vendredi 1 avril 2016

Haftara Chemini : Du magique au symbolique





La Parasha parle de l’inauguration du Mishkan et de la mort des fils d’Aaron, la Haftara parle du projet de Temple à Jérusalem et de la mort d’Ouza pour avoir touché l’Arche. La sainteté peut tuer. Voici le texte traduit de la Haftara suivi d'une analyse du Rav Kohn....





Texte de la Haftara :


Retour de l’Arche vers Jérusalem


David rassembla encore toute l’élite d’Israël, au nombre de trente mille hommes.
Et David, avec tout le peuple qui était auprès de lui, se mit en marche depuis Baalé Juda, pour faire monter de là l’arche de Dieu, devant laquelle est invoqué le nom de l’Éternel des armées qui réside entre les chérubins au-dessus de l’arche.
Ils mirent sur un char neuf l’arche de Dieu, et l’emportèrent de la maison d’Abinadab sur la colline ; Uzza et Achjo, fils d’Abinadab, conduisaient le char neuf.
Ils l’emportèrent donc de la maison d’Abinadab sur la colline ; Uzza marchait à côté de l’arche de Dieu, et Achjo allait devant l’arche.
David et toute la maison d’Israël jouaient devant l’Éternel de toutes sortes d’instruments de bois de cyprès, des harpes, des luths, des tambourins, des sistres et des cymbales.


Ouza meurt d’avoir touché l’Arche


Lorsqu’ils furent arrivés à l’aire de Nacon, Uzza étendit la main vers l’arche de Dieu et la saisit, parce que les boeufs la faisaient pencher.
La colère de l’Éternel s’enflamma contre Uzza, et Dieu le frappa sur place à cause de sa faute. Uzza mourut là, près de l’arche de Dieu.
David fut irrité de ce que l’Éternel avait frappé Uzza d’un tel châtiment. Et ce lieu a été appelé jusqu’à ce jour Pérets Uzza.
David eut peur de l’Éternel en ce jour-là, et il dit : Comment l’arche de l’Éternel entrerait-elle chez moi ?
Il ne voulut pas retirer l’arche de l’Éternel chez lui dans la cité de David, et il la fit conduire dans la maison d’Obed Édom de Gath.
L’arche de l’Éternel resta trois mois dans la maison d’Obed Édom de Gath, et l’Éternel bénit Obed Édom et toute sa maison.


David veut l’Arche à Jérusalem


On vint dire au roi David : L’Éternel a béni la maison d’Obed Édom et tout ce qui est à lui, à cause de l’arche de Dieu. Et David se mit en route, et il fit monter l’arche de Dieu depuis la maison d’Obed Édom jusqu’à la cité de David, au milieu des réjouissances.
Quand ceux qui portaient l’arche de l’Éternel eurent fait six pas, on sacrifia un boeuf et un veau gras.
David dansait de toute sa force devant l’Éternel, et il était ceint d’un éphod de lin.
David et toute la maison d’Israël firent monter l’arche de l’Éternel avec des cris de joie et au son des trompettes.


David ridicule aux yeux de sa femme


Comme l’arche de l’Éternel entrait dans la cité de David, Mical, fille de Saül, regardait par la fenêtre, et, voyant le roi David sauter et danser devant l’Éternel, elle le méprisa dans son cœur.
Après qu’on eut amené l’arche de l’Éternel, on la mit à sa place au milieu de la tente que David avait dressée pour elle ; et David offrit devant l’Éternel des holocaustes et des sacrifices d’actions de grâces.
Quand David eut achevé d’offrir les holocaustes et les sacrifices d’actions de grâces, il bénit le peuple au nom de l’Éternel des armées.
Puis il distribua à tout le peuple, à toute la multitude d’Israël, hommes et femmes, à chacun un pain, une portion de viande et un gâteau de raisins. Et tout le peuple s’en alla, chacun dans sa maison.
(Les sefaradim s’arrêtent ici)
David s’en retourna pour bénir sa maison, et Mical, fille de Saül, sortit à sa rencontre. Elle dit : Quel honneur aujourd’hui pour le roi d’Israël de s’être découvert aux yeux des servantes de ses serviteurs, comme se découvrirait un homme de rien !
David répondit à Mical : C’est devant l’Éternel, qui m’a choisi de préférence à ton père et à toute sa maison pour m’établir chef sur le peuple de l’Éternel, sur Israël, c’est devant l’Éternel que j’ai dansé.
Je veux paraître encore plus vil que cela, et m’abaisser à mes propres yeux ; néanmoins je serai en honneur auprès des servantes dont tu parles.
Or Mical, fille de Saül, n’eut point d’enfants jusqu’au jour de sa mort.


David veut construire un Temple


Lorsque le roi habita dans sa maison, et que l’Éternel lui eut donné du repos, après l’avoir délivré de tous les ennemis qui l’entouraient,
il dit à Nathan le prophète : Vois donc ! j’habite dans une maison de cèdre, et l’arche de Dieu habite au milieu d’une tente.
Nathan répondit au roi : Va, fais tout ce que tu as dans le coeur, car l’Éternel est avec toi.


Alliance de Dieu avec la Maison de David


La nuit suivante, la parole de l’Éternel fut adressée à Nathan :
Va dire à mon serviteur David : Ainsi parle l’Éternel : Est-ce toi qui me bâtirais une maison pour que j’en fasse ma demeure ?
Mais je n’ai point habité dans une maison depuis le jour où j’ai fait monter les enfants d’Israël hors d’Égypte jusqu’à ce jour ; j’ai voyagé sous une tente et dans un tabernacle.
Partout où j’ai marché avec tous les enfants d’Israël, ai-je dit un mot à quelqu’une des tribus d’Israël à qui j’avais ordonné de paître mon peuple d’Israël, ai-je dit : Pourquoi ne me bâtissez-vous pas une maison de cèdre ?
Maintenant tu diras à mon serviteur David : Ainsi parle l’Éternel des armées : Je t’ai pris au pâturage, derrière les brebis, pour que tu fusses chef sur mon peuple, sur Israël ; j’ai été avec toi partout où tu as marché, j’ai exterminé tous tes ennemis devant toi, et j’ai rendu ton nom grand comme le nom des grands qui sont sur la terre ; j’ai donné une demeure à mon peuple, à Israël, et je l’ai planté pour qu’il y soit fixé et ne soit plus agité, pour que les méchants ne l’oppriment plus comme auparavant et comme à l’époque où j’avais établi des juges sur mon peuple d’Israël. Je t’ai accordé du repos en te délivrant de tous tes ennemis. Et l’Éternel t’annonce qu’il te créera une maison.
Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j’élèverai ta postérité après toi, celui qui sera sorti de tes entrailles, et j’affermirai son règne.
Ce sera lui qui bâtira une maison à mon nom, et j’affermirai pour toujours le trône de son royaume.
Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils. S’il fait le mal, je le châtierai avec la verge des hommes et avec les coups des enfants des hommes ; mais ma grâce ne se retirera point de lui, comme je l’ai retirée de Saül, que j’ai rejeté devant toi.
Ta maison et ton règne seront pour toujours assurés, ton trône sera pour toujours affermi.
Nathan rapporta à David toutes ces paroles et toute cette vision.


Analyse :


Le mépris de Mikhal envers David


Lorsque David, après les péripéties qu’a connues le Tabernacle, ramena celui-ci à Jérusalem, il « dansa de toutes ses forces devant Hachem » (II Samuel 6, 14), ce qui lui a valu d’être traité de haut par sa femme Mikhal, un tel comportement paraissant à celle-ci indigne de son rang (Radaq).
Cette attitude de Mikhal valut à celle-ci de « n’avoir pas d’enfant jusqu’au jour de sa mort » (verset 23).
Il y a une part de tragique dans le destin qu’a connu Mikhal. Fille de Saül, elle a aimé David, et si elle en est devenue l’épouse, c’est parce que son père a vu dans leur mariage un moyen de se débarrasser de celui-ci (« Saül dit : Je la lui donnerai, et elle lui sera en piège, et la main des Philistins sera sur lui » [I Samuel 18, 20]). Plus tard, elle l’a sauvé des desseins meurtriers de Saül en favorisant sa fuite (I Samuel 19, 11), pour être finalement donnée par son père à un autre homme (I Samuel 25, 44).
Cette existence, ainsi marquée par des événements aussi contrastés et par un destin aussi profondément morcelé, a inspiré les poètes.


Nous citerons ici Rachel Bluwstein Sela (1890-1931), dite « Rachel la poétesse », qui lui consacra les vers suivants :


מִיכַל, אָחות רְחוקָה ! לא נִתַּק חוּט הַדּורות,
לא שָׁלְטוּ בְּכַרְמֵךְ הַנּוּגֶה חֲרֻלֵי הַזְּמָן.
עַל כְּתנֶת מִשְׁיֵךְ לא דָהוּ פַּסֵּי אַרְגָּמָן
 וְצִלְצוּל אֶצְעָדות זְהָבֵךְ עוד הָאזֶן תִּקְלט.
לא אַחַת רְאִיתִיךְ נִצֶּבֶת לְיַד הָאֶשְׁנָב,
בְּעֵינֵךְ הַיָּפָה מְהוּלִים גַּאֲוָה וָרךְ;
מִיכַל, אָחות רְחוקָה, אֲנִי עֲצוּבָה כָּמוךְ,
כָּמוךְ נְדוּנתִי לָבוּז לַאֲשֶׁר אהַב.


Mikhal, ma sœur lointaine, le fil des générations n’a pas été rompu,
Elles n'ont pas prévalu, les atteintes du temps, dans ton triste vignoble.
Les pliures pourpres de ton vêtement de soie n'ont pas disparu.
Et j'entends encore dans mon oreille tinter ton bracelet d’or,
Souvent je t’ai vue te tenant près de la lucarne,
Dans tes beaux yeux se mêlaient fierté et tendresse.
Mikhal, ma sœur lointaine, comme toi je suis triste.
Comme toi condamnée à mépriser celui que j’aime.


Jacques Kohn


Source Massorti et Chiourim