jeudi 11 juin 2015

Le palestinien opposé au boycott : " ils pensent que je suis un traitre "


Dans le monde on ne sait pas comment " digérer " Bassam Eid : un activiste palestinien pour les droits de l'homme qui dans les conférences internationales critique le boycott d'Israel. " Le boycott touche principalement les palestiniens, ceux qui perdent leur travail et leur salaire quand les usines israéliennes situées dans les territoires ferment leurs portes"...Interview...
 


Il y a trois mois Bassam Eid s'est rendu a plusieurs conferences en Afrique du sud. Bassam, palestinien de Jerusalem-est et activiste pour les droits de l'homme, a attaque le mouvement mondial pour le boycott d'Israel, BDS, justement la ou ce mouvement recoit le plus grand soutien de la part du public. "Les responsables du mouvement n'ont pas compris d'ou je leur tombait sur la tete, un palestinien qui dit qu'Israel ne pratique pas l'apartheid". 
Les propos exceptionnels de Bassam ont entraine une large interrogation de la part des medias locaux, et ceux-ci ont oblige la representation diplomatique palestinienne de Pretoria a publie un communique tres virulent selon lequel Bassam ne represente pas les palestiniens et que l'ambassadeur palestinien reconnait l'importance du mouvement de boycott. "C'est vrai que je suis un drole d'oiseau", sourit-il, "mais c'est la verite. Tous les mots que je prononce sont bases sur des faits". 
Bassam est ne en 1958 dans un quartier juif de Jerusalem. Quand il etait enfant sa famille est partie habiter dans le camp de refugies de Shu'afat, dans le nord de Jerusalem-est.
Il y a 15 ans il a quitte ce camp de refugies, qui est aussi un des endroits les plus durs et delaisses de la capitale, et il est parti habiter a Beit Hanina, consideree comme un quartier palestinien chic de Jerusalem-est. A la fin des annees 80 il a rejoint un groupe de personnes qui a fonde l'organisation "B'tselem" ou il a travaille pendant 7 ans. Apres cela il a demissionne et a cree une nouvelle organisation de defense des droits de l'homme appele "Le groupe palestinien pour le respect des droits de l'homme". 
Contrairement a "B'tselem" cette nouvelle organisation qu'il a cree ne se preoccupe que du non respect des droits de l'homme dont sont responsables l'Autorite Palestinienne en Judee-Samarie et le Hamas dans la bande de Gaza. "En Israel il y a beaucoup d'organisations qui defendent les droits de l'homme, et au sein de l'AP il n'y a jamais d'organisations qui critiquent les actions de non respect de ces droits". 
Le debut fut prometteur. L'organisation a recu le soutien financier des pays europeens, et a reussi a employe des enqueteurs en activite en Judee-Samarie et dans la bande de Gaza. De maniere naturelle ses activites ont irrite bien des groupes et des institutions de l'AP, qui ne l'ont pas recu avec satisfaction. 
Il y a 5 ans les choses ont commence a changer et le robinet financier a commence a se fermer. "Je suis persuade que c'est parce que ces dernieres annees les pays europeens ont commence a mettre tout sur le dos d'Israel et non pas sur l'AP. Ils voient en Israel le principal responsable de l'echec du processus de paix et ils veulent couvrir l'AP. Un des moyens pour cela est de cesser de soutenir les organisations qui critiquent l'AP", explique Bassam. 
La fin du financement europeen, qui etait l'oxygene necessaire a l'organisation de Bassam, l'a amene a fermer. Depuis Bassam tourne dans le monde, il donne des conferences et des interviews, il critique la gestion de l'AP, et dernierement il essaie d'expliquer au monde que les activites de BDS, et du boycott mondial contre Israel, ne font que faire reculer le reve d'un Etat palestinien. 
Ces deux dernieres semaines le sujet du boycott contre Israel fait la une des journaux, mais Bassam declare avoir ete le premier a identifier les dangers inherents a ce mouvement de boycott. "Depuis 2012 je previens que le mouvement de boycott va intensifier ses activites. Deja j'avais compris que les pays europeens seraient prets a soutenir toute activite qui serait en faveur du boycott et contre Israel, et que meme les americains iraient dans ce sens".
 
Il est plutot naturel qu'un palestinien soutienne ce genre de choses
"Je suis oppose au boycott, parce qu'au final il porte atteinte surtout aux palestiniens. Prends par exemple le cas de l'usine de Sodastream de Mishor Adoumim, qui transfere maintenant une partie des ses activites a Beer Sheva. J'ai rencontre des ouvriers palestiniens qui travaillaient dans cette usine et qui ont ete licencies a cause de ce transfert. Ils m'ont raconte que leur salaire etait alors en moyenne de 5000 shekels par mois, et qu'aujourd'hui on leur propose au sein de l'AP un salaire de seulement 1400 shekels. 
"Ces gens sont maintenant bourres de dettes parce qu'ils avaient fait des frais en partant du principe qu'il continueraient encore longtemps de travailler dans cette usine, mais la realite les a frappe en pleine figure, a cause des pressions exercees par le mouvement de boycott. Aujourd'hui ils errent entre les tribunaux et les saisies, et qui se preoccupe d'eux ? Tu penses que le mouvement de boycott s'interesse a eux ?". 
Le mouvement de boycott est surtout actif dans les pays occidentaux. Il y a deux mois a commence une campagne palestinienne qui agit sous sa responsabilite et qui a appele a boycotter les produits israeliens qui sont commercialises dans les territoires de l'AP. Cette campagne est dirigee par un responsable du Fatah, Mahmoud el-A'aloul, et il est soutenu par differents dirigeants palestiniens, dont Moustafa Barghouti. Cette campagne a ete accompagnee de representations mediatiques, y compris des controles surprises dans les magasins et les supermarches afin de verifier qu'ils 'aillent dans la ligne de la volonte du peuple'". 
Les proprietaires de magasins qui ont continue de vendre du lait Tnuva ou des jus de fruits Tapuzina ont recu des menaces tres claires, mais ce n'etait que pour faire voir. L'appel au boycott a recu un soutien populaire tres clair, mais quand tout cela a ete verifie pour de vrai, il s'est avere que le palestinien prefere acheter les produits israeliens auxquels il est habitue et qu'il aime. Le palestinien ne sait pas du tout ce qu'est BDS, cela ne l'interesse pas. Il y a un mois j'etais a Bir Zeit, a cote de Ramallah, et a l'entree d'un magasin il y avait un poster geant qui annoncait 'cet endroit ne contient pas de produits israeliens'". 
"Quand je suis entre dedans j'ai vu que dans le frigidaire il y avait des produits Strauss. Quand j'ai demande au proprietaire du magasin si une nouvelle societe palestinienne appelee Strauss avait ete cree il a commence a rire. Quand je lui ai demande pourquoi il avait mis ce poster a l'entree de son magasin il m'a repondu : 'nous les palestiniens nous aimons les posters, comme les israeliens'".
 
Les partisans du boycott sont convaincus que la pression economique sur Israel la forcera a decider qu'il est plus rentable de se separer des palestiniens avec un accord et de se retirer de Judee-Samarie.
"Je ne suis pas d'accord avec ca. Israel va bientot investir tous ses efforts contre le boycott et alors l'option de la negociation ne sera meme pas a l'ordre du jour. Les partisans du boycott, avec le soutien des pays eurpeens, ont ouvert un nouveau terrain de combat au lieu d'investir tous leurs efforts dans une chose bien plus importante, la negociation".
 
Mais il n'y a pas eu de negociation l'annee derniere.
"C'est vrai, mais l'ouverture d'un nouveau front ne fera qu'eloigner les negociations de deux ou trois ans. En fait ils pretendent qu'en Israel il y a un apartheid, et qu'en fait ce qui a reussi en Afrique du sud peut reussir aussi ici, mais Israel n'est pas un Etat d'apartheid".
De nombreuses personnes pensent que le mouvement de boycott est infecte par l'antisemitisme, et Bassam n'a aucun doute la-dessus. "Il y a de nombreux responsables qui sont montes sur le cheval BDS. Je me demande pourquoi ces memes personnes se taisent quand les palestiniens sont massacres dans le camp de refugies de Yarmouk, en Syrie. A cela je reponds 'no jews - no news', c'est-a-dire que si les juifs ne sont pas impliques alors il n'y a rien de nouveau. C'est aussi pour cela que ce qui me derange le plus c'est que parmi les responsables du mouvement de boycott il y a des juifs". 
Mais Bassam consacre beaucoup de temps a expliquer pourquoi lui, un palestinien, est contre le mouvement international de boycott, et il est persuade que ce mouvement n'a aucune capacite de generer un effet domino qui amenera une pression internationale contre Israel. "Je pense que la strategie israelienne d'aujourd'hui se sert plus d'un systeme d'alerte envers le monde, plutot que de se defendre, et en fait cela lui reussi". 
"Regardes combien d'excuses et de clarifications ont ete publies depuis que le PDG d'Orange, Stephan Richard, s'est prononce contre Israel. Il fait comprendre que le rapport de force entre BDS et Israel sont exactementcomme les rapports de force entre le Hamas et Israel. Le Hamas ne vaincra jamais Israel, dans aucune guerre, meme au BDS le public israelien donne trop de credit et de pouvoir que ce mouvement n'en a vraiment". 
Mais Bassam pretend qu'il n'y a pas d'invulnaribilite eternelle. "Le monde reste relativement silencieux sur les infractions qu'Israel fait en Judee-Samarie en tant qu'Etat democratique. Pour le gouvernement israelien c'est assez confortable, mais finalement la pression internationale fera son travail. Malgre tout je m'attends a ce que cette pression soit faite de decoupage et non de batons - que le monde expliquera a Israel ce qu'elle peut gagner avec la fin de l'occupation et qu'il ne boycottera pas Israel, ce qui ne ferait qu'eloigner le reve d'un Etat palestinien".
 
Alors qu'elle est la bonne solution selon toi ?
"Si les israeliens ne luttent pas eux-memes contre la colonisation, nous n'arriverons jamais a le faire. Au lieu d'entendre les appels au boycott j'aimerais voir un million de juifs se tenir face au bureaux du premier ministre a Jerusalem et exiger de lui de leur apporter une solution qui mettrait fin au conflit israelo-palestinien, mais je sais aussi que Netanyahu est un homme tetu et que cela ne sera pas simple".
 
Tu penses que la direction palestinienne voit en toi un traitre ?
"il se peut qu'ils pensent que je suis un traitre ou un collaborateur d'Israel, ou un agent de la CIA. Cela ne m'interesse pas. Je sais ce qui fait mal aux palestiniens les plus simples et ce qui les derange, et c'est leur securite economique et non pas le boycott. Les dirigeants palestiniens comme Jibril Rajoub essaient de se servir de l'arme du boycott afin d'assurer leur propre promotion sur l'echelon politique. Je me rends a Beit Lehem et a Ramallah et je sais que beaucoup de palestiniens sont d'accord avec moi".
 
Quel est ton message au mouvement de boycott en tant que palestinien ?
"Je veux leur dire que nous avons fait des guerres, et que tant que le peuple palestinien ne boycotte pas Israel, ils n'ont aucune raison de le faire pour nous".
 
Tu as une critique a faire a Israel ?
"Le public israelien est un peu trouble. Il ne comprend pas qui le dirige ni ou. Le probleme principal c'est l'occupation, et les israeliens ne l'ont pas encore compris - l'occupation a un prix tres eleve et ceux qui le paieront au final ce sont les israeliens eux-memes".
 
Par David Goldstein
Source Haabir-haisraeli.over-blog