mardi 3 mai 2016

« C’est à Sarcelles qu’il est le plus facile de vivre son judaïsme en France »






Alors que le préfet du Val-d’Oise a annoncé une hausse des agressions racistes et antisémites en 2015 (lire ci-contre), nous avons rencontré le rabbin de Sarcelles, Laurent Berros. Et ce, alors que Pessah, la Pâque juive, s’achevait ce samedi 30 avril....







Comment se passe Pessah ?


Pendant huit jours, on célèbre la fuite de l’Egypte. C’est une fête où l’on a l’obligation de transmettre notre histoire. Celle-ci est racontée de génération en génération depuis Moïse. C’est aussi une fête de la solidarité. Par tradition, la porte reste ouverte.


Dans ce contexte, avoir sa porte ouverte, n’est-ce pas risqué ?

Il y a des pratiques qui sont de plus en plus compliquées à observer. La porte est laissée ouverte seulement pendant la récitation de la prière de Hagada (NDLR : prière dite pendant Pessah). De manière générale, le port de la kippa et vivre son judaïsme au quotidien sont de moins en moins évidents.

C’est difficile aussi à Sarcelles ?

Nous sommes une grosse communauté : il y a 30 000 juifs dans le Val-d’Oise et 15 000 à Sarcelles. On ne peut pas se plaindre. C’est la ville où il est le plus facile de vivre son judaïsme en France. Il y a des agressions, mais qui ne sont pas forcément toutes antisémites […]. Mais quand une jeune fille se fait tabasser par des agresseurs qui veulent sont portable et que ceux-ci continuent à la frapper alors qu’elle est à terre, je me demande pourquoi cette violence disproportionnée alors qu’ils ont eu ce qu’ils voulaient. On pensait l’amitié entre les différentes composantes de la ville invicible. Mais après le traumatisme du 20 juillet 2014 et cette volonté de détruire la synagogue (NDLR : une manifestation propalestinienne interdite a viré à l’émeute), on devient craintif et vigilant.



N’êtes-vous pas victimes de clichés, avant tout ?


Je note que pendant de nombreuses années, la communauté n’a pas réagi face aux agressions. Certains veulent en découdre et véhiculent des clichés antisémites. Du style : « Tu viens du quartier juif, donc donne-moi tout ce que tu as d’Apple sur toi. » Il faut parler avec les jeunes (NDLR : des autres communautés). La communauté juive est confrontée aux mêmes problèmes de chômage et de pauvreté que les autres. Il faut arrêter avec ces clichés sur les juifs et l’argent facile.


Certains juifs de Sarcelles quittent-ils la ville ?


Je remarque que des gens partent dans d’autres quartiers, d’autres villes. Certains vont en Israël, mais aussi au Canada, en Angleterre. On a perdu du monde. Mais par le phénomène des vases communicants, des communautés ferment dans des communes limitrophes et viennent s’installer ici. La pérennité viendra de la sécurité, comme on l’a toujours eue à Sarcelles.


Vous avez des projets ?

On est toujours optimistes. On a un projet d’agrandissement du centre socio-éducatif, avec le but de rapprocher les communautés. Il faut parler ensemble, être amis, même si on n’est pas d’accord sur tout. Il faut arrêter avec des propos comme « Je suis comme ça alors je ne peux pas parler avec quelqu’un d’autre. » Cela devient insupportable ces histoires-là.


Sébastien Roselé


Source Le Parisien