’il deviendra membre de la CPI.
Même l'ancien procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, a averti les Palestiniens que l'adhésion à la CPI pourrait se retourner contre eux parce que les terroristes du Hamas seraient mis en cause pour leurs tirs de roquettes et pour leurs attentats suicides contre des civils israéliens.
Mais même sans adhésion formelle, les terroristes palestiniens peuvent déjà être poursuivis devant la CPI, parce que beaucoup d’entre eux détiennent la citoyenneté jordanienne et parce que la Jordanie est membre de la CPI.
Sont visés, entre autres, le chef du Hamas Khaled Mechaal et le président de l'Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas lui-même (en novembre 2014, l’ONG israélienne Shurat Hadin a demandé au procureur de la CPI d'ouvrir une enquête pour des allégations de crimes de guerre contre Abbas, sur la base de sa citoyenneté jordanienne). 
Si l'État virtuel de la Palestine devenait membre de la CPI, Israël pourrait (et devrait, à mon avis) rejoindre la CPI pour faire goûter aux Palestiniens leur propre potion. Dans un tel scénario, il est peu probable que la CPI accepte d’être utilisée comme outil de propagande par les deux parties. Mais si la CPI en venait à souscrire à la position palestinienne selon laquelle les implantations israéliennes constituent un crime de guerre et que la Cour aurait compétence rétroactive sur elles, alors Israël pourrait embarrasser les pays qui soutiennent les Palestiniens en forçant une enquête sur les implantations turques à Chypre ou marocaines au Sahara occidental.
Il y a aussi des précédents juridiques qui rendraient difficile, voire impossible, pour les Palestiniens d'impliquer la CPI dans leur guerre juridique contre Israël. En mai 2013, le Bureau du Procureur (BdP) de la CPI a rejeté une tentative de l'ancien président égyptien Mohammed Morsi d’invoquer la compétence de la Cour dans son pays parce que Morsi n’avait pas de "contrôle effectif" sur l'Egypte.
Dans les faits, Abbas n'a pas de "contrôle effectif" sur Gaza. Légalement, il n'a pas non plus de "contrôle effectif" sur la Judée-Samarie tant donné qu'aussi bien Abbas que les Nations Unies définissent Israël comme une puissance occupante en Judée-Samarie, et que le "contrôle effectif" appartient à la puissance occupante.
Il n'y a jamais eu d’État palestinien dans le passé et Israël n’a pas envahi un tel État en juin 1967.
Israël franchit alors une ligne d’armistice temporaire et prit le contrôle d'un territoire contesté qui fut jusqu’alors sous contrôle (mais pas sous souveraineté) jordanienne entre 1949 et 1967. Ce que les Palestiniens essaient de faire est d'impliquer la CPI dans un différend frontalier.
Mais la CPI a été créée pour déterminer la culpabilité d’individus, pas pour délimiter des frontières (les différends frontaliers doivent être soumis à la Cour internationale de justice).
La décision de l'Assemblée générale des Nations Unies en novembre 2012 d’accorder le statut d’État observateur non-membre à la "Palestine" définit la question des frontières comme étant "en suspens".
L'ONU elle-même ne définit pas l'ancienne ligne d'armistice entre Israël et la Jordanie comme la frontière de l’État palestinien virtuel. Même William Schabas (le spécialiste de droit international mandaté par l’ONU pour enquêter sur les crimes de guerre qui auraient été commis pendant l’opération "Bordure protectrice") prend l’exemple du plateau du Golan, mais pas de la Judée-Samarie, lorsqu’il cite un exemple de territoire qui relèverait de la compétence de la CPI si Israël en devenait membre. Schabas sait pourquoi il ne cite pas la Judée-Samarie: ce territoire n’a jamais constitué un pays souverain ou une partie légalement reconnue d’un pays souverain.
Comme le dit si bien Ibrahim Khraishi: "nous n’avons pas intérêt à devenir membres de la CPI, et les gens feraient bien de réfléchir avant de parler". Son gouvernement serait bien avisé de l'écouter.

Par Emmanuel Navon

Emmanuel Navon dirige le département de Science politique et de Communication au Collège universitaire orthodoxe de Jérusalem et enseigne les relations internationales à l'Université de Tel Aviv et au Centre interdisciplinaire d’Herzliya. Il est membre du Forum Kohelet de politique publique.
Source MediaPart