mardi 3 mars 2015

Le shekel dans tous ses états : taux d’intérêt nul, dévaluation, etc

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Vers des taux d’intérêt négatifs en Israël ? C’est la question que l’on peut se poser après la baisse du taux directeur à 0,1% seulement. En ce début mars 2015, la Banque d’Israël a créé l’évènement économique : le taux d’intérêt directeur est passé de 0,25% à 0,1%, soit pas très loin d’un taux nul, voire négatif...Analyse...


C’est la première baisse des taux en six mois en Israël, sur fond de déflation persistante et de renforcement du shekel. La décision inattendue de Karnit Flug, la puissante gouverneure de la Banque d’Israël, est symbolique mais aussi historique : elle ouvre une ère nouvelle pour l’économie israélienne et pour sa monnaie.

L’ÈRE DES TAUX D’INTÉRÊT NULS

« La gouverneure a perdu la tête » a osé titrer, en fin de semaine, le très sérieux quotidien israélien de l’économie, Globes. L’auteur de ce titre provocateur explique qu’Israël n’est pas le premier pays occidental tenté par les taux d’intérêt négatifs pour relancer la machine économique.

En revanche, il estime qu’Israël s’est laissé entraîner par la tendance mondiale à l’accroissement de la masse monétaire, et cela sans en avoir vraiment besoin.
Et pourtant, la Banque d’Israël a justifié sa décision d’abaisser le taux d’intérêt à 0,1% « à la lumière du renforcement du shekel et son influence possible sur le rythme de l’inflation ».

La vice-gouverneure Nadine Baudot-Trajtenberg a même laissé entendre que les taux pourraient descendre en dessous de zéro. Israël s’approche ainsi de l’ère des taux négatifs qui a démarré en Suisse puis s’est étendue à la Suède et dans les pays d’Europe. Partout, l’objectif des banques centrales est le même : lutter contre la déflation.

L’ÈRE DE LA DÉFLATION

En Israël aussi, la décision de la banque centrale est justifiée principalement par la persistance de la déflation: « Il s’agit de contenir l’inflation dans le cadre de l’objectif d’une hausse des prix comprise entre 1 et 3% sur douze mois ». Effectivement, cet objectif d’inflation, que s’est fixé le gouvernement israélien, n’est plus respecté : les prix en Israël ont baissé de 0,1% sur toute l’année 2014 et ils ont encore reculé de 0,9% pour le seul mois de janvier 2015.
Sur les douze derniers mois, les prix en Israël ont donc baissé de 0,5%. Certes, cette déflation s’explique surtout par le recul des prix de l’énergie et de l’eau. Mais pour le mois de février aussi, un indice négatif est attendu (-0,3%), notamment en raison de la baisse des tarifs de l’électricité. La Banque d’Israël rappelle aussi que l’économie israélienne évolue dans un environnement international similaire : dans les économies occidentales, l’inflation continue de reculer et les banques centrales multiplient les mesures d’accroissement de la masse monétaire pour endiguer la baisse des prix.

L’ÈRE DE LA DÉVALUATION

Pour freiner la baisse des prix, la Banque d’Israël voudrait donc accélérer la dévaluation du shekel. Les économistes de la banque centrale estiment que la baisse du taux d’intérêt directeur est l’instrument le plus approprié pour provoquer une baisse de la valeur du shekel et favoriser les exportations israéliennes. La dévaluation du shekel face au dollar a démarré en août dernier et elle s’est poursuivie jusqu’en décembre : en cinq mois, la devise israélienne a perdu 11% face au billet vert.
Mais en janvier et février 2015, le renforcement du shekel est reparti : en deux mois, le shekel a repris 8% face au dollar, anéantissant sa baisse des cinq mois précédents. Face à l’euro, le shekel a du mal aussi à trouver son juste taux et pour cause : la baisse de l’euro vis-à-vis du dollar est plus forte que la baisse du shekel face au dollar ; ce qui fait que le shekel a relativement augmenté face à la devise européenne.
Dans ce contexte mouvementé, Israël tente d’améliorer la compétitivité de ses produits en faisant baisser leur valeur, et cela grâce à la dévaluation de sa monnaie. Or la situation de l’économie israélienne est bien meilleure que celle ses partenaires commerciaux : le chômage est très bas (autour de 5%), le rythme de croissance est soutenu (environ 3% l’an), et le déficit public baisse. Autant de raisons qui devraient inciter la Banque d’Israël à plus de prudence et de retenue dans sa politique monétaire.
 
Jacques Bendelac (Jérusalem)
Source Israel Valley