lundi 30 mars 2015

Théâtre : L'étonnante renaissance d'une farce issue d'un ghetto juif


En 1943, près de Prague, un garçon de 14 ans d'un ghetto juif se moque des nazis dans une pièce de sa composition. Ce texte clandestin vient d'être édité en France. Une doctorante française, Claire Audhuy, vient effet d'éditer cette pièce de théâtre, écrite par le jeune Hanus Hachenburg, intitulée « On a besoin d'un fantôme », et rêve de la faire jouer sur les planches...

 
Dans cette pièce, le jeune auteur décrit un tyran grotesque, secondé par une « garde des saucissons brutaux ». Ce roi analphabète, désireux que ses sujets « pensent comme lui », les terrorise en s'emparant de leurs ossements et leur promet « la mort éternelle au feu infernal ».

Hanus a été gazé à Auschwitz avant son 15e anniversaire

L'auteur de cette courte pièce, pleine de lucidité et d'humour, a été gazé à Auschwitz-Birkenau en 1944, quelques jours avant son 15e anniversaire.
Son œuvre témoigne « d'une voix singulière, parce qu'il a osé la caricature et la satire dans un contexte de mort omniprésente et parce qu'il a eu l'audace de vouloir faire rire ses camarades », souligne Claire Audhuy, une artiste de théâtre qui a découvert ce texte par hasard dans les archives du camp de Terezin, dans l'actuelle République tchèque, et qui vient d'en publier une traduction française.
Terezin, où le jeune Hanus fut déporté à l'âge de 13 ans, et où il écrivit clandestinement cette farce en sept actes pour marionnettes, était un camp d'internement utilisé par les nazis en partie à des fins de propagande : ils y autorisèrent la création artistique, afin de persuader l'opinion internationale que les juifs étaient bien traités.

« L'humour devient une arme de vérité »

C'est dans ce contexte que des adolescents juifs - dont Hanus Hachenburg - produisirent à Terezin un journal clandestin, « Vedem » (« Nous menons »).
Ses rédacteurs étaient « assez intelligents pour savoir comment ils allaient probablement terminer », analyse l'un d'eux, George Brady, qui a survécu et vit aujourd'hui à New York - d'où il a récemment préfacé la pièce de Hanus.
Après guerre, environ 800 pages de « Vedem » ont été retrouvées et archivées au mémorial de Terezin. C'est là que Claire Audhuy, qui rédigeait une thèse en arts du spectacle consacrée au « théâtre dans les camps nazis », a exhumé l'œuvre du jeune Hanus, admirative devant cet exemple de « théâtre concentrationnaire clandestin, où l'humour devient une arme de vérité ».
De son vivant, cette pièce n'a jamais été montée sur les planches, mais l'auteur en a fait une lecture publique devant ses camarades du ghetto, un soir de 1943. Dans les décennies suivantes, elle est restée très largement inconnue, puisqu'elle n'a été jouée qu'en 2001 en Afrique du Sud, puis en 2011 à Prague, par des étudiants tchèques.

« Ubu, c'est Hitler »

Avec cette première traduction française, et la sortie d'une édition illustrée avec des dessins parus dans « Vedem », Claire Audhuy espère désormais lui donner une autre visibilité.
En février, la pièce a été jouée par des lycéens de Genève. En avril, elle le sera par des élèves strasbourgeois, « fiers et très émus de porter le message d'Hanus », selon leur professeur de français, Patricia Kleindienst.
Les lycéens ont choisi une mise en scène « totalement grotesque et ubuesque, car ici, Ubu c'est Hitler », raconte l'enseignante. Ils « sont très frappés que l'auteur, qui avait leur âge, ait pu vouloir rire de choses aussi graves », ajoute-t-elle.
D'ici à 2016, cette œuvre singulière pourrait sortir des lycées et être jouée sur les planches pour un plus large public, espère Claire Audhuy.

« On a besoin d'un fantôme », par Hanus Hachenburg (suivi de poèmes de l'auteur). Editions Rodéo d'âme. 14 euros.

Koide9enisrael vous a déja parlé de cette histoire ici :

Source Ouest France