mercredi 14 janvier 2015

Elections en Israël : scandales, slogans et corruption

 
La lutte contre la corruption est au cœur de la campagne électorale en Israël qui bat au rythme de révélations quasi quotidiennes sur les affaires. Si le Premier ministre Netanyahu est régulièrement visé dans les meetings, dès qu'il s'agit d'évoquer le scandale touchant le parti ultra-nationaliste du ministre des Affaires étrangères Lieberman, les candidats rangent leurs slogans...


"Tous pourris!" Cette formule lapidaire pourrait traduire l'opinion que les Israéliens se font de leur classe politique. Plus de 73% estiment en effet que la corruption au sein du leadership israélien est répandue, voire très répandue, selon un sondage publié le 4 janvier par l'Israel Democracy Institute.
Les scandales de corruption qui minent actuellement la campagne électorale semblent leur donner raison. Pas un jour ne passe sans que l'on ne dénonce pots-de-vin, blanchiment d'argent, petits arrangements entre amis et fraudes en tous genres.
Encore faut-il démêler le vrai du faux, l'enquête de la rumeur et la pique électorale de la fronde contre le fléau -bien réel- de la corruption en Israël.
Des soupçons de fraude ont fortement perturbé les élections à la primaire du Likoud, mais ils ne sont pas de nature à inquiéter le parti et encore moins à remettre en cause la victoire de Benjamin Netanyahu à sa tête.
La vidéo soudainement exhumée dans la campagne électorale montrant l'ancien rabbin Ovadia Yossef accuser Aryeh Deri, le leader du parti séfarade ultra-orthodoxe Shass, d'être "un voleur, un corrompu", est encore d'un autre ordre. C'est une attaque interne, à ranger dans le registre des « boules puantes », lancée par le camp d'Eli Yishai, lequel a quitté avec fracas le Shass pour fonder son propre parti.
En rappelant l'énorme scandale de corruption qui éclaboussé le Shass, et a valu à Deri d'être emprisonné plusieurs années, elle participe du climat délétère actuel. Tout comme l'affaire de corruption concernant l'ancien Premier ministre Ehud Olmert, qui risque 6 ans de prison.
Ou celle concernant Binyamin Ben-Eliezer, la grande figure du parti travailliste, ancien ministre de la Défense, dont la police a estimé le 6 janvier qu'elle avait assez de preuves pour le traduire devant la justice.
 On est loin cependant de l'actualité des affaires et de la plus importante d'entre elles, celles dont tous les médias parlent mais dont, étrangement, les politiques n'osent s'emparer: l'affaire concernant Israël Beitenou ("Israël notre maison"), le parti du ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman.
Massive, cette affaire de corruption, blanchiment et fraudes implique, à ce stade de l'enquête, une trentaine de personnalités politiques, des députés et ministres, dont la vice-ministre de l'Intérieur, Faina Kirschenbaum. Cette dernière a annoncé le 12 janvier se retirer de la vie politique pour mieux préparer son procès.
Si Lieberman lui-même n'est pas inquiété, l'étau se resserre sur son plus proche entourage. Début janvier, c'est au tour de son conseiller en communication, Michael Palkov, d'être recherché par la police, qui le soupçonne de s'être enfui en Ukraine.
A la une de tous les médias, l'affaire suscite peu de commentaire du côté des politiciens. Y compris ceux qui font de la lutte contre la corruption leur priorité.
Dans ce domaine, Yaïr Lapid est le plus virulent. L'ancien ministre des Finances, et chef de file du parti du centre-droit Yesh Atid ("Il y a un avenir"), a lancé sa campagne sur le thème de la lutte contre la corruption. Réputé pour avoir refusé les privilèges attachés à sa fonction de ministre, et renoncé à son mirobolant salaire de journaliste télé, Lapid semble en faire plus qu'un slogan de campagne.
"Ils ont volé le pays!" a-t-il lancé lors d'une interview télévisée le 3 janvier en accusant non pas Lieberman, mais le Premier ministre Netanyahu. A la question "Qu'est-ce que la corruption ?", il avait répondu peu avant à la foule venue le voir en meeting à Tel-Aviv: "La corruption c'est d'ordonner des glaces à la pistache sur la facture publique, M. le Premier Ministre, c'est de se faire livrer des meubles de jardin pour la villa privée de Césarée, c'est d'insister pour que l'eau de ta piscine soit payée sur des fonds publics et de batailler pour que les contribuables te paient un jet".
Autant d'affaires, bien réelles, qui avaient fait scandale pendant le dernier mandat de Netanyahu mais qu'on ne peut qualifier d'illégales: exorbitants, ces frais n'en étaient pas moins tous inscrits au budget du Premier ministre; un budget avalisé et voté par... le ministre des Finances de l'époque, Yaïr Lapid.
Les politiques esquivent-ils les vrais problèmes?
L'affaire Israël Beitenou en étant au stade de l'enquête policière, il est délicat d'en parler. Et impossible d'accuser quiconque. La présomption d'innocence marche à plein, et c'est tant mieux, d'autant que Lieberman, lui-même maintes fois jugé pour corruption, a été blanchi par le passé.
Cependant, de moins nobles raisons expliquent sans doute ce silence. L'affaire de corruption, si elle était avérée, pourrait laminer le parti de Lieberman. Et toucher toute la scène politique israélienne. Un vrai "tremblement de terre", prédisent certains.
Certes Israël Beitenou, a perdu beaucoup de poids politique (doté de 13 sièges dans la précédente Knesset, il en obtiendrait la moitié aujourd'hui), même s'il reste influent dans la communauté russophone.
Sa fragilité électorale explique d'ailleurs le reclassement tactique de Lieberman: ancien allié de Netanyahu, avec lequel il avait fait liste commune aux dernières élections, il se rapproche aujourd'hui du bloc du centre-gauche et de l'alliance Tzipi Livni - Isaac Herzog.
Un tournant qui va aller en s'accentuant avec le départ de ses membres les plus radicaux, notamment le ministre de la Sécurité nationale Yitzhak Aharonovich. Et une aubaine pour les partisans du "tout sauf Bibi". Même s'il devait encore perdre des voix, Israël Beitenou est devenu un élément clé pour le centre-gauche. Trop de candidats ont eu partie liée avec lui. Trop de candidats ont encore besoin de lui aujourd'hui.
Tremblement de terre politique ou pas, personne ne sortira épargné de cette affaire. Ni les candidats qui soutiennent Lieberman par calcul politique, ni ceux qui s'attaquent à la corruption en visant les faux problèmes, ni même ceux, rares, à qui profiterait la chute d'Israël Beitenou, comme le Likoud, à qui l'on aura tôt fait de reprocher ses alliances passées.
Quant à l'électeur, évidemment, il n'est pas sûr non plus d'y trouver son compte.
Source HuffingtonPost