vendredi 12 juin 2015

Paracha Chelakh Lekha : La faute des explorateurs


Les explorateurs étant des hommes intègres, comme l’affirment nos Sages. Il faut donc comprendre ce qui les a poussé à diffamer la terre promise. Un ‘hassid de Gour se rendit chez l’Admor pour un problème personnel. Alors qu’il allait quitter le rabbi, ce dernier lui demanda des nouvelles d’un groupe de ‘hassidim qui habitaient dans son village. De retour chez lui, le ‘hassid raconta aux jeunes gens que le rabbi s’était intéressé à leur communauté, et qu’il avait même ajouté que cela faisait longtemps qu’il ne les avait pas vus...


Les avré’him furent étonnés, car ils s’étaient rendus à Gour lors des dernières fêtes. Ils décidèrent d’entreprendre à nouveau le long trajet. Lorsqu’ils furent introduits chez le rabbi, il les jaugea d’un regard sévère et leur dit : « La Torah relate que Calev ben Yéfouné se rendit à ‘Hévron pour prier sur les tombes des Patriarches.
Il est stupéfiant que les autres explorateurs n’aient pas agi de même. C’était en fait la première fois de leur vie qu’ils avaient l’occasion d’effectuer un tel pèlerinage. La Torah stipule qu’à l’aller, ils étaient des tsadikim. Pourquoi donc n’y sont-ils pas allés ? »
L’Admor se tut quelques instants et enchaîna sèchement : « Ils y étaient eux aussi, mais ils en sont repartis sans s’être imprégnés de la sainteté du lieu et cela s’appelle ‘ne pas y être’. Vous aussi, vous étiez là pour les fêtes, mais vous êtes repartis comme vous êtes venus, sans aucune amélioration. Vous n’étiez donc pas là et je ne vous ai pas vu depuis longtemps ! »

L’acteur par excellence

Rabbi Moché Alchekh pose lui aussi la même question, à savoir pourquoi les explorateurs ne se rendirent pas tous à ‘Hévron pour prier sur les tombes des patriarches. Le Alchekh Hakadoch nous offre une explication très originale. Calev était un descendant de la tribu de Yéhouda.
Or, ce dernier était un très bon acteur, puisque c’est lui qui présenta à son père la tunique de Yossef maculée de sang, en affichant avec brio sa profonde tristesse d’avoir perdu un frère. Lorsque Calev comprit que ses collègues allaient procéder à une mise en scène, il craignit de se faire entraîner par eux, sachant qu’il avait hérité de son aïeul ce don de pouvoir simuler une histoire de toutes pièces. Il se rendit alors à ‘Hévron pour implorer les patriarches de l’aider à surmonter cette épreuve.
Le regretté rav de Paris, rav Chemouel Yaacov Rubinstein zatsal, rapporte ce commentaire du Alchekh Hakadoch et lui ajoute une intéressante fioriture.
Hachem énonça le verdict des explorateurs pour avoir médit de la Terre Sainte : « Jamais ils ne verront ce pays que J’ai promis par serment à leurs aïeux; eux tous qui M’ont outragé, ils ne le verront point !

Pour Mon serviteur Calev, attendu qu’il a été animé d’un esprit différent et M’est resté pleinement fidèle, Je le ferai entrer dans le pays où il a pénétré, et sa postérité le possédera » (Bamidbar 14, 23-24).
Selon le sens littéral des mots, l’esprit différent attribué à Calev se distingue de celui qui animait ses collègues. Selon le rav Rubinstein, il s’agit de sa tendance à l’art du drame.

Autrement dit, D.ieu fit son éloge, car Calev, bien qu’animé d’un esprit de comédie qui le poussait à s’écarter de l’intégrité du témoignage, resta fidèle à la mission divine dont il avait été chargé.
Leurs péchés sont la Torah

De nombreux maîtres de la ‘Hassidout se penchèrent sur la faute des explorateurs. Ils refusèrent d’admettre qu’il s’agissait d’une chute. Selon eux, il s’agissait de ce qu’on appelle «avéra lichma», c’est-à-dire, un ‘dérapage contrôlé’ qui a un but positif.
Le peuple d’Israël allait rentrer en Canaan. Ils devraient alors se mettre au travail pour cultiver la terre et pourvoir à leur subsistance, alors que dans le désert, il ne leur manquait rien. La manne tombait tous les matins sur leur pas-de-porte et leurs habits étaient blanchis par la colonne de nuées. Ils étudiaient la Torah et se trouvaient en constance auprès de leur vénéré maître Moché Rabénou.

Ils savaient aussi que ce dernier ne pénétrerait pas avec eux en Israël. La seule chose qui leur restait à faire était d’enrayer l’entrée en Terre Promise, même au prix de leur vie.
Rabbi Yaacov Arié de Radzimin rencontra le ‘Hidouché Harim et ce dernier s’enquit de sa santé et lui demanda pourquoi était-il aussi pâle. Il répliqua que chaque année, lorsque l’on débutait le livre de Bamidbar, il se sentait mal en lisant la conduite du peuple juif à travers le désert, citant pour exemple l’aventure des explorateurs.
Le ‘Hidouché Harim lui dit : « J’aurais bien voulu accomplir les mitsvot avec la même ferveur et les mêmes bonnes intentions qui ont animé les explorateurs. Tu vois bien que leur faute s’est transformée en un chapitre de la Torah, alors que de nos bonnes actions, qui sait ce qu’il en adviendra… »

Une terre qui dévore les inactifs

Rabbi Its’hak de Vourka, lui aussi, estimait les explorateurs qui s’étaient dévoués pour que le règne de Moché continue pendant quarante années supplémentaires. Il commenta leurs paroles qu’ils proférèrent lorsqu’ils revinrent de leur voyage et affirmèrent : « Le pays que nous avons parcouru pour l’explorer est un pays qui dévorerait ses habitants » (Bamidbar 13, 32). Rachi ajoute : « Dévorerait ses habitants : Où que nous soyons passés, nous avons vu des funérailles. Le Saint béni soit-Il l’avait fait pour leur bien, afin que les habitants, absorbés par leur deuil, ne prêtent pas attention aux explorateurs (Sota 35a) ».
Rabbi Its’hak de Vourka souligne que ces habitants en question sont appelés «yochvéha», c’est-à-dire : ceux qui y sont assis. Les explorateurs n’ont pas menti, affirmait-il. La terre d’Israël est effectivement néfaste pour ceux qui sont passifs et qui n’y font rien de constructif…

Par le rav A.Fried
Source Chiourim