lundi 5 janvier 2015

Lâche de Noé...

 
Il aura fallu attendre 48 ans pour atteindre à nouveau les sommets himalayesques de nanardise du film La Bible, de John Huston, réalisé en 1966. C’est chose faite grâce à Darren Aronofsky, qui avec Noé rentre dans le cercle très fermé des cinéastes rois de l’humour juif, aux côtés des Marx Brothers, de Jerry Lewis, Mel Brooks, Woody Allen et autres Philippe Clair...


Si John Huston s’était attribué le rôle de Noé dans sa Bible (sans doute pour des raisons d’économie de maquillage, le réalisateur arborant à l’époque une superbe barbe blanche) en lieu et place de… Charlie Chaplin (casting brillamment imaginé par le producteur du film Dino de Laurentiis, probablement alors en état d’ébriété avancé), Darren Aronofsky a sans doute porté son choix sur l’inoubliable interprète de Gladiator en raison de l’appétence de Russell Crowe pour les sujets aquatiques (Master and Commander, ou encore son prochain film The Water Diviner).   
Côté pilosité, l’acteur néo-zélandais n’a rien à envier à John Huston. Il est impeccable, avec son look de hipster biblique alternant coupe de surfer assortie de mèches un peu grasses, tonsure façon backroom gay, et élégantes mèches blanchies à la Karl Lagerfeld pour finir. Noé est un type qui ne fait pas son âge (950 ans quand même !), tout comme son papy Mathusalem, interprété par un Anthony Hopkins jouant le Père Fouras à merveille, avec l’accent oxfordien pour la bonne bouche.
Après un début hallucinogène, où le réalisateur figure la Création sous trip LSD à base de jolies couleurs fluo, on passe directement aux choses sérieuses avec un Noé sous testostérone qui multiplie les pains. Comme Jésus. La comparaison biblique s’arrête là, car le Noé d’Aronofsky se veut un subtil mélange entre l’Aventure du Poséidon, Game of Thrones et Maciste contre les hommes de pierre.

Car oui, dans Noé il y a aussi des hommes de pierre, entendez des anges qui, punis par Dieu, se sont retrouvés sur terre en panoplie de Transformers. Si Darren avait osé, il aurait titré son film « Noé et les Transformers ». Mais en fait, c’est plutôt « Noé contre les fils de Caïn ». Le méchant du film n’a pas un nom très juif, il se nomme Tubal-Caïn. Noé ne veut pas se faire entuber par Tubal, qui va au passage dégommer quelques Transformers (devenus potes avec Noé, vous suivez ?) avec des pétards tirés au moyen d’un tube. D’où son nom. 
Côté décors, oubliez toutes vos idées reçues sur les dunes et autres oasis fantasmées d’une Bible mythique. Noé et sa famille vivent dans un genre de toundra norvégienne. Ils vont ensuite traverser l’Atlantique dans leur arche en forme de péniche transport de containers (L’homme du Picardie n’est pas loin) pour se retrouver sur un rivage qui ressemble à Phuket.

Là, Noé-Russell va se torcher au vin bio, car il a compris qu’il ne rééditerait pas le coup de l’Oscar de Gladiator. Comme le budget du film (130 millions de $) a par ailleurs été explosé depuis longtemps, Darren a inclus quelques images animalières de stock, sans doute négociées au rabais à National Geographic. Entretemps, Noé n’a pas égorgé les 2 bébés de son fils Cham, désobéissant ainsi à Dieu. Lâche de Noé.
L’un des meilleurs running gag du film reste l’impayable prononciation par Noé-Russell Crowe du prénom de son fils Cham, qui devient dans sa bouche « Ham » (jambon en français). Dur à avaler pour un film biblique. Quand on vous disait que Darren Aronofsky était le digne successeur des grands cinéastes comiques juifs.

Alain Granat


Source JewPop