jeudi 3 septembre 2015

Business lucratif... « Cellule Wikipédia »... Réédition antisémite... Deux journalistes de StreetPress dévoilent « le système Soral »


Lui se définit comme « national-socialiste ». Alain Soral, passé un temps par le Front National, est devenu une figure importante de l’extrême droite sur Internet. Robin D’Angelo et Mathieu Molard, journalistes de StreetPress, sortent ce mercredi Le système Soral-Enquête sur un facho business (Calmann-Lévy). 20 Minutes décrypte le business et la stratégie de l’essayiste d’extrême droite avec l’un des auteurs...

Des millions de visiteurs

« En 2015, Egalité & Réconciliation [le site d’Alain Soral] frôle les 7 millions de visiteurs uniques chaque mois, quand l’UMP et le PS peinent à attirer plus de 200.000 utilisateurs chacun », écrivent les journalistes. L’équivalent du site d’informations Rue89. « Il ne faut pas surestimer l’impact de ces chiffres et distinguer les personnes qui vont simplement là pour lire des articles et celles qui adhèrent à ses propos », précise Robin D’Angelo.
Une fois par mois, l’homme revient sur l’actualité dans une vidéo de plus d’une heure.
La chaîne Dailymotion de l’association totalise 35,5 millions de vues. « Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, chacune des déclarations de Soral étant copiée et rediffusée sur des dizaines de comptes de fans. Au total, elles atteignent des centaines de millions de vues ».
Une entreprise rentable. « Depuis juillet 2014, Alain Soral fait payer deux euros par vidéo, ce qui lui permet de toucher entre 5.000 et 6.000 euros à chaque diffusion », ajoute le journaliste de StreetPress.

« Une cellule Wikipédia »

« Ce n’est pas du tout un parti traditionnel qui manifesterait dans la rue ou collerait des affiches. Son système va reposer sur le bruit et l’écho d’Internet. Pour cela, il n’a besoin que d’une poignée d’activiste », indique Robin D’Angelo. Un exemple : la « cellule Wikipédia ». « Ce sont 13 personnes qui sous une quarantaine de pseudos, modifient par petites touches certaines pages de l’encyclopédie et stimulent le débat sur des sujets politiques mais aussi d’autres qui peuvent paraître anodins comme la série Gossip Girls ou la bio de Jamel Debbouze », poursuit-il.

Un business fructueux

Alain Soral est aussi un businessman accompli : « Produits éco-responsables avec son épicerie en ligne Au Bon Sens, des vins de terroir avec le site Sanguisterrae et des stages d’autonomie en pleine nature avec Prenons le maquis. Sans oublier Kontre Kulture ». Cette maison d’édition spécialisée dans la littérature « dissidente » n’hésite pas à rééditer des auteurs tombés dans le domaine public.
« Toutes ces marques sont les vitrines d’une société prospère, la SARL Culture pour Tous, créée au printemps 2011. […] En 2012, elle déclarait un chiffre d’affaires de 640.400 euros », écrivent les auteurs.
Alain Soral toucherait également des dividendes sur les profits de sa société (24.000 euros en 2012), un salaire et des droits d’auteur. « L’aboutissement de son système est de capitaliser sur ce qu’il nomme la dissidence. Ce qui est intéressant, ce n’est pas qu’il se remplisse les poches, mais de voir qu’en trouvant cette niche, la nébuleuse peut s’autoalimenter », ajoute Robin D’Angelo.

Kontre Kulture : réédition de littérature antisémite

Dans le catalogue de sa maison d’édition, « les juifs sont évidemment étudiés sous toutes les coutures : 21 ouvrages, pas moins, leur sont consacrés. Quelques classiques de la littérature antisémite sont réédités comme La France juive, d’Edouard Drumont ou Les Juifs, rois de l’époque. Histoire de la féodalité financière, d’Alphonse Toussenel. Bien qu’il se revendique judéophobe, Alain Soral ne veut pas apparaître comme antisémite par peur d’être dissous ». Comme précise une note d’un de ses fidèles : « La critique d’une religion n’est pas illégale. Donc on devrait utiliser judéophobe ou, pour adoucir, judéocritique ».

Source 20 Minutes