vendredi 1 juillet 2016

Paracha Korah : " Le combat d'idées, mieux que les intérêts personnels " ( Rav Sitruk )





La Torah énonce dans notre paracha : « Afin que nul profane (…) ne s’ingère de faire fumer l’encens devant l’Eternel et nul ne subira le sort de Kora’h et de sa faction, comme l’Eternel l’avait annoncé par l’entremise de Moché » (Bamidbar 17, 5)....




Notre réflexion toranique hebdomadaire, toujours inspirée par la lecture assidue de la paracha, portera sur l’origine de la controverse qui a opposé Kora'h à Moché. En fait, lorsque nos maîtres présentent cette polémique (ma’hloket) dans le Traité des Pirké Avot ( Maximes des Pères ), ils précisent qu’elle est l’exemple même d’une controverse qui n’est pas « lechem chamayim » ( désintéressée ) … Ce qui situe d'emblée le cadre du débat !
O, l’exemple par excellence d'une « ma'hloket lechem chamayim » est celui de Hillel et Chammaï, ce que l’on appellera : un véritable « combat d’idées ». L’un pense ainsi, mais l’autre autrement.
Ce qui veut dire que quand on a affaire à un réel et authentique « combat d’idées », chacun défend ce qu’il estime être la vérité. Il y a donc une sérieuse discussion entre eux, mais jamais d’affrontement …

Car ce qui génère les affrontements entre les hommes, ce n’est pas le fait - somme toute si banal, car lié à la « nature » humaine - d’avoir des idées différentes, mais plutôt de transformer son opinion légitime en « problème » et en « affaire personnelle ».
Justement, l’opposition de Kora'h, qui s'est violemment dressé contre Moché, était uniquement mue par des ambitions personnelles. D’ailleurs, en présentant cette polémique, la Torah utilise l'expression fort évocatrice : « Kora'h vekol adato » ( Kora'h et toute son assemblée ).
Ce qui exprime l'évidence voulant que tous ces hommes que Kora'h avait réussi - grâce à ses dons de politicien démagogue - à convaincre de protester contre Moshé, n’étaient eux-mêmes pas d’accord entre eux !
Car il existait en réalité un véritable « problème » dans les rangs mêmes de tous ces contestataires … 
Kora'h a donc agi comme on le fait dans le monde de la basse politique « partisane » d'aujourd'hui : il a rassemblé sous sa bannière - comme on le dirait de nos jours - toute « l’opposition », à savoir tous les gens « qui n’étaient pas d’accord », même si chacun avait son propre mobile en sachant où se trouvait son intérêt personnel; et ce, pour essayer de construire un « front commun » contre Moché et Aaron !
Bien évidemment, la réaction de Moché et de Aaron face à cette grande révolte des « mécontents » est elle-même très édifiante, puisqu'ils se sont aussitôt jetés la face contre terre en disant en substance : « Si ce sont nos “ problèmes ” qui sont ici en jeu, nous renonçons à tout pouvoir ! Car nous ne voulons pas que nos personnes constituent un quelconque frein au maintien de la paix au sein du peuple d’Israël.
Dans ce cas, nous n'hésiterons pas à nous retirer de toutes nos fonctions ! » Or, la suite du récit de notre paracha montre clairement que ce n’était pas là que se situait le nœud gordien de cette dispute. Parce qu’il était ailleurs ! C'est tout simplement que Kora'h avait envie de contester … pour le plaisir de contester et d'être le leader enflammé de cette contestation !
Cet épisode agité constitue donc une leçon fort actuelle de « politique » : ne voit-on pas trop souvent de nos jours - et sous toutes les latitudes ! - que les hommes s’affrontent, non pas pour d'authentiques « combats d’idées » ou au nom d'idéologies adverses et différentes, ou bien d’idéaux divergents … mais simplement parce que chacun a au fond de lui un « compte personnel » à régler ! ? Et dans bien des cas, n'est-ce pas là ce qui peut mener à la perte d'un pays ! ?
Bien sûr, comme toute personne qui essaye d'analyser avec honnêteté le paysage politique israélien, nous sommes assez soucieux de constater que, trop souvent - et depuis fort longtemps -, ce ne sont que des intérêts personnels ou des calculs à court terme des uns et des autres qui motivent la plupart des débats politiques nationaux. Un peu plus de désintéressement, un peu plus d’idéal … et tout ira certainement mieux !
En faisant cette analyse, je ne veux nullement faire un constat par trop défaitiste ou alarmiste de certaines réalités israéliennes, mais je souhaiterais simplement attirer l’attention de nos lecteurs sur l'impérieuse nécessité, quand on veut se forger une opinion, d’observer avec attention quels sont en fait les véritables mobiles qui animent ceux qui présentent leurs « programmes » … Et ce, afin de pouvoir arrêter son choix en conséquence.
Certes, il est presque inévitable que tous les hommes soient intéressés, et il est vraiment très rare de trouver quelqu'un qui ne pense pas à ses intérêts personnels …
Mais, nous avons tous assez de bon sens et de jugement pour décider où doit se situer notre choix : car tout choix politique constitue en définitive un choix de vie.

Rav Yossef-Haïm SITRUK


Source Torah Box