mardi 14 novembre 2017

L’inquiétant retour du nationalisme sans frein en Pologne....


Les slogans néofascistes de la manifestation de samedi à Varsovie confirment l’inquiétante dérive ultranationaliste du pays. Au moment où l’homme fort du parti au pouvoir, Jarosław Kaczyński, réclame de l’Allemagne qu’elle paye des réparations de guerre......Détails et vidéo......



Le 11 novembre est une date particulière pour les Polonais. Ce fut, en 1918, celle de la renaissance du pays.
Mais pour les démocrates polonais inquiets par la dérive autoritaire dont le parti Droit et Justice semble friand, ce 11 novembre 2017 restera celui de la résurgence du catho-fascisme. En toute impunité.
60 000 personnes ont en effet défilé samedi dans les rues de Varsovie, à l’appel d’une organisation d’extrême-droite. Il y avait des extrémistes cagoulés, mais aussi des familles.
Ce qui a fait dire aux militants nationalistes, et aux membres du gouvernement, qu’il s’agissait d’une manifestation patriotique, avec quelques excités en plus.

Des slogans racistes, antisémites, suprématistes

En réalité, et les journalistes des grands médias internationaux qui étaient sur place ont pu en témoigner, la teneur des slogans prononcés par les manifestants rappelait les heures sombres de la Pologne des années 1930. Des slogans invoquant la pureté ethnique de la Pologne, le "sang propre" et le suprématisme "blanc".
On a pu entendre « Une Pologne pure, une Pologne blanche, une Europe blanche »… « Du sang propre »… Ou encore ce slogan aux accents de croisade : « Prions pour un holocauste musulman ».

La complicité du pouvoir

« Cette manifestation patriotique est organisée chaque année, mais ce qui était différent samedi, c’est le soutien, la bienveillance et la protection dont ces extrémistes ont bénéficié de la part du pouvoir », s’indigne Jaroslaw Kurski, rédacteur en chef de Gazeta Wyborcza, le principal quotidien de l’opposition. Un journal né dans le sillon du grand mouvement Solidarnosc, avec la démocratie retrouvée en 1989 à la chute du communisme.
« Ce ne sont pas les extrémistes qui lançaient des slogans antisémites, racistes, qui ont été arrêtés, mais les citoyens qui s’y opposaient ».
Hormis le ministre de la Culture, qui a qualifié ces slogans d’inacceptables tout en considérant la manifestation un formidable événement patriotique, le gouvernement n’a pas condamné cette marche.
Ni l’Église d’ailleurs. Pire, la télévision publique, reprise en main par le pouvoir, a tranquillement tendu le micro à des propos antisémites caractérisés. Comme ceux de ce manifestant affirmant en direct : « Il faut chasser le judaïsme des couloirs du pouvoir ».
Dans un pays où 90 % de la communauté juive d’avant-guerre a été exterminée par les nazis.

Majorité silencieuse ?

À l’occasion d’une conférence de presse, en fin d’après-midi samedi, le ministre de l’intérieur Mariusz Błaszczak, à la question d’un journaliste qui lui demandait de réagir à ces slogans racistes, a répondu selon le site Politico : « Il n’y a pas eu d’incidents […] C’est seulement votre opinion, parce que vous vous comportez comme un activiste politique ».
« C’est comme partout, le fascisme et les idéologies extrémistes profitent de la passivité de la majorité, et cela donne de la place pour l’extrémisme jusqu’au moment où il est trop tard », affirme Jaroslaw Kurski.
« On laisse se banaliser des comportements. Et c’est un piège. Beaucoup de gens disent que c’est marginal, qu’il y avait des enfants à la manifestation, on peut toujours mitiger les choses. Mais c’est un piège. »

Et la justice ?

On pourrait penser, bien sûr, que l’apologie de nettoyage ethnique est un délit. Et qu’il revient aux autorités judiciaires d’intervenir pour faire respecter la loi. « Bien sûr que ces slogans sont hors la loi, », s’enflamme Jaroslaw Kurski, « mais le parquet ne réagit pas.
Les forces politiques d’opposition ont lancé des dénonciations, mais le pouvoir a maintenant le contrôle du parquet. Ils ne vont rien faire ». Pire, lors d’un débat télévisé, dimanche soir, un commentateur du quotidien Gazeta Wyborscza, Piotr Stasinski, l’adjoint de Kurski, a eu le malheur de rapporter, en direct à la télévision, le contenu des slogans et des insultes qu’il avait entendus durant la manifestation.
« Résultat, juste après l’émission, » nous explique Piotr Stasinski joint par téléphone, « j’ai reçu un tweet rageur de la part du président du Sénat, membre du parti Droit et Justice, m’accusant d’avoir prononcé des vulgarités inadmissibles à la télé et résolu à porter plainte auprès du procureur pour que je sois poursuivi. Il y a clairement une fascisation de la Pologne sous le regard bienveillant des autorités ».

Réparations allemandes

Au moment même où la manifestation de Varsovie charriait les pires slogans, l’homme fort du pays, Jaroslaw Kaczynski prononçait un discours à Cracovie, lui aussi très patriotique.
Jaroslaw Kaczynski, a réclamé des réparations à l’Allemagne pour son agression contre la Pologne durant la Seconde Guerre mondiale.
C’est une question d’honneur, a-t-il déclaré.
« Les Français ont été indemnisés, les Juifs ont été indemnisés, de nombreux autres pays l’ont été pour ce dont ils ont souffert durant la Seconde Guerre mondiale. Pas les Polonais », a fait remarquer samedi Jaroslaw Kaczynski, qui est, de facto, celui qui tient les rênes de la Pologne.
« Ce n’est pas seulement une question matérielle. Il en va de notre statut, de notre honneur. Et ce n’est pas du vent, c’est bel et bien notre exigence, une exigence tout ce qu’il y a de plus sérieux », a-t-il ajouté.
La question des réparations a été relancée par le PiS, une formation eurosceptique arrivée au pouvoir lors des législatives d’octobre 2015, après des décennies d’amélioration des relations avec l’Allemagne.
En septembre, des juristes du parlement polonais ont estimé que Varsovie était fondé à réclamer des réparations à l’Allemagne, même si le chef de la diplomatie polonaise a laissé entendre qu’aucune demande ne serait faite officiellement pour le moment.



Source Ouest France
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