jeudi 11 juin 2015

L’historien égyptien Majed Farag soutient la normalisation avec Israël : nous devons penser à nos intérêts


Dans une récente interview, l’historien Maged Farag a appellé à normaliser les relations avec Israël, déclarant que l’Egypte bénéficierait de l’échange culturel et économique, du tourisme, et de la technologie agricole et industrielle avancée d’Israël. « Depuis 70 ans, la cause palestinienne n’a rien apporté à l’Egypte et aux Égyptiens si ce n’est du tort, des dommages et des dépenses », déclare Farag. « Nous devrions réfléchir avec un esprit scientifique et ouvert, en gardant les yeux rivés vers le futur », estime l’historien, qui s’est rendu récemment en Israël pour assister à une conférence sur la communauté juive d’Egypte. Extraits de l’interview, diffusée sur la chaîne égyptienne Mehwar TV le 26 mai 2015...Interview...
 

Journaliste : Vous avez été cité déclarant que nous devrions laisser tomber la cause palestinienne, et nous concentrer sur la normalisation des relations avec Israël, pour ainsi devenir leurs amis et leurs potes. Êtes-vous sérieux ?!
Majed Farag : Ce que je dis, c’est que nous devrions prêter attention aux intérêts de notre pays. L’hostilité éternelle ou l’amour éternel n’existent pas. Il n’y a que des intérêts éternels. Nous devrions comprendre les intérêts de notre pays. Churchill a dit un jour qu’il était prêt à coopérer avec le Diable pour les intérêts de son pays. En tant qu’homme qui s’y connaît un peu en histoire et en relations internationales, je crois qu’il est dans notre intérêt d’entretenir des relations normales avec Israël. Evidemment, nous avons le droit d’être prudents dans ces relations…

Journaliste : Etes-vous en train de parler de la sécurité nationale ?
Majed Farag : Concernant la sécurité nationale, selon mes informations, il y a coopération, et il existe un dialogue aux niveaux politique, sécuritaire et militaire entre l’Egypte et Israël. L’Etat n’est pas le problème. Le problème vient des gens, qui vivent encore dans la vieille idéologie et l’héritage culturel qu’on leur a inculqué. Notre génération a été éduquée dans la haine et sur [l’idée que] ces gens sont des barbares…
 
Journaliste : Je ne les aime pas.Majed Farag : Vous avez le droit de ne pas les aimer.
 
Journaliste : Mais nous avons été forcés à les affronter.Majed Farag : Ecoutez, il y a une différence entre les aimer… Il n’y a pas d’amour ou de haine en politique et en relations internationales.

Journaliste : Je suis d’accord.
Majed Farag : Il y a seulement des intérêts. C’est dans notre intérêt de coopérer avec des gens de culture, de science, de réflexion et de technologie – toutes ces choses qui peuvent nous être bénéfiques.
En tant qu’Egyptien, je me soucie d’une chose, et d’une chose seulement : les intérêts de mon pays. Je me soucie de notre sécurité nationale. Depuis plus de 70 ans, la cause palestinienne n’a apporté que du tort, de la destruction et des dépenses à l’Egypte et aux Egyptiens. Nous nous sommes préoccupés toute notre vie de la cause palestinienne…

Journaliste : De la paix au Moyen-Orient…
Majed Farag : Non. La cause palestinienne est palestinienne. Le problème de l’Egypte a été résolu. La terre occupée a été libérée. C’est de l’histoire ancienne, en ce qui me concerne. Laissez-nous maintenant vivre et nous préoccuper des intérêts de mon pays. Suis-je censé m’enchaîner à la cause palestinienne ? Laissez les [Palestiniens] la résoudre. Je n’ai pas de problème avec cela. Nous avons essayé de les aider de nombreuses fois. Vous vous souvenez de l’histoire de la réunion la Maison Mena (en 1977), à laquelle ils ne se sont jamais présentés…
 
Journaliste : Sadate leur avait dit de venir signer avec lui…Majed Farag : Ils ne pensent pas que c’est dans leur intérêt. Ils ne veulent pas résoudre leur propre problème.
Je ne comprends toujours pas quel est le problème. J’ai rencontré beaucoup d’Egyptiens là-bas, et beaucoup d’Egyptiens sont allés en Israël. Je ne comprends pas pourquoi ma visite là-bas a rendu les gens aussi furieux.
 
Journaliste : Parce que vous êtes Majed Farag.Majed Farag : Ben voyons…

Journaliste : Parce que vous avez publié des photos et dit…
Majed Farag : Fallait-il que j’occulte ma visite en Israël, que j’utilise un passeport différent  ? Non. Vous savez que je n’ai pas peur. J’ai un principe : si vous avez peur, n’en parlez pas, et vice versa. Je suis convaincu que cela est bon pour mon pays. C’est dans l’intérêt de mon pays d’avoir de bonnes relations… Je n’ai pas dit des relations « amicales », car il ne s’agit pas ici d’amitié. Il s’agit d’intérêts. Je peux bénéficier de ce voisin de plusieurs façons. Vous préférez rester ennemis ? Très bien. Soyons ennemis. Mais jusqu’à quand ? Jusqu’à ce que la question palestinienne soit résolue ? Elle ne le sera pas, et vous le savez mieux que moi. La question palestinienne ne sera pas résolue car [les Palestiniens] ne le souhaitent pas. Je veux juste dire une dernière chose. Certaines personnes m’ont dit : « Comment pouvez-vous aller dans un pays occupant ? » Occupant ?! Est ce que vous doutez encore du fait qu’Israël est, et restera une réalité ? Nourrissez-vous encore le vieil espoir de les jeter à l’eau ? Est-ce rationnel ?!
Je suis sûr que vous avez entendu dire qu’il y a une enseigne à la Knesset qui indique « Du Nil à l’Euphrate. »
 
Journaliste : De l’Euphrate au Nil.Majed Farag : Non. « Du Nil à l’Euphrate. »
 
Journaliste : Ok, je pensais que c’était dans l’autre sens.Majed Farag : C’est faux. Il n’y a rien de tel.
 
Journaliste : Et ce n’est pas non plus dans les Protocoles ?Majed Farag : Quels Protocoles ?

Journaliste : Les Protocoles des Sages de Sion. Ce groupe ancien.
Majed Farag : Ecoutez Monsieur, tenons-nous en à la Knesset.

Journaliste : Y-a-t-il une enseigne qui dit : « Du Nil à l’Euphrate ? »
Majed Farag : Bien sûr que non.

Journaliste : En êtes-vous sûr ?
Majed Farag : Absolument. Nous savons tous que c’est faux, mais les gens continuent à prétendre le contraire pour alimenter les hostilités.
Nous avons [maintenu] de mauvaises relations avec ce voisin pendant 60-70 ans. Il est grand temps que ces relations s’améliorent. Nous devrions d’abord faire la paix avec nous-mêmes, et ensuite avec nos voisins. Nous devrions réfléchir avec un esprit scientifique et ouvert, les yeux rivés vers le futur. La France et l’Allemagne se sont battues pendant des centaines d’années.
 
Journaliste : Les gens pensent qu’elles ne se sont battus que pendant les deux guerres mondiales.Majed Farag : Bien sûr que non. Elles se sont battues pendant la Guerre de Cent Ans [sic] et peu importe… un million d’autres guerres. Elles ont passé des siècles à se battre. Aujourd’hui, la France et l’Allemagne sont devenues un pays. Elles ont non seulement fait la paix, mais elles se sont également unies.
Les nations migrent et occupent certaines régions, et elles y vivent et coexistent. Après avoir occupé une terre et s’y être installées un certain temps, elles deviennent, avec le temps, propriétaires de l’endroit, pour ainsi dire. Comment se fait-il que nous n’ayons pas protesté quand les tribus turkmènes ont occupé l’Empire Byzantin et fondé l’Empire Ottoman, qui est devenu la Turquie moderne ? Sont-ils réellement les propriétaires originaux de (cette) terre ? Non, ils ne le sont pas. Les Turcs ne sont pas les propriétaires originaux de cette terre. Ils sont venus du Turkmenistan. Pourquoi n’avons-nous pas protesté quand la Turquie a occupé Chypre ? Personne n’a émis le moindre mot de protestation. Pourquoi gardons-nous le silence face à l’occupation espagnole de certaines parties du Maroc ? Des villes du Maroc sont considérées comme faisant partie de l’Espagne, non comme des terres occupées. L’Angleterre a pris Gibraltar et le considère comme une partie de l’Angleterre. Il y a beaucoup d’exemples dans l’histoire, mais personne ne veut…
 
Journaliste : Mais aucun de ces exemples ne concerne notre région. Les [Palestiniens] sont juste à notre frontière.Majed Farag : Chypre aussi est à notre frontière.

Journaliste : Que signifie « avoir des relations normales » ?

Majed Farag : Des relations normales nécessitent, avant toute chose, un échange culturel. Je ne dois pas effrayer les autres. Tant que je crains les autres, rien de bon ne peut arriver. Nous ne devrions pas avoir peur [d’Israël]. Nous devrions y aller.
Tout d’abord il devrait y avoir un échange culturel. Il devrait y avoir un échange de touristes, et un échange économique. Il y a des compagnies israéliennes spécialisées dans la technique d’irrigation du goutte-à-goutte. Ils possèdent une technologie d’irrigation très avancée. Nous avons un problème de pénurie d’eau. Pourquoi ne pas profiter de leur technologie, de leur idées, et des résultats de leurs recherches ? Ils ont utilisé cette technologie pour cultiver le désert, alors pourquoi ne pouvons-nous pas l’utiliser ici ? Pourquoi ne pourrais-je pas bénéficier de quelqu’un qui a été mon ennemi ? Je ne vais pas le forcer à devenir mon ami. Je le veux comme partenaire au développement de l’agriculture et de l’industrie de l’Egypte.
Beaucoup d’Egyptiens font des affaires avec Israël, mais en cachette. Personne n’a le courage de l’admettre. Beaucoup de compagnies israéliennes ont des représentants en Egypte. J’ai rencontré de nombreux Egyptiens qui travaillent en Israël. Ils sont musulmans, et ils ont épousé des femmes juives. Ils vivent et travaillent là-bas, et ils ne rencontrent aucun problème. Quel est le problème ? Pourtant tout le monde a peur d’admettre cela. Ils pensent que c’est une sorte de crime. Ce n’est pas un crime. C’est tout à fait normal. C’est comme cela que ça doit être. C’est l’évolution naturelle des choses.

Journaliste : Que voulez-vous que nous enseignions dans les écoles égyptiennes à propos des guerres de 56, de 67 et de 73 ?

Majed Farag : Nous devrions enseigner qu’il y a eu des guerres en 48, en 56, en 67 et en 73, et que ces guerres ont pris fin, que nous avons signé des traités de paix et que nous devrions tourner nos regards vers l’avenir. C’est tout.
Israël existe, que ça nous plaise ou non, [Israël] continuera d’exister, que ça nous plaise ou non. Alors acceptons-le.

Source Memri