vendredi 9 janvier 2015

Ces noms qui disent long...


Le 20 novembre 2014, les élus béglais décidaient de donner le nom de « Michel Slitinsky » à une rue du centre-ville, près de la mairie. Michel Slitinsky était un résistant bordelais, d'origine juif ukrainien, qui en 1998 a contribué à conduire le préfet de Vichy, Maurice Papon, devant la justice...



Précédemment, ces mêmes élus (le 8 octobre), avaient donné les noms de « Rachelle Guitton » et de « Guerstein » à deux autres voies. La première avait été assassinée à Auschwitz-Birkenau ; le nom de la seconde est le patronyme de Julia morte à 46 ans à Auschwitz, d'Isaac mort à 53 ans et de leur fils Serge mort à 16 ans, tous trois assassinés le 15 février 1944, le même jour que Rachelle Guitton.

Lénine fait réagir

Si ces dénominations de rues furent votées à l'unanimité, un des élus du Front National, Bruno Paluteau, interrogea le maire sur la présence d'une avenue Lénine à Bègles et sur l'opportunité qu'il y aurait à la débaptiser.
Réponse de l'intéressé, Noël Mamère : « Je ne débaptiserai aucune rue : ces noms sont liés à l'histoire de la ville. »
Il est certain que la viographie de Bègles n'est pas banale. Si l'on y trouve, comme partout en France, les héros - et les hérauts - de la République (les Gambetta, Jaurès, Clemenceau, Mendès-France…), des Lumières (Montaigne, Montesquieu, Le Bicentenaire…), des sciences (Ampère, Arago, Bergonié…) et des lettres et arts (Balzac, Michelet, Berlioz, Peguy…), figure des « originalités » remarquables.
Longtemps ville communiste, Bègles affiche sur ses plaques les noms de Karl Marx, Jules Guesde… Commune de Paris, et de bien des parangons de la gauche. Ce qui semble plus étonnant est le cas « Lénine ». Pourtant il n'est pas unique en France : il existe des rues Lénine dans 45 villes, avec des « poids-lourds » tels que Nanterre, Lorient ou Vénissieux.
Donc, Bègles peut défendre son avenue Lénine sur le mode : « Nous ne sommes pas les seuls… », à défaut de cautionner les crimes de celui qui fut un dictateur, qui organisa des millions de disparitions et inaugura les camps de travail forcés, ancêtres de goulags.

Les victimes des nazis

Beaucoup plus près de l'histoire locale, sont inscrits sur les plaques les noms de 28 Béglais, voire de familles entières, victimes du nazisme. Les uns furent des résistants et (ou) des communistes fusillés à Souge, d'autres furent assassinés dans les camps.
L'un d'eux est Serge Duhourquet, dont le nom s'écrit en grandes lettres sur le fronton du stade. Fils du futur maire de Bègles René Duhourquet (élu en 1959), Serge fut fusillé à l'âge de 17 ans à Souge après avoir été arrêté lors de l'attaque d'un train à Ychoux (Landes).
D'autres plaques portent les noms de familles entières exécutées : les « Quatre Castéra », les Dupeyron (Albert et Élisabeth), les Noutary (Yvonne et Robert), les Richon (Marie et Roland), les Sabail (Louise et Jean). Au-delà des polémiques « Lénine, pas Lénine » (qui sont légitimes, pensons-nous), il est bon, en cette journée où l'aveuglement meurtrier s'est invité dans l'actualité, de se souvenir de ces Béglais qui ont payé le prix maximum pour la liberté.
Source Sud Ouest