vendredi 1 juillet 2016

Paracha Korah : Le maelström






Lorsque les intentions funestes de Kora’h se révélèrent à Moché, il le convoqua ainsi que toute sa communauté de rebelles pour les soumettre à une épreuve de vérité… Le dénouement - nous le savons - fut que la terre les engloutit entièrement, corps et biens...







Or, il s’avère que ce terrible châtiment, bien plus qu’un enterrement collectif, concrétisa la plus juste et terrible punition dûment méritée par ces hommes.
Lorsque Kora’h, Datan et Aviram, accompagnés de leur famille, s’avancèrent arrogamment à l’entrée de leur tente, Moché leur déclara : « Par ceci vous reconnaîtrez que c’est l’Éternel Qui m’a donné mission : (…) si ces gens meurent comme meurent tous les hommes, si la destinée commune à tous les hommes sera aussi la leur, alors ce n’est pas D.ieu Qui m’a envoyé !
Mais si l’Éternel produit un phénomène, si la terre ouvre sa bouche pour les engloutir avec tout ce qui est à eux et qu’ils descendent vivants dans la tombe, vous saurez alors que ces hommes ont offensé D.ieu », (Bamidbar, 16, 28-30).
Dans son célèbre commentaire, rabbi Moché Alcheikh – le « Alcheikh haKaddoch » – attire notre attention sur plusieurs points concernant ce prodigieux châtiment : tout d’abord, remarquet- il, il convient de comprendre comment cette punition vient répondre mesure pour mesure à la rébellion déclenchée par Kora’h.
En second lieu, une expression particulière employée ici par Moché mérite réflexion : « Si l’Éternel produit un phénomène », ce qui signifie textuellement : « S’il est une création que D.ieu créera » - sousentendant que cette ouverture pratiquée dans la terre sera considérée comme une « nouvelle création ». Or il y a lieu de s’interroger : cette ouverture dans la terre avait-elle alors oui ou non déjà été créée ?
En effet, si elle existait déjà, pourquoi demander à D.ieu de la « créer », et dans le cas inverse, que signifie : « s’il est une création » ? Enfin, le plus surprenant réside certainement dans le fait qu’une michna explicite des Pirké Avot énonce que l’une des choses créées la veille du Chabbat des Six jours de la Création fut précisément cette « bouche de la terre » qui engloutit Kora’h et sa faction… Or, n’est-ce pas Moché qui fut luimême le transmetteur de cet enseignement ?!


Trois reniements !


Il se dégage toutefois des différents commentaires de nos Maîtres (notamment du Talmud de Jérusalem, Sanhédrin - chapitre 10, 1) que Kora’h et son assemblée remirent en cause leur foi en Moché sur trois points essentiels : A/ Ils ne croyaient pas que Moché fut un authentique prophète.
B/ La nomination d’Aaron en qualité de Cohen Gadol leur sembla abusive. C/ Ils prétendirent même que la Torah révélée au mont Sinaï n’était que le fruit de « l’imagination » de Moché et qu’elle n’avait aucunement été transmise par D.ieu…
Par conséquent, c’est au regard de la première accusation que Moché leur déclara : « Si ces gens meurent comme meurent tous les hommes » - à savoir que si leur mort est provoquée naturellement par un envoyé de D.ieu, autrement dit par l’ange de la mort, ce sera alors le signe que Moché n’était effectivement pas « l’envoyé de D.ieu » puisqu’il n’a pas plus de lien avec le Créateur que tout autre homme…
En revanche, si c’est D.ieu Lui-même qui punit ces hommes par un prodige exceptionnel, il sera alors évident que Moché est Son plus proche serviteur… davantage encore que l’ange de la mort.
En second lieu, Moché déclara « (…) si la destinée commune à tous les hommes sera aussi la leur (…) » en référence à la seconde diffamation de Kora’h, formulée contre la nomination d’Aaron.
Or, le rôle du Cohen est précisément d’apporter aux hommes les « soins spirituels » qu’ils requièrent, et ce, grâce à son service sacerdotal ou, par exemple, lorsqu’il déclare chez quelqu’un une plaie de tsaraat pure ou impure. Par conséquent, l’authenticité de cette nomination sera déterminée si ces hommes connaissent « la destinée commune », c’est-à-dire si aucune plaie spirituelle ne s’abat sur eux.
Mais surtout c’est dans le troisième aspect de la controverse soulevée par Kora’h que l’on découvre l’entière portée de sa démarche et une correspondance avec son châtiment elle-même lourde de conséquence.


Terre et Ciel…


Le dernier et le plus significatif des arguments de Kora’h consistait à dire que même la Torah transmise par l’intermédiaire de Moché n’était pas authentique. Autrement dit, cette Torah reçue au Sinaï ne provenait, selon lui, aucunement des hautes Sphères célestes, mais elle n’était que le fruit d’une « imagination terrestre »…Par cette démarche, Kora’h tenta en réalité de briser les ponts liant le Ciel – source de spiritualité – et la Terre, sans réaliser que par là-même, il remettait en cause sa propre existence faite d’une âme venue d’En-Haut mais séjournant ici-bas dans une enveloppe matérielle.
« Mesure pour mesure », Moché exigea donc que leur propre âme ne mérita pas de remonter au Cieux pour s’y lier à nouveau à leur Source spirituelle. En effet, le prodige par lequel la terre « ouvrit sa bouche » consista en réalité à engloutir l’existence entière de ces hommes, tant matérielle que spirituelle : ce miracle ne se résuma pas seulement à provoquer une mort prématurée mais il consista bel et bien à sceller la vie de ces hommes dans les tréfonds de la terre, afin d’empêcher à jamais leurs âmes de retrouver leur origine céleste ! C’est pourquoi Moché proclama : « si la terre ouvre sa bouche (…) et qu’ils descendent vivants dans la tombe » - c’est-à-dire que toutes les facettes de leur Vie y soient englouties.
Or, Moché savait pertinemment que cet orifice de la terre avait déjà été formé lors de la Création du monde. Cependant, ce qui n’existait pas jusque-là, ce fut cette capacité de la terre de contenir – outre le corps de ces hommes – également leur âme… C’est pourquoi il pria alors D.ieu d’utiliser cette création déjà existante pour lui permettre de se refermer également sur l’âme de ces rebelles.
Et ce, afin de prouver aux yeux de tous que la Torah provient bel et bien des plus hautes dimensions célestes et que Moché n’avait rien « conçu de son coeur » !

Par Yonathan Bendennoune


Source Chiourim