vendredi 29 mai 2015

Indemnisation de victimes de la Shoah : discorde sur un accord France - USA


La commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale a reporté mercredi son vote sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord France-États-Unis sur l'indemnisation de certaines victimes de la Shoah déportées depuis la France, qui a heurté des députés sur la forme. L'accord prévoit la mise en place d'un fonds de 60 millions de dollars, géré par les autorités américaines, ouvert aux ressortissants des États-Unis ou d'autres pays non couverts par d'autres régimes d'indemnisation...


Il concerne exclusivement les victimes des déportations consécutives aux persécutions antisémites perpétrées par les autorités allemandes d'Occupation ou l'autorité de fait dite Gouvernement de l'État français, c'est-à-dire le transfert de ces victimes vers des camps situés hors du territoire national", est-il précisé dans l'exposé des motifs du projet de loi. Le texte de l'accord évoque, lui, directement "le gouvernement de Vichy".
"Très en colère" et "profondément choqué", le député UMP Pierre Lellouche a plaidé notamment que "la République française peut reconnaître les crimes de Vichy, mais ne peut pas être considérée comme débitrice, coresponsable de ces crimes" et que "jusqu'à présent les États-Unis nous considéraient comme un pays vainqueur". "Mon père se retournerait dans sa tombe s'il avait connaissance de ce texte", s'est exclamé son collègue Patrick Balkany, dont le père, immigré juif hongrois, fut déporté à Auschwitz après avoir été interné à Drancy. Dans un tweet, l'UMP Thierry Mariani a jugé que "l'indemnisation des victimes de la # Shoah est UN DEVOIR mais cet accord avec les USA est humiliant et inacceptable dans sa forme".
La présidente de la commission, la socialiste Élisabeth Guigou, a appelé à approuver un texte qui "permet de clore une controverse" et rappelé que, dans les années 1990, les autorités françaises avaient eu "l'intelligence collective d'avancer sur ce sujet pour apaiser les souffrances".
Une référence à la reconnaissance, pour la première fois, par un président de droite, Jacques Chirac, puis un Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, de la responsabilité de la France dans la déportation vers l'Allemagne de juifs français lors de l'occupation du pays par les nazis.
Outre des élus UMP, dont l'ancien Premier ministre François Fillon, des socialistes, comme l'ancien secrétaire d'État chargé des Anciens Combattants et de la Mémoire Kader Arif, ont suggéré de reporter le vote. Après une suspension de la réunion, Élisabeth Guigou a annoncé ce report pour avoir "des éclaircissements" et pour que "les esprits s'apaisent". Une "solution de sagesse" saluée par Pierre Lellouche, favorable à un retrait du texte de l'ordre du jour et à une reprise des négociations avec les États-Unis.
Il était jusqu'alors prévu que ce texte soit débattu en séance publique dans l'hémicycle le 16 juin. Aucune autre date pour un vote en commission n'a été fixée à ce stade.
Signé à Washington le 8 décembre 2014, l'accord s'inscrit dans le prolongement des mécanismes de réparation progressivement mis en place par la France au profit des victimes de persécutions antisémites perpétrées pendant la Seconde Guerre mondiale, selon le gouvernement.
"Le choix d'un dispositif et d'un fonds ad hoc plutôt qu'une extension du régime des pensions d'invalidité résulte de la volonté conjointe des deux parties de mettre en place un mécanisme d'indemnisation facilement accessible aux bénéficiaires résidant à l'étranger compte tenu notamment de l'âge avancé des déportés survivants", indique l'exposé du projet de loi.
L'accord vise aussi à "constituer le moyen définitif, global et exclusif de répondre à toute demande ou toute action qui pourrait être entreprise, aux États-Unis, contre la France ou ses démembrements au titre de la déportation liée à la Shoah depuis notre territoire", d'après son étude d'impact.
Cela englobe les entreprises ou entités publiques françaises "qui pourraient être mises en cause, directement ou indirectement", comme cela a pu être le cas par exemple de la SNCF aux États-Unis.
Source Le Point