vendredi 5 février 2016

Haftara Michpatim : Libérer les esclaves


Le prophète Jérémie vient rappeler le devoir de libérer les esclaves énoncé dans la parasha. La non protection de pauvre provoque la chute de l’Etat. Voici le texte traduit en francais suivi d'une analyse faite par le rav Jean Schwarz puis une seconde faite par le rav Kohn....




Haftara traduite :


La parole fut adressée à Jérémie de la part de l’Éternel, après que le roi Sédécias eut fait un pacte avec tout le peuple de Jérusalem, pour publier la liberté,
afin que chacun renvoyât libres son esclave et sa servante, l’Hébreu et la femme de l’Hébreu, et que personne ne tînt plus dans la servitude le Juif, son frère.

Tous les chefs et tout le peuple, qui étaient entrés dans le pacte, s’engagèrent à renvoyer libres chacun son esclave et sa servante, afin de ne plus les tenir dans la servitude ; ils obéirent, et les renvoyèrent.
Mais ensuite ils changèrent d’avis ; ils reprirent les esclaves et les servantes qu’ils avaient affranchis, et les forcèrent à redevenir esclaves et servantes.
Alors la parole de l’Éternel fut adressée à Jérémie de la part de l’Éternel, en ces mots :
Ainsi parle l’Éternel, le Dieu d’Israël : J’ai fait une alliance avec vos pères, le jour où je les ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude ; et je leur ai dit :

Au bout de sept ans, chacun de vous renverra libre son frère hébreu qui se vend à lui ; il te servira six années, puis tu le renverras libre de chez toi. Mais vos pères ne m’ont point écouté, ils n’ont point prêté l’oreille.
Vous, vous aviez fait aujourd’hui un retour sur vous-mêmes, vous aviez fait ce qui est droit à mes yeux, en publiant la liberté chacun pour son prochain, vous aviez fait un pacte devant moi, dans la maison sur laquelle mon nom est invoqué.
Mais vous êtes revenus en arrière, et vous avez profané mon nom ; vous avez repris chacun les esclaves et les servantes que vous aviez affranchis, rendus à eux-mêmes, et vous les avez forcés à redevenir vos esclaves et vos servantes.
C’est pourquoi ainsi parle l’Éternel : Vous ne m’avez point obéi, en publiant la liberté chacun pour son frère, chacun pour son prochain. Voici, je publie contre vous, dit l’Éternel, la liberté de l’épée, de la peste et de la famine, et je vous rendrai un objet d’effroi pour tous les royaumes de la terre.
Je livrerai les hommes qui ont violé mon alliance, qui n’ont pas observé les conditions du pacte qu’ils avaient fait devant moi, en coupant un veau en deux et en passant entre ses morceaux ;
je livrerai les chefs de Juda et les chefs de Jérusalem, les eunuques, les sacrificateurs, et tout le peuple du pays, qui ont passé entre les morceaux du veau ;
je les livrerai entre les mains de leurs ennemis, entre les mains de ceux qui en veulent à leur vie, et leurs cadavres serviront de pâture aux oiseaux du ciel et aux bêtes de la terre.

Je livrerai Sédécias, roi de Juda, et ses chefs, entre les mains de leurs ennemis, entre les mains de ceux qui en veulent à leur vie, entre les mains de l’armée du roi de Babylone, qui s’est éloigné de vous.
Voici, je donnerai mes ordres, dit l’Éternel, et je les ramènerai contre cette ville ; ils l’attaqueront, ils la prendront, et la brûleront par le feu. Et je ferai des villes de Juda un désert sans habitants.
On ajoute
Ainsi parle l’Éternel : Si je n’ai pas fait mon alliance avec le jour et avec la nuit, Si je n’ai pas établi les lois des cieux et de la terre,
Alors aussi je rejetterai la postérité de Jacob et de David, mon serviteur, Et je ne prendrai plus dans sa postérité ceux qui domineront Sur les descendants d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Car je ramènerai leurs captifs, et j’aurai pitié d’eux.



Analyse 1 :


Toute la sidra, comme son nom l'indique, est consacrée cette semaine aux lois constituant le droit civil. En exergue, la Torah, commence par nous livrer une règle régissant les rapports entre les maitres et les serviteurs, pour nous enseigner d'emblée, à titre de préalable, que la liberté de tout individu doit être pour nous chose sacrée.
 Il était normal, de ce fait, que la haftara, de son côté, fût choisie de façon à insister sur ce même point capital. Elle cite d'ailleurs, résumée en un seul verset, le contenu de cette première loi de notre sidra (34, 14).
 En vérité, l'épisode rapporté par le prophète Jérémie est une illustration de l'application d'abord, puis de la transgression, de la règle signalée dans la sidra. Certes il y a, dans notre texte, une variante.

S'agissant ici d'un geste collectif, il est normal qu'une même date soit déterminée pour l'affranchissement de tous les individus, quel que soit le moment réel de leur asservissement.
Mais, ceci étant, l'esprit de la loi demeure identique: aucun homme ne doit être dominé par son prochain; or une longue domesticité mène obligatoirement à un tel assujettissement.
 Mais il y a plus qu'une illustration de la loi dans les faits rapportés par Jérémie. Celui-ci nous montre que personne ne peut être libre s'il ne sait lui-même accorder la liberté à autrui. Lorsque les Judéens acceptèrent d'affranchir leurs frères, les Babyloniens, venus les assiéger et les asservir, ont été empêchés par l'Eternel d'exécuter leur dessein.

Mais puisque les enfants d'Israël sont revenus mainte¬nant à leurs errements, renient leur propre pacte et asservissent de nouveau les leurs, ils ne sont pas dignes d'être libres eux-mêmes et seront aliénés par l'Eternel aux Babyloniens. Selon un grand principe de nos Sages, Dieu punit "mesure pour mesure", donnant, donnant.
 Pour ne pas terminer sur une idée triste, deux versets ont été ajoutés à la fin de la haftara: Aussi vrai que l'Eternel a fixé d'une manière immuable les lois de la nature, il conserve pour toujours sa fidélité envers Israël et, le jour venu, saura le prendre en pitié.



Par Jean Schwarz


Analyse 2 :


La paracha Michpatim traite en premier lieu de l'institution de « l'esclavage » tel que la conçoit la Tora , c'est-à-dire un système qui s'apparente plus à un contrat de travail à durée déterminé et comportant des obligations strictement définies qu'à une véritable servitude.
Lahaftara qui est associée à cette paracha (Jérémie 34, 8 à 22) porte également sur « l'esclavage », mais elle relate un événement dramatique qui a eu lieu pendant l'une des trêves où le siège de Jérusalem a été momentanément levé par les Babyloniens.
Pour tenter d'écarter la menace que l'ennemi avait fait peser sur les Juifs, ceux-ci avaient affranchi « chacun son serviteur, et chacun sa servante, hébreu ou hébreue, pour que personne ne réduisît plus en esclavage son frère, un Juif » (Jérémie 34, 9). Mais une fois le danger passé, ils firent machine arrière, et assujettirent à nouveau les hommes et les femmes qu'ils avaient libérés, et ils les rétablirent dans leur précédent état de serfs.
C'est alors que Hachem s'adressa au prophète : Puisque les Judéens ont ainsi désobéi à la Tora , ils seront abandonnés aux mains de leurs ennemis, et Jérusalem sera livrée aux flammes, tandis que le pays sera dépeuplé de ses habitants.
La haftara va cependant s'achever sur une note plus rassurante. Remontant du chapitre 34 au chapitre 33, ce qui est exceptionnel, elle nous réconforte par ses deux derniers versets : «  Ainsi a parlé Hachem  : Si Mon alliance avec le jour et la nuit ne subsistait pas, si Je cessais de fixer les lois des cieux et de la terre, alors aussi Je rejetterais la descendance de Jacob et de David, Mon serviteur ».


Par Jacques Kohn


Source Massorti et Netiv David et Chiourim