mercredi 7 janvier 2015

Une taupe du Mossad infiltrée au cœur du Hezbollah


Le Hezbollah libanais a admis à demi-mot avoir été infiltré à très haut niveau par les services secrets israéliens. S'exprimant le week-end dernier sur la radio libanaise Nour, le numéro deux de la puissante organisation chiite, Cheikh Naïm Qassem, a expliqué que le «Hezbollah a déployé beaucoup d'efforts pour lutter contre l'espionnage en son sein...


Des cas ont été découverts, mais ce ne sont que des cas limités», a précisé le cheikh. Malgré ces précautions oratoires, cet aveu émanant de l'un des fondateurs historiques du Hezbollah a été pris par les spécialistes comme une confirmation d'une rumeur qui courait depuis l'arrestation, fin décembre, d'un cadre haut placé du mouvement: une taupe du Mossad aurait opéré depuis des années dans les cercles dirigeants du Hezbollah, l'une des organisations les plus secrètes, les plus cloisonnées et les plus impénétrables du Moyen-Orient.
Il est difficile de démêler le vrai du faux dans ces affaires d'espionnage. Aucune des parties, Israéliens ou chiites libanais, n'a intérêt à révéler la vérité à son adversaire.

Selon des médias libanais et koweïtiens, qui citent des sources non identifiées, le Hezbollah aurait arrêté fin décembre l'un des principaux responsables de ses opérations spéciales, un certain Mohammed Chawraba, ainsi que quatre de ses collaborateurs. Issu d'une famille chiite respectée du Sud-Liban, gage de confiance dans l'organisation, Chawraba avait occupé divers postes importants au sein du Hezbollah, y compris celui de responsable de la sécurité de Hassan Nasrallah lui-même, le secrétaire général du mouvement. Toujours selon ces sources, il était depuis plusieurs années le commandant adjoint de l'Unité 901, sorte de «service action» chargé des opérations clandestines extérieures de l'organisation.
Cette unité aurait été notamment chargée d'organiser des représailles à l'assassinat d'Imad Moughnié, le chef de la branche militaire du Hezbollah, tué dans un attentat ciblé à Damas en 2008. Plusieurs tentatives d'attentats contre des Israéliens à l'étranger avaient été déjouées. D'autres avaient réussi, comme l'attentat qui avait tué cinq touristes israéliens en Bulgarie en 2012, mais les agents du Hezbollah avaient été arrêtés par les autorités bulgares avec une surprenante rapidité.
L'assassinat d'un haut responsable du Hezbollah à Beyrouth en décembre 2013 et l'arrestation d'un agent secret de l'organisation au Pérou en octobre 2014 pourraient aussi avoir été causés par la taupe. Selon le site d'information libanais Now, Chawraba aurait reçu d'importantes sommes d'argent de ses agents traitants du Mossad, citant le chiffre invérifiable d'un million de dollars par an.

Période délicate pour le mouvement chiite libanais
Chawraba aurait été démasqué après que son mouvement lui aurait confié de fausses informations. Les Israéliens, qui ont à plusieurs reprises lancé des attaques aériennes contre des convois ou des sites de stockage d'armes spéciales devant être livrées au Hezbollah, auraient pour une fois frappé dans le vide, désignant ainsi le traître.
D'autres affaires d'espionnage avaient déjà impliqué ces dernières années des membres du Hezbollah. Des réseaux d'agents à la solde d'Israël avaient été démasqués en 2009 au Liban, notamment un garagiste qui fournissait au Hezbollah des voitures munies de dispositifs de pistage.

En 2011, un haut responsable du mouvement chiite avait fait défection et franchi la clôture de la frontière israélienne dans le godet d'une pelleteuse qui l'avait soulevé au-dessus du grillage. 
Pour le Hezbollah, la présence d'un traître dans ses rangs à ce niveau-là constitue un précédent fâcheux, propre à alimenter une paranoïa dangereuse au sein du mouvement et à démoraliser ses militants.
Mais cette dernière affaire est beaucoup plus importante que les précédentes. Si elle est avérée, il s'agit de la trahison au plus haut niveau qu'ait connu à ce jour une organisation réputée quasi impénétrable.

Elle coïncide avec une période délicate pour le mouvement chiite libanais. Engagé dans la guerre civile syrienne aux côtés du régime de Bachar el-Assad, auquel il a fourni une aide militaire essentielle, le Hezbollah a perdu de nombreux combattants dans la bataille en Syrie, mais aussi une grande partie de son aura auprès de l'opinion libanaise: au lieu d'incarner comme dans les années 2006 la «résistance» à Israël, le mouvement apparaît à présent à beaucoup de gens comme un simple instrument au service des intérêts stratégiques iraniens.
L'arrestation de Chawraba constitue évidemment un revers pour Israël, qui perd un agent placé au cœur de l'appareil sécuritaire de son ennemi juré. Mais pour le Hezbollah, la présence d'un traître dans ses rangs à ce niveau-là constitue un précédent fâcheux, propre à alimenter une paranoïa dangereuse au sein du mouvement et à démoraliser ses militants. Les demi-aveux de Cheikh Qassem pourraient ainsi avoir eu pour but de limiter les dégâts potentiels.

Source Le Figaro