vendredi 28 août 2015

Abbas, un chef tragique qui montre ses muscles fatigués chez lui et à l'étranger

Le président palestinien Mahmoud Abbas préside une réunion du Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine à Ramallah le 22 août 2015 ( Majdi Mohammed (POOL/AFP) )


Tout d'un coup, l'Iran est un “voisin” et une “sœur” pour le président de l'Autorité palestinienne. On ne sait pas ce qui a pris à Abbas de profiter de la présence d’un groupe de journalistes polonais, qu’il a rencontré il y a deux jours à Ramallah, pour annoncer qu'il allait rendre visite à sa “sœur” à Téhéran "bientôt"...




Tout cela est assez étrange. Abbas n’a pas annoncé de date pour sa visite et il se trouve que Téhéran a été tout aussi surpris d'apprendre qu'il comptait venir. Jusqu'ici, ils ont ni confirmé ni démenti la visite.
Ce qui est certain c’est que dans la foulée des rapports faisant état d'un accord en cours de négociation entre Israël et le Hamas, Abbas a décidé de montrer ses muscles. Si le Hamas travaille avec l'Iran, alors lui aussi le fera. Si le Hamas reçoit de l'aide de l'Iran, Abbas en veut un peu lui aussi. Le Hamas est en conflit avec l'Arabie saoudite et l'Egypte, et Abbas le sera aussi s’il va vraiment à Téhéran, en particulier avec les Saoudiens.
Personne ne prend au sérieux sa démission. Ni en Israël, ni dans le monde arabe, ni à Washington et surtout pas à Ramallah. Il semble être plus intéressé à se montrer défiant, comme s’il voulait dire: “Retenez-moi, je suis prêt à briser les règles."
Hanan Ashrawi, l'une des neuf autres responsables palestiniens à avoir démissionné du Comité exécutif de l'OLP, a dit tout haut ce que tout le monde pensait: les institutions de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) ont besoin de sang neuf. Mais Abbas, ne l'oublions pas, restera le Raïs (expression arabe pour désigner “président”, ndlr). Il n'a aucune intention d’abandonner la présidence.
Même avant la mort d’Arafat, nous étions déjà habitués à lui, à ses humeurs extrêmes et ses décisions capricieuses. Un Israélien qui le rencontre en personne verra un gentil voisin âgé. Il n’a en aucune façon encouragé le terrorisme et il connait plutôt bien la société israélienne et ses dirigeants. Mais à son âge avancé, il en a assez d'être coincé au même endroit.
Même si le Premier ministre Benyamin Netanyahou l’appelle à revenir à la table de négociation, il ne s’attend pas à ce que cela débouche sur quoi que ce soit, et pense plutôt que cela nuirait à son image auprès de la rue palestinienne. Il soupçonne aussi qu'un accord se dessine à ses dépens derrière les portes closes. Plus personne ne parle de la réconciliation "historique" entre l'OLP et le Hamas.
Une chose est sûre: l'insistance de Khaled Mechaal à faire état de "progrès" dans les négociations avec Israël visait Abbas. Comme une gifle à celui qui est assis confortablement à Ramallah, et qui cherche un billet d'avion pour Téhéran.
Au milieu de tout ça, Abbas a également réussi à déclarer la guerre à Mohammed Dahlan, à mettre à la porte son Premier ministre Salam Fayyad et à renvoyer Yasser Abed Rabbo. S’il comptait vraiment démissionner ou s’il cherchait à organiser de nouvelles élections, il ne passerait pas tout ce temps à faire le ménage dans la maison.
Abbas a 80 ans, fume comme une cheminée, ne fait pas vraiment d'exercice et ne suit pas de régime alimentaire spécifique comme Shimon Peres. L’après-Abbas pourrait devenir une réalité à tout moment.
Je le vois comme une sorte de figure tragique qui reflète la tristesse et la frustration des Palestiniens. Il n'a pas le charisme d'Arafat et s’est fait volé un Prix Nobel de la paix en dépit de son importante implication dans les négociations secrètes qui ont conduit aux accords d'Oslo.
Son fidèle ami, Saëb Erekat, fait dorénavant partie son cercle politique rapproché, mais il continue en même temps de faire des calculs et de considérer ses plus proches confidents en noir et blanc, bon ou perfide, sans aucune nuance. Les jeunes politiciens ne peuvent même pas mettre un pied dans la porte.
Un Raïs dans le monde arabe, tout Raïs, ne se retire pas volontairement. Soit la nature suit son cours, soit les masses sortent dans la rue et se chargent de le mettre à la porte. Personne ne va manifester contre lui en Cisjordanie. Mais il est difficile d’envier Abbas.
S’il décide de renoncer et de se retirer, comme il a menacé de le faire, il devra faire face à une chasse aux sorcières, à laquelle il a jusqu’ici échappé en raison de sa fonction. Par conséquent, il reste en place.
Il sait que le conflit israélo-palestinien est insoluble: Jérusalem ne sera pas divisée et personne ne va se mettre d'accord sur les frontières. Et de toute manière, l'Iran et l’État islamique lui ont volé la vedette il y a déjà longtemps.


Source I24News