mercredi 15 novembre 2017

"One of us", le récit dramatique de ceux qui veulent quitter la communauté ultra orthodoxe....(Vidéo)

 
Les productrices du film "One of us" ont réussi à pénétrer le monde ultra-orthodoxe par le biais de l'organisme New Yorkais Footstep, proposant des programmes et ressources pour ceux qui souhaitent s'émanciper de leur communauté.....Détails et vidéo........ 
 

En 2008, le documentariste montréalais Éric Scott a mis à l'écran pour la première fois les complexités et les enjeux faces aux sorties du monde juif ultra orthodoxe dans Leaving the fold.
Depuis, la communauté des sortants ou OTD (Off the Derech/Hors du chemin) est dépeinte dans des essais, des reportages radio et vidéo.
Ce 20 octobre, Netflix apporte sa pierre à ce nouveau genre en diffusant le documentaire One of Us, produit par les célébrités Heidi Ewing et Rachel Grady (Jesus Camp 2006).
Par la visibilité du film avec des sous-titres en quatre langues (français, espagnol, italien, allemand), les réalisatrices vont probablement fixer, voire institutionnaliser une image de ces sortants à travers le monde.
Quelle représentation ces dernières ont-elles choisi de donner de ces sortants, et surtout quel message transmettent-elles au sujet de leur culture religieuse suscitant la curiosité d'un grand nombre ?
La première mondiale du documentaire à laquelle j'ai assisté a eu lieu le dimanche 10 septembre au Toronto International Film Festival.
La bande-annonce visualisée en amont évoque les transitions individuelles des trois protagonistes que l'on retrouve tout au long du film, leurs secrets, leurs tourmentes, sous un crescendo musical aboutissant sur des sirènes de police. Elle me laissait pressentir un documentaire quelque peu sensationnaliste. Après tout, la mise à l'écran de la souffrance, de l'exclusion et de la marginalisation a d'ores et déjà prouvé son succès par le fait qu'elle provoque des émotions fortes, favorisant la compassion et encourageant le spectateur à soutenir une cause.
Résidentes de New York, Heidi Ewing et Rachel Grady ont réussi à pénétrer le monde ultra-orthodoxe par le biais de l'organisme New Yorkais Footstep, proposant des programmes et ressources pour ceux qui souhaitent s'émanciper de leur communauté.
L'originalité, et je dirai même la force de ce film, est d'avoir suivi pendant plusieurs années trois individus dans leur intimité. Ce travail de longue durée a notamment permis de documenter les transitions de l'état de "corps religieux" à "corps séculier" de Etty et Ari.
Le troisième personnage est l'acteur américain Luzer Twersky, qui est apparu dans le film de Maxime Giroux Felix et Meira (2014), ayant effectué sa transition il y a plusieurs années.
Avec son humour, il incarne l'équilibre et permet au spectateur de prendre une certaine distance quant aux drames des vies de Etty et Ari.Tout en étant familière avec les sortants du monde hassidique, j'ai été profondément bouleversée par ce documentaire.
Prise par la tristesse et la colère des parcours de vie de Etty et Ari, je restais néanmoins désorientée par la substantielle mise à l'écran du drame et de la souffrance.
Malgré le fait que le récit de Luzer Twersky met un tant soit peu de légèreté et de neutralité face à ces sorties, l'esthétique du film, par sa photographie et sa bande audio, renforce le récit dramatique des 1h34 de film. Je me suis alors interrogée sur la centralité de la souffrance que les deux réalisatrices ont choisi de mettre en récit.
Qu'on ne se le cache pas, une expérience de sortie sans tragédie, avec une acceptation de la famille, comme j'ai parfois pu l'observer, n'aurait pas été attractive pour l'écran.
Il y a pourtant ici un véritable paradoxe: d'un côté, les sortants travaillent à transformer leur image, à savoir une communauté dépeinte comme déséquilibrée et abusée, et de l'autre, on constate une centralisation constante de leur souffrance dans les médias.
Ainsi, la mise à l'écran des transitions de Etty et Ari, qui s'affranchissent de leur vie de juifs ultra-orthodoxes en ayant été victimes d'abus sexuels et physiques, ne donne-t-elle pas raison à ceux qui spécifient que ces sorties se font principalement en raison d'un traumatisme et d'un environnement familial instable?
Que produisons-nous en focalisant le débat sur un phénomène en dépit d'un autre alors que la réalité sociale comporte multiples aspects ?
Les documentaristes ont ici choisi de mettre la lumière sur des expériences peu connues du grand public afin de donner de l'importance à ces transformations individuelles dans un contexte religieux, en choisissant essentiellement des expériences d'abus, de violence et de rejet.

Elles l'ont fait de façon brillante rendant ainsi hommage aux trois protagonistes. Mais ici encore, le religieux ne fait pas bonne figure, s'opposant à la raison et à la libéralisation.
Il ne va pas sans dire que ce monde religieux n'est pas à critiquer et que la souffrance dans l'expérience des sortants est une réalité, mais elle n'est pas exclusive et la réalité vécue est bien plus complexe. Plus largement, ce constat conduit à interroger la cohabitation entre individus partageant des visions du monde opposées.
Pour le dire autrement, en évoquant le vivre ensemble, ne sommes-nous pas en train de parler d'une acceptation de l'altérité dans les limites d'une ressemblance avec la majorité, à savoir pas trop différent, pas trop visible, pas trop audible, pas trop religieux ?
Pouvons-nous penser un tel projet citoyen au-delà de l'instrumentalisation politique, tel un véritable projet social; à moins que ce vivre-ensemble ne soit pensé que dans le cadre d'une extraction de l'identité de l'autre ne correspondant pas aux normes sociales de la société en question?



Source HuffingtonPost
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