jeudi 20 avril 2017

Cannes-Torcy : la première "filière" djihadiste de France devant les assises spéciales

 
 
Trois ans avant les attentats de Paris, la cellule djihadiste repérée en 2012 prévoyait des actions sur le sol français. Une vingtaine de ses anciens membres sont jugés à partir de jeudi. En 2012, la cellule était décrite par les services antiterroristes comme la plus dangereuse démantelée depuis les attaques du Groupe islamique armé (GIA) algérien, dans les années 1990. Mais ils n'imaginaient pas que le groupe, dit de "Cannes-Torcy", annonçait les mutations d'un terrorisme qui allait frapper la France au coeur quelques années plus tard, avec les attentats de janvier puis du 13-Novembre 2015.....Détails.......



Cinq ans après, vingt membres de la première "filière" djihadiste de l'hexagone, qui projettait notamment de s'en prendre à des cibles juives et des militaires, comparaissent devant une cour d'assises spéciale, à partir de jeudi.

Une attaque à la grenade à Sarcelles

Tout commence le 19 janvier 2012, à Sarcelles, où vit une importante communauté juive. Ce jour-là, le journal satirique Charlie Hebdo vient de publier de nouvelles caricatures du prophète Mahomet, suscitant de violentes critiques de musulmans pratiquants en France comme ailleurs en Europe. À 12h30, deux hommes, capuches sur la tête, entrent dans l'épicerie casher Naouri et jettent une grenade.
L'engin roule sous un chariot métallique, ne blessant miraculeusement légèrement qu'un client. "L'intention était bien de tuer et ce n'est que par chance que l'attentat n'a pas eu les conséquences voulues" estime alors le procureur de Paris, François Molins.

L'enquête est rapide

Une empreinte retrouvée sur la cuillère de la grenade permet de remonter à Jérémie Louis-Sidney, radicalisé lors d'un séjour en prison, en 2008. Le "chef de meute" du groupe, comme l'appellent ses membres eux-mêmes.
Il a un temps envisagé d'entreprendre d'assassiner tous les buralistes vendant Charlie Hebdo. Dans son entourage apparaît vite un autre nom : celui de Jérémie Bailly, "son plus fidèle lieutenant" selon les enquêteurs, un petit délinquant converti à l'islamisme radical.

Cocotte-minute, soufre et salpêtre

À Torcy, commune de Seine-et-Marne dont est originaire Jérémie Bailly, les enquêteurs découvrent un arsenal d'armes et de quoi fabriquer un engin explosif - cocotte-minute, soufre, salpêtre et réveil - dans un box à son nom. Ce dernier reconnaîtra devant le juge que cela devait servir à "fabriquer une bombe" pour "la poser chez des militaires ou des sionistes".
Un groupe de jeunes hommes, tous amis d'enfance et originaires de la commune de banlieue parisienne, gravitent à l'époque autour du meneur et de son adjoint. Petit à petit, tous sont identifiés.

Quel rapport avec Cannes, située à près de 1.000 kilomètres de Torcy ?

Dans la ville des Alpes-Maritimes, un autre groupe d'amis, également constitué dès le plus jeune âge, entretient des liens étroits avec la branche parisienne. Il s'est étoffé de quelques individus rencontrés à la mosquée Al Madina, autour de Jérémie Louis-Sidney.
À l'été 2012, les "frères" de Cannes et de Torcy se retrouvent dans le sud, autour de moteurs communs : un fort antisémitisme et une radicalisation, très rapide pour la plupart d'entre eux. 
Il y a Victor Guevara, issu d'une famille parisienne aisée et converti en 2009 pour trouver "sa vérité", Michaël Amselen, fils d'une mère catholique et d'un père juif, devenu musulman en 2010, ou encore Sydney Descoups, délinquant recalé de l'armée et surnommé "le Rouquin".

Une cellule en plein essor aux projets imminents

Le 6 octobre 2012, un vaste coup de filet est lancé pour arrêter une vingtaine de membres présumés du groupe, simultanément à Torcy, dans l'agglomération cannoise et à Strasbourg, où Jérémie Louis-Sidney, en visite chez sa compagne, est tué dans un affrontement avec les policiers.
Au fil des perquisitions, les enquêteurs saisissent armes, testaments religieux et listes de cibles potentielles. Et confortent leur sentiment d'avoir démantelé une cellule en plein essor.
Des "Cannois" du groupe sont arrêtés début juin 2013, alors qu'ils envisagent une attaque imminente contre une caserne. D'autres, de retour de Syrie en 2014, sont soupçonnés d'avoir voulu commettre un attentat de masse sur la Côte d'Azur.
Au moment des interpellations, qui durent jusqu'à fin 2014, les policiers soupçonnent des passages à l'acte imminents dans la région parisienne. Une liste manuscrite d'associations juives et des photos de personnalités sont découvertes lors de perquisitions.

Vingt accusés et cinquante-cinq jours d'audience

Au total, ce sont vingt hommes, âgés de 23 à 33 ans, qui comparaîtront devant la justice. Dix sont en détention provisoire, sept sont libres sous contrôle judiciaire et trois sont visés par un mandat d'arrêt - un en fuite et deux soupçonnés d'être en Syrie.
Partis aux balbutiements de l'Etat islamique (EI), ces derniers auraient aujourd'hui gravi les échelons au sein des djihadistes francophones du groupe.
Cinquante-cinq jours d'audience sont prévus, jusqu'au 7 juillet, pour comprendre la genèse et le fonctionnement de ce groupe ancré en France et radicalisé à l'ancienne.
Une génération d'avant internet, pas encore téléguidée depuis l'étranger, qui a construit son djihad comme une révolte. Mais déjà, avec une dimension syrienne, de premiers départs et des envies de crime de masse.
Source Europe 1
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