jeudi 25 juin 2015

La " guerre des mariages " ou la lutte de succession

 
En mars dernier, le président Mahmoud Abbas (Abu Mazen) a fêté ses 80 ans. Il n'y a cependant pas de débat public sur le candidat qui lui succédera, ni de procédure claire pour sélectionner celui qui héritera de ses trois fonctions: président de l'OLP, chef du parti Fatah au pouvoir, et président de l'Autorité palestinienne...


Il y a quelques semaines, Abbas a célébré le mariage de son petit-fils aîné au Qatar. Le souverain du Qatar, Tamim ben Hamad, et le chef du Hamas, Khaled Mechaal, l'adversaire politique de M. Abbas, qui vit au Qatar, étaient également présents.
Au même moment, un autre mariage palestinien avait lieu à Dubaï. Mohammed Dahlan, l’ennemi juré d'Abbas, qui a été expulsé du Fatah et de Ramallah et condamné à la prison par contumace, a marié sa fille. Mohammed Dahlan est le seul qui appelle ouvertement à la destitution d'Abbas. Il dispose de fidèles soutiens en Cisjordanie et à Gaza, qui le considèrent comme l'héritier ultime de l'actuel président.
Dans ce contexte des mariages de ces deux familles, s’est déroulée dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, ce que les Palestiniens ont appelé par dérision "la guerre des mariages".
Dans le cadre de cette "guerre", Dahlan a transféré via la Turquie des millions de dollars dans la bande de Gaza pour organiser un mariage de masse pour des milliers de couples dans le stade al-Katibah à Gaza.
Abbas et l'Autorité palestinienne à Ramallah ont fait la même chose en Cisjordanie.
De nombreuses alliances ont été échangées au cours d’une cérémonie à Jérusalem, sur l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa, puis les festivités ont continué à Jéricho. Le coût des alliances et de chaque mariage s'élevait à 4,000 dollars, financés par M. Abbas.
Progressivement, au fil des années, Abbas s'est débarrassé de tous ceux qui menaçaient de lui nuire. Tout d’abord, il y a cinq ans, il exila Mohamed Dahlan, qui s'est installé aux Emirats Arabes Unis, où il est devenu homme d'affaires, et consultant politique et sécuritaire des dirigeants arabes. Il est aujourd'hui très riche.
Selon les rumeurs, il aurait commencé par le trafic d'armes, et continué comme entrepreneur de projets de construction dont le plus grand (en partenariat avec Mohammed Rashid, un ancien expert financier et confident d'Arafat) est la construction d’un immeuble de logements et de bureaux dans le centre de Belgrade en Serbie, pays dont il a également obtenu la nationalité. Ses autres entreprises ont prospéré dans le Golfe.
Il est également très proche du président égyptien al-Sisi, mais ce dernier lui a demandé de ne pas l'impliquer dans les questions palestiniennes afin de ne pas nuire à Abbas.
Dahlan a conseillé l'armée égyptienne dans le Sinaï dans les affaires de terrorisme et son plus gros succès fut "son rôle de médiateur" entre l'Egypte et l'Ethiopie concernant la construction de barrages sur le Nil Bleu. Ils auraient pu perturber le courant du fleuve vers l'Egypte et Dahlan a réussi, il y a trois mois, à régler le différend entre l'Egypte et l'Ethiopie.
Sur la scène palestinienne, Dahlan a transféré à partir des monarchies du Golfe 5.000 dollars à la famille de chaque "Shahid" (martyr, ndlr) de la dernière guerre à Gaza. Son épouse Jalila a également donné beaucoup d'argent aux organisations d’oeuvres sociales à Gaza. Toutes ces actions ont reçu l’assentiment des dirigeants du Hamas alors qu'il y a seulement quelques années, Dahlan était leur plus grand ennemi.
Abbas soupçonne depuis longtemps Salam Fayyad, qui fut Premier ministre à Ramallah et Yasser Abed Rabbo, un membre historique du Comité central de l'OLP dont il a été le secrétaire-général, d'être des alliés de Dahlan.
Ces derniers jours, Abbas a ordonné la confiscation d’une importante somme d'argent appartenant à l'organisation "la Palestine de demain" dirigée par Salam Fayyad. Ces fonds étaient prévus pour le développement de la zone C (la Cisjordanie est divisée en 3 zones A - B - C; la zone C est sous contrôle total d’Israël pour la sécurité et l’administration, ndlr). La raison officielle invoquait des soupçons de blanchiment d'argent. Quant à Abed Rabbo, Abbas l’a limogé de son poste du Comité exécutif de l'OLP.
Le dernier haut dirigeant sanctionné par Abbas est Jibril Rajoub, dont la réputation s’est effondrée lorsqu’il a retiré sa proposition de suspendre Israël de la FIFA. Les Jordaniens l'ont aussi accusé de ne pas avoir soutenu le prince Ali de Jordanie en tant que président de la FIFA, et l’ont puni en lui retirant son passeport jordanien. Les potins politiques palestiniens prétendent qu'Abbas est mêlé aux affaires de Rajoub.
Celui qui reste proche d’Abbas, et qui est également son confident, s’appelle Majed Faraj, qui est aussi le chef des services de sécurité du président de l’Autorité palestinienne. Faraj l'accompagne dans presque tous ses déplacements et il ne semble pas pour le moment, qu'il joue dans la cour des grands pour prendre sa succession.
Dans ce contexte, il convient de se demander qui pourrait bien succéder à Mahmoud Abbas?
Il y a une seule et unique réponse: le prisonnier sécuritaire Marwan Barghouti, membre éminent du Comité central du Fatah, qui a été condamné il y a dix ans à une série de peines de réclusion à perpétuité en Israël et qui est très populaire. Jibril Rajoub, Salam Fayyad, et Yasser Abed Rabbo sont considérés comme étant ses partisans.
Il a la réputation de ne pas être mêlé aux affaires de corruption et les sondages d'opinion montrent qu'il a le soutien d'environ 80% des Palestiniens.
Il n’y a pratiquement aucun doute que si des élections se déroulaient pour la succession de Mahmoud Abbas, Marwan Barghouti en sortirait vainqueur et il serait même dans une certaine mesure accepté par le Hamas.
Ce scénario poserait alors un problème au gouvernement israélien. Dans cette hypothèse, une forte pression internationale pourrait s’exercer à l’encontre d’Israël en vue de sa libération; une sorte de rappel politique de ce qui se passa avec Nelson Mandela.
Source I24News