vendredi 2 janvier 2015

Paracha Vayehi : Les enjeux


Le nom de cette paracha, Vayé’hi, signifie « il vécut », se référant à la façon dont Jacob passa les dernières années de sa vie en Égypte. Sachant que le nom d’une paracha exprime son contenu dans son ensemble, nous serions fondés d’attendre à ce qu’une paracha intitulée « il vécut » soit consacrée au récit des principaux événements de la vie de Jacob...

Or, la parachat Vayé’hi est consacrée à l’exact inverse, c’est-à-dire aux événements qui vont conduire à la mort de Jacob et à ses conséquences. Dans cette paracha, Jacob donne ses dernières bénédictions à ses fils et petits-fils, rend son dernier souffle et est enterré par ses fils dans la grotte de Makhpélah. Tout ceci est suivi du récit de la mort de son fils préféré et successeur désigné, Joseph. La parachat Vayé’hi est ainsi évocatrice de la parachat ‘Hayé Sarah, dont le nom signifie « la vie de Sarah » bien qu’elle fut centrée sur les événements qui eurent lieu à la suite de sa mort.
Comme cela a été expliqué à propos de Sarah, notre vie ne peut être qualifiée d’authentique que lorsque nos idéaux survivent en ceux qui nous succèdent. Ainsi, paradoxalement, tant que nous sommes vivants physiquement, il n’est pas du tout certain que nous soyons véritablement « vivants », car la preuve d’une vie vraie ne se manifeste qu’après la mort. Si nos descendants restent fidèles aux valeurs que nous leur avons transmises, il devient alors rétroactivement clair que nous étions également « vivants » pendant notre vie. Autrement cela signifie que, même de notre vivant, nous étions fondamentalement « morts ».
Cette perspective permet d’expliquer pourquoi ici, dans la paracha Vayé’hi, la Torah fait précéder à la mention de l’âge de Jacob quand il mourut la phrase : « Jacob vécut dix-sept ans en terre d’Égypte. » Dans la parachat ‘Hayé Sarah, on ne trouve pas de telle phrase introductive concernant Sarah. On nous y informe seulement de son âge au moment de sa mort.

Le fait que Jacob vécut dix-sept ans en terre d’Égypte avant de mourir – des années dont il nous est dit qu’elles furent les meilleures de sa vie, pleines de réelle satisfaction à la vue de ses enfants et ses petits-enfants fidèles à ses idéaux – prouve qu’il fut réellement « vivant » au cours de sa vie. Le fait qu’il sût préserver sa propre spiritualité dans le monde corrompu et idolâtre de l’Égypte et qu’il réussit à élever ses enfants et ses petits-enfants dans le même esprit atteste du caractère foncièrement authentique de sa vie.
De fait, la vie de Jacob se perpétua si réellement dans la vie de ses descendants que la Torah n’emploie même pas le terme « mourir » quand elle relate sa mort. Elle dit seulement qu’il cessa de respirer et le Talmud assure donc que, fondamentalement, Jacob n’est pas mort !
De plus, comme nous le verrons par la suite, la mort de Jacob indiqua l’amorce d’une descente qui allait se conclure par l’asservissement physique de tous ses descendants.

Le fait que le peuple juif demeurât fidèle à l’héritage de Jacob même dans des circonstances aussi difficiles est une preuve supplémentaire que sa mort démontra le plus clairement possible qu’il fut non seulement « vivant » sa vie durant, mais qu’il continua de l’être même après également.
Comme nous l’avons vu, dès sa jeunesse, Jacob incarna l’érudit en Torah par excellence.

En même temps qu’il absorbait les connaissances renfermées dans la Torah, il s’imprégna aussi de la transcendance de la Torah, de son immuable essence divine qui la rend intrinsèquement, universellement et éternellement pertinente dans tous les aspects de la vie. C’est ce qui lui permit de surmonter toutes les vicissitudes de la vie, de faire de tous ses enfants des hommes vertueux malgré leurs personnalités différentes et d’assurer que les années qu’il passerait en Égypte seraient ses meilleures années.
La Torah, étant l’incarnation de la volonté et de la sagesse de D.ieu, est vérité. L’étude de la Torah est donc la poursuite de la vérité. C’est pourquoi, par extension, l’engagement dans la Torah signifie un dévouement sans compromis à la vérité. La Torah fut la clé de Jacob pour la vie éternelle, car la vérité, par définition, est éternelle.
Dès lors, la leçon de la parachat Vayé’hi est que nous pouvons nous aussi surmonter toutes les dernières difficultés de l’exil, réussir à éduquer nos enfants de sorte qu’ils restent fidèles à leur héritage, et profiter de toutes les bénédictions d’abondance spirituelle et matérielle – c’est-à-dire avoir un avant-goût de la douceur de l’ère messianique prochaine – même si nous sommes encore en exil, à travers l’étude de la Torah et l’accomplissement de ses commandements.
Il est donc approprié que le premier livre de la Torah s’achève par le message de Vayé’hi, « il vécut ». Alors que le rideau s’abaisse sur les fondations établies par les Patriarches et que nous nous préparons à assister à la maturation de leur descendance en un peuple à part entière qui assumera le rôle de « royaume de nobles et nation sainte », la parachat Vayé’hi nous rappelle que le Livre de la Genèse n’est pas une simple œuvre littéraire, un hommage sentimental ou partisan aux ancêtres de notre nation qui, aussi impressionnants qu’ils aient pu être, sont morts et enterrés et appartiennent donc au passé.

Non, ils sont vivants, réellement vivants, et c’est seulement en s’identifiant à leurs aspirations, en intériorisant leur héritage et en y restant fidèles, que nous aussi pouvons être réellement vivants. Tant que nous sommes en exil, nous continuerons à être sollicités par les tentations provocantes de la pseudo-vie autour de nous (et à l’intérieur de nous).
Mais la Torah est « une Torah de vie » qui nous stimule éternellement à rester au-dessus de ces tentations et à « choisir la vie » en accomplissant les commandements de D.ieu, transformant ainsi notre vie et le monde autour de nous en une résidence pour D.ieu, la véritable « source de vie ».
Source Habad