mardi 14 mars 2017

Arnaque au CO²......Décryptage ........


 
De la Suisse à Singapour, en passant par Israël, la Lettonie, Dubaï et même le grand bazar d'Istanbul. Pendant huit ans, les juges financiers ont mené des investigations dans 17 pays à travers le monde, à la poursuite de l'argent du "casse du siècle": la plus grande arnaque jamais commise en France, qui a permis de détourner, en quelques mois, au moins 1,6 milliard d'euros de TVA sur le marché des quotas carbone fin 2008 début 2009.....Détails.......


 
Cette enquête titanesque concerne l'un des volets de cette vaste escroquerie, l'affaire dite Crépuscule, du nom du courtier mis en cause.
Pour la première fois dans une procédure "CO²", deux banques réputées viennent d'être renvoyées en correctionnelle pour blanchiment: la Garanti, deuxième établissement de Turquie, et Julius Baer, l'un des gestionnaires de fortune suisses les plus réputés.
Un signal fort envoyé par la justice aux grandes banques, trop souvent au cœur des fraudes internationales les plus sophistiquées.

Des stars de l'escroquerie aux quotas carbone

Outre les deux sociétés, 14 prévenus seront jugés pour avoir détourné à eux seuls 146 millions d’euros en appliquant la célèbre technique du carrousel de TVA. Des sociétés "taxis", créées pour l’occasion, ont acheté, hors taxe, des quotas de CO² dans un Etat européen, et les ont revendus en France en facturant la TVA (19,6%), sans jamais la rembourser à l’Etat.
Le tribunal aura droit à un casting de haut vol.
Deux stars seront à la barre. L’un des pionniers de l’arnaque, Grégory Zaoui, déjà condamné six fois pour contrebande, corruption et escroquerie, est revenu en France après un an et demi de cavale en Israël.
Il retrouvera une autre légende du CO², Cyril Astruc, alias "le maigrichon",  condamné, lui, à deux reprises.
Parmi les seconds rôles figure Eddie Abittan, toujours en fuite après avoir écopé de six ans de prison dans un autre gros dossier CO². On retrouve aussi un ancien forain, Jimmy Shamal, devenu recruteur de gérants de paille. Egalement mis en cause dans une vaste arnaque au trading en ligne, il est, lui aussi, incarcéré.

Des banques peu vigilantes

C’est peu dire que les représentants des banques turques et suisses n’apprécient guère de se retrouver sur le banc des accusés aux côtés d’escrocs renommés.
Mais selon l’ordonnance de renvoi, que Challenges a pu consulter, les juges Guillaume Daïeff, Renaud Van Ruymbeke et Patricia Simon considèrent qu’elles ont largement failli à leurs obligations de vigilance, édictées notamment par le GAFI, organisme international de lutte contre le blanchiment. Et selon la jurisprudence, ces manquements graves sont équivalents à un acte de blanchiment.
Julius Baer, fondée en 1890 à Zurich, est la plus connue des deux. L’an passé, le gestionnaire de fortune a dégagé des revenus de 2,7 milliards d’euros. C’est sa branche de Singapour qui est dans le collimateur des juges.
Un compte y a été ouvert pour une société immatriculée aux Iles Vierges Britanniques, au nom d’un Franco-israélien proche de Cyril Astruc. Il a reçu deux millions provenant de la fraude.

De Dubaï à la Lettonie, en passant par Singapour

Les juges reprochent à la banque de n’avoir pas fait de vérifications sur le profil du client et l’origine des fonds: "les sommes, censées provenir de la vente d'un restaurant en Israël, ont pourtant été virées depuis un compte ouvert en Espagne, par une société dénommée Energie group, puis depuis des comptes ouverts à Dubaï; la banque n'a pas posé la moindre question à son client sur ces incohérences manifestes entre les transactions et la transaction annoncée".
Pas de question non plus sur le transfert ensuite de ces sommes vers des comptes en Turquie et en Lettonie, notamment à la Rietumu.
Cette banque est d’ailleurs, elle aussi, poursuivie par la justice française dans le cadre de l’affaire France Offshore, vaste fraude fiscale jugée actuellement à Paris.
Julius Baer, qui a déjà dû s’acquitter d’une caution de 3,75 millions, a contesté sa mise en examen devant la chambre d’instruction de la Cour d’appel, qui n’a pas encore statué.
"Il parait pour le moins délicat d’appliquer la loi française alors que ni l’ouverture du compte ni les opérations n’ont eu lieu en France, pointe son avocat Thierry Marembert. Quant aux recommandations du GAFI, elles n’ont pas de valeur normative."  
 
Un étrange vendeur de bijoux et des commerçants turcs

Moins connue en France, la banque turque Garanti n’en est pas moins un mastodonte dans son pays, valorisé 9 milliards de dollars. Elle compte parmi ses actionnaires le géant espagnol BBVA et le conglomérat du milliardaire turc Ferit Sahenk.
A elle seule, elle a accueilli près de 44 millions provenant de la fraude au CO². 8 millions ont été virés sur des comptes ouverts aux noms de commerçants du grand bazar d’Istanbul, qui ont ensuite servi à récupérer des espèces ni vu ni connu.
Dans ce cas, les juges estiment qu’il lui était difficile de détecter les mouvements suspects.
En revanche, 36 millions ont atterri sur le compte d’une société panaméenne. Or, ce compte a été ouvert par un Israélien muni d’un passeport tunisien, qui vendait soi-disant des bijoux à Hong-Kong !
Un profil pour le moins baroque, qui n’a pas effrayé la banque malgré les alertes lancées en interne par un chargé de conformité. Pire, près de la moitié du montant a ensuite été décaissé en espèces ou viré vers des comptes en Chine et en Russie.
La Garanti se défend en assurant qu’elle a fait des déclarations de soupçons à la cellule gouvernementale anti-blanchiment.
Mais ces déclarations ont été mal rédigées ou tardives, estiment les juges: "elles pourraient n’avoir été faites par la banque que pour échapper à sa responsabilité, tout en poursuivant la relation commerciale avec le client." Pas de quoi éviter un procès donc au grand désarroi de ses avocats, Serge-Antoine Tchekhoff et Charles-Henri Boeringer: "la Garanti considère qu’elle a respecté à la lettre les obligations de la loi turque et du GAFI et entend démontrer sa parfaite bonne foi lors du procès."
Les audiences devraient se tenir à partir du mois de mai, à moins que la Cour d’appel ne valide le recours de Julius Baer.
Source Challenge
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