vendredi 8 mai 2015

Paracha Behar : Une fierté qui transcende l’être


Le Talmud rapporte le débat suivant : Rav ‘Hiya bar Achi déclare au nom de Rav : « un érudit dans la Torah devrait posséder une part de 1/64ème de fierté, de sorte que ceux qui ont un esprit léger ne se comportent pas avec arrogance à son égard et qu’ils acceptent ses paroles (Rachi). » Rav Houna, le fils de Rav Yehochoua, affirme : « Cette petite mesure de fierté l’embellit comme un poil décore un épi de blé. » ... 


Rava statue : « Celui qui possède [de l’orgueil] mérite d’être mis au ban de la société. [En revanche,] celui qui en est totalement dépourvu mérite d’être mis au ban. [S’il ne possède pas un petit degré de fierté, ses voisins ne le craindront pas et il n’aura pas la capacité de leur adresser des remontrances (Rachi).] » 
Rav Na’hman bar Its’hak soutient : « Ni cela [l’orgueil], ni aucune part de cela. Est-ce une petite chose, ce que dit le verset : “Tous ceux qui sont fiers dans le cœur sont une abomination pour D.ieu.” ? » 
Quelle est le raisonnement du texte que Rav Na’hman bar Its’hak avance comme preuve ? L’orgueil naît de l’appréciation, parfois réaliste et parfois pas, de nos actes et de nos potentiels. Quand quelqu’un ressent de la fierté devant ses accomplissements, même si ce sentiment est justifié, il renie, dans une certaine mesure, la providence divine. Car en s’enorgueillissant, la personne attribue son succès à ses propres efforts. Si elle était consciente qu’en réalité, toute sa réussite est un don de D.ieu, et que c’est Lui qui lui accorde le potentiel de réussite, elle ne serait pas fière. Au contraire, elle reconnaitrait avec gratitude l’œuvre de D.ieu.
Il ne s’agit pas ici de minimiser l’importance des efforts humains. Il est écrit : « Et l’Eternel ton D.ieu te bénira dans tout ce que tu entreprendras », ce qui implique que les efforts sont nécessaires. Sans eux, il manquerait un vecteur à travers lequel la bénédiction divine pourrait se révéler. Mais ces efforts ne sont rien de plus qu’un moyen, la source du succès restant dans les bénédictions divines. Et quand le succès provient des bénédictions de D.ieu, il n’y a aucune raison pour que l’individu en ressente une fierté personnelle.

Drainer un potentiel plus profond

Néanmoins, comme l’indiquent les autres Sages mentionnés plus haut, il existe un avantage à posséder une petite quantité de fierté, car si la personne ne s’exprime pas avec assurance, ses paroles n’auront pas de poids. Et sans une certaine mesure de confiance en soi, cette personne ne sera pas à même de persévérer face aux difficultés de la vie. De plus, les sentiments de satisfaction et de fierté encouragent la joie, qui est l’un des éléments fondamentaux dans le service divin.
Il est toutefois possible de bénéficier des avantages de la fierté sans subir ses inconvénients.

Car il est une source plus profonde de fierté que notre égo, nos propres qualités ou nos accomplissements. D.ieu « nous a rendus saints par [Ses] commandements et nous a rapprochés de [Son] service », nous gratifiant d’un lien de proximité avec Lui et de la mission de raffiner et d’élever le monde entier. La conscience de ce lien et l’identification avec cette mission engendrent une fierté et une satisfaction profondes et un sentiment d’accomplissement.

La synthèse pas le conflit

Cette approche permet de considérer l’humilité et la fierté comme des qualités complémentaires. Développer une humilité altruiste encourage la personne à renforcer son lien avec D.ieu et Son service, ce qui, à son tour, engendre une source plus profonde de fierté et d’estime de soi.
De fait, cette sorte de fierté est plus puissante que celle qui découle de l’appréciation de ses propres qualités.

L’orgueil égocentrique est limité et peut être diminué par une forte opposition ou un défi considérable. En revanche, la force personnelle qui dérive de l’engagement à accomplir la volonté de D.ieu reflète la nature infinie de son objectif. Rien ne peut l’arrêter.
Nos Sages ont fait allusion à cette idée lorsqu’ils ont dit : « Le serviteur d’un roi est tel un roi lui-même. » Un serviteur n’est pas considéré comme une entité distincte de son maître : il est comme une extension de la personne de son maître. Ainsi la confiance en soi manifestée par le serviteur n’est-elle pas la sienne propre, mais celle de son maître, et véhicule tout le pouvoir de la position de son maître.
Une personne totalement dévouée au service divin révèle ainsi des ressources intérieures bien plus puissantes que celles qu’elle possède de par elle-même. Elle déborde de force et d’énergie et s’avère apte à canaliser ces énergies et à les transformer en entreprises productives.

Des principes personnifiés

Moïse notre maître fut l’incarnation parfaite de ce type de confiance en soi. Il affirma lui-même au Peuple Juif : « C’est moi qui me tiens entre D.ieu et vous », et c’est lui qui écrivit le verset : « Et il ne se leva jamais en Israël un prophète comme Moïse. » Et cependant, il était « plus humble que tous les hommes sur la face de la terre. »
Moïse ne considérait pas l’orgueil et l’humilité comme des tendances contradictoires. Bien qu’il connût la grandeur de sa mission et réalisât qu’il avait été doté d’aptitudes exceptionnelles pour pouvoir l’accomplir, cela ne suscita pas chez lui un orgueil égocentrique. Au contraire, il réalisait que ces qualités lui avaient été conférées par D.ieu.

Elles n’étaient pas le fruit de ses propres efforts. Bien plus encore, il estimait que si ces dons avaient été attribués à quelqu’un d’autre, cette personne aurait été encore plus performante que lui.
C’est justement à cause de cette humilité que Moïse put mettre pleinement à profit tous les potentiels dont il avait été doté.

Le symbolisme du Sinaï

Les concepts qui précèdent se reflètent dans le nom de la Paracha de cette semaine : Behar. Behar signifie « sur la montagne ». Et plus particulièrement, comme le dit la suite du verset, il s’agit du Mont Sinaï sur lequel fut donnée la Torah.
Le Mont Sinaï représente la synthèse des deux potentiels évoqués plus haut. D’une part, il est « la plus basse de toutes les montagnes », symbolisant de ce fait l’humilité, et cependant, il est bien une montagne, incarnant la fierté et la force. C’est la fusion de ces deux contraires qui fit de Sinaï la « montagne de D.ieu », le lieu où D.ieu choisit de manifester Sa présence et de donner Ses enseignements.
Il subsiste cependant une légère difficulté. La Paracha ne s’intitule pas Behar Sinaï – « sur le Mont Sinaï », mais Behar, « sur la montagne ».

Dans ce nom, les qualités de fierté et de courage sont mises en valeur, mais pas l’influence modératrice de l’humilité de Sinaï, « la plus basse de toutes les montagnes ».
La raison en est que la phrase « Behar Sinaï », « sur le mont Sinaï », se réfère à une personne qui se rappelle la nécessité de travailler sur son amour-propre. Le fait même que ces efforts soient encore nécessaires indique que l’humilité n’imprègne pas encore tout son être.
En revanche, lorsqu’une personne a complètement sublimé son identité à la mission que D.ieu lui a confiée, nul n’est besoin de lui rappeler la nécessité d’être humble.

Elle ne s’intéresse plus du tout à elle-même. C’est là le sens du nom Behar, « sur la montagne » : un serviteur de D.ieu se tient avec fierté, fermement enraciné dans la force de sa mission.
C’est cette force qui permettra à notre Peuple de surmonter les défis qu’il doit relever en ces derniers moments de l’exil et d’aller à la rencontre de Machia’h. Puisse cela avoir lieu dans le futur immédiat.
 

Source Chabad