jeudi 3 septembre 2015

Interview de Zeev Dahan du Club Med Israël...


IsraelValley est allé à la rencontre de Zeev Dahan, directeur général du Club Med en Israël. Dans son bureau, moderne et immaculé, se dressent face à face deux photos de paysages de rêve. Nous voici tout comme arrivés dans l’un des villages du Club. Idéalement situés sur la promenade Herbert Samuel à Tel Aviv – dont la vue sur mer était à couper le souffle – les locaux de la branche israélienne du groupe ont migré il y a quelques années vers Ramat HaHayal, un quartier d’entreprises et d’industries dans le nord-est de la ville...


Aujourd’hui, il n’existe plus de villages implantés en Israël. Le dernier a été fermé à Eilat en 2011.
Zeev Dahan et le Club Med : une histoire de double culture ?
Français de naissance, il se revendique plutôt de culture israélienne, notamment dans le monde du travail.


«  Ma double culture est une vraie richesse »

IsraelValley : Quel a été votre rôle au tout début de votre carrière au Club Med ?
Zeev Dahan : « Avocat israélien, j’ai intégré le groupe Club Méditerranée en 2002 à la tête de la filière israélienne en tant que juriste. On m’a engagé comme asset management afin d’accompagner la montée en gamme des villages, mais également pour travailler sur le refinancement des contrats, la revente de certains villages pour retrouver des fonds et rénover des villages avec un gros potentiel de succès. La marque souhaitait réduire le nombre de villages de 135 à 70 pour qu’ils soient tous, sans exception, de très bonne qualité.
« Le but était : Cap sur l’incomparable. Cela signifie : remonter le niveau de gamme vers le 4/5 tridents. On a par exemple rouvert Eilat en 2004, qui fut une très belle réussite financière mais un échec par rapport à la clientèle israélienne.
La grande différence entre le Club Med et les hôtels all inclusive réside dans le climat de convivialité que nous savons créer. Ça passe par l’idée que le client ne doit plus avoir de soucis, ne doit plus se poser de questions du type « comme je vais faire pour… ?», et qu’il doit pouvoir se déconnecter, rencontrer des gens, faire ce qu’il veut pour réussir ses vacances. En plus le client du Club Med connaît déjà la valeur marchande de son séjour ; il a dépensé telle somme en avance pour tel package et il n’aura plus besoin de dépenser quoi que ce soit. A l’inverse, dans un hôtel classique, on est toujours amené à rajouter au moins 40%, voire plus.

« La clientèle internationale est blasée du luxe pour le luxe »

Aujourd’hui, la clientèle internationale est blasée du luxe pour le luxe. Pendant longtemps, depuis les années 1970, les hôtels étaient plus beaux que la maison. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Aussi, pour réussir à épater quelqu’un, il faut vraiment mettre le paquet. Les Israéliens disent souvent que le plus important dans un hôtel c’est la chambre. Nous avons donc mis en place un questionnaire de qualité, afin d’avoir un retour de la perception des clients. Ce n’est pas toujours le plus beau village qui a la meilleure note : la convivialité, la synergie entre les clients et la synergie entre les clients et l’équipe sont les critères les plus recherché…même si, évidemment, profiter d’une belle chambre contribue à des vacances agréables. »
Israel Valley : Quels sont les enjeux liés à la clientèle israélienne ?
En quoi la clientèle israélienne est-elle différente de la clientèle française ? Je pense notamment au principe de networking (snowbiz) que vous avez mis en place : comment cela fonctionne-t-il ? Ce concept est-il transposable en France?
Zeev Dahan : « La clientèle israélienne est une clientèle de hutte, de case et une clientèle de village bas de gamme. Nous avons une stratégie claire : dans cinq ans, les deux-tiers de nos villages seront 4/5 tridents. Il s’agit d’un objectif qui est continu jusqu’à aujourd’hui.
 Aujourd’hui, nous bénéficiions d’une certaine stabilité . On vend des villas avec majordome aux Maldives, à l’Île Maurice.

La deuxième priorité est de déterminer où j’envoie la clientèle. Les israéliens suivent les tendances. Mais il y a aussi ce que nous créons, avec un focus sur les destinations où souhaite amener les vacanciers.
Le plus gros c’est la neige, qui représente plus de 40% du marché (60% marché français du ski). Le Club Med est le leader incontesté et incontestable de la neige : sur le concept de la montagne, le Club Med ne peut pas être atteint ni dépassé. En effet, nous disposons d’un portfolio de villages très riche : attentes, concepts différents…nous répondons à tous types de besoins, de souhaits, avec une logistique huilée depuis 50 ans.
La neige constitue un voyage compliqué pour les Israéliens : le vol jusqu’à Genève, puis au minimum 4 heures de transferts en bus, il faut également s’inscrire aux cours de ski, il faut gére les enfants…Bref, pour une famille ne pas partir avec le Club Med revient à gâcher de l’argent et ne pas profiter des vacances.
En outre, aujourd’hui avec le low cost et si on s’y prend tôt le voyage peut être abordable.
 Pour le client israélien, nous avons adapté l’offre. Nous affrétons des avions depuis Israël, nous recrutons des GO israéliens, les équipes sur placent qui accueillent les vacanciers israéliens sont également israéliens : finies les complications et énervements pour cause de barrière de la langue, de cultures opposées et d’incompréhensions totales. Nous avons même mis en place le ski en hébreu.

On essaie de mettre les mêmes populations ensemble : même langue, rencontres amicales via les enfants, via des affinités notamment sportives (la voile par exemple).
Le point le plus important du concept du Club est cette sécurité pour arriver dans un endroit où les gens vont nous ressembler et on voit très vite la sérénité qui va se créer.
Je crois au long terme. Vendre pour vendre, ça marche, mais ne permet pas de créer une fidélisation. Or la fidélisation est la clé de la réussite à long terme. Ça rejoint la raison pour laquelle on a fait fermer Eilat (qui pourtant était l’hôtel de plus rentable de la ville). Le problème est que la stratégie commerciale du groupe Fattal – à savoir, vendre le plus de chambres – était antinomique avec leur stratégie de montée en gamme. En effet, si on n’arrive pas à vendre à la bonne population on a raté le coup. Ce village allait détruire notre concept et l’ambiance qu’on veut créer et qu’on veut offrir à notre clientèle. A Eilat, la population vient pour des hôtels all inclusive. Or, on se devait d’avoir une vitrine en Israël car la clientèle israélienne a compris que c’est pas ça notre produit, qu’on leur propose autre chose à l’étranger.
Depuis un an et demi, on travaille très activement pour revenir en Israël et présenter quelque-chose de notre gamme, du vrai Club Med.
Mais il faut avouer que c’est très difficile d’ouvrir un établissement de vacances ici car il on est confronté à une ambivalence entre la volonté de faire croître le tourisme en Israël et celle d’ouvrir la concurrence avec une baisse de prix. Mais pour l’instant concrètement très peu de choses sont faites et intrinsèquement tout est fait à l’inverse, pour bloquer le développement et c’est également très compliqué administrativement parlant. »
Aujourd’hui, le Club Med appartient aux Chinois : Fosun, le premier groupe chinois en Israël.
 Pour les chinois le juif leur ressemble et est un excellent homme d’affaires : choses ancrées dans le caractère presque, petite Chine. Ils sont intéressés par le développement de ce pays et ont beaucoup d’estime pour le businessman israélien. Pour eux Israël est « la petite Chine », alors que le pays n’est même pas aussi grand qu’une petite ville chinoise !

On a déjà trois villages en Chine. On en ouvre un dans 2 mois, l’équivalent du Saint-Tropez de la Chine, à la frontière vietnamienne. »
Pour le client israélien, nous avons adapté l’offre. Nous affrétons des avions depuis Israël, nous recrutons des GO israéliens, les équipes sur placent qui accueillent les vacanciers israéliens sont également israéliens : finies les complications et énervements pour cause de barrière de la langue, de cultures opposées et d’incompréhensions totales. Nous avons même mis en place le ski en hébreu. »
Israel Valley : Qu’est-ce que le luxe pour vous ?
Zeev Dahan : « Le luxe c’est la possibilité de se déconnecter du quotidien. Je peine constamment à rechercher cette déconnexion. Je pense que les vacances ne servent pas à grand chose si on n’a pas de soupape de déconnexion. Cela demande au corps et à l’esprit un certain temps. Par exemple pour passer une bonne semaine au ski il faut aller marcher régulièrement 3 mois avant.
 

Le luxe c’est également le confort adapté au goût du jour.

Le Club Med est un concept juif – intemporel – ce qui était vrai lors de sa création il y a 50 ans, l’est toujours. A l’époque, les fondateurs ont voulu redonner une condition humaine au gens pour se reconnecter avec eux-mêmes et avec leurs proches. Avant les vacanciers dormaient dans des tentes, maintenant ils dorment dans des villas. »
Israel Valley : Et après… ?
Zeev Dahan : « Tant que le Club Med gardera son ADN, à savoir sa capacité à offrir le sourire, le rire, le plaisir…il aura de l’avenir. L’eau a un effet positif très particulier sur tout être humain. On peut faire le parallèle avec le mikvé. Je suis profondément convaincu que le Club Med répond à un vrai besoin vital : de nos jours les gens sont en détresse face au quotidien. C’est très difficile de se déconnecter tout seul si on n’a pas l’habitude de le faire au quotidien. Dans nos villages, on voit les visages changer au bout de 2 jours.
On travaille sur le flux de le village : des spécialistes qui organisent la circulation des vacanciers à l’intérieur du village.
C’est extraordinaire de réussir encore aujourd’hui à être les pionniers sur des activités relaxantes. »

Source Israel Valley